Quel est le rôle de la politique de la concurrence ?

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Cours de sciences économiques et sociales SES de terminale économique et sociale ES.

 

Stratégies d’entreprises et politique de la concurrence dans une économie globalisée.

Quel est le rôle de la politique de la concurrence ?

Objectifs :

Savoir expliquer et illustrer la politique de la concurrence, tant à l’égard des entreprises qu’en matière d’intervention publique.

Savoir expliquer que cette politique est source de débats quant à la place de l’État dans la production de services collectifs et dans la mise en œuvre de la politique industrielle.

Savoir expliquer et illustrer, tant à l’échelon national qu’européen, les autorités de la concurrence sont intervenues pour protéger les intérêts des consommateurs.

 

Notions à connaître :

Acquis de première : fonctions économiques de l’État, marchés concurrentiels, marchés imparfaitement concurrentiels, pouvoir de marché.

Notions à acquérir en terminale : politique de la concurrence, abus de position dominante, cartel de producteurs, marché, marché pertinent, politique industrielle, services collectifs, services d’intérêt général.

Les notions en gras sont les notions qui apparaissent dans le programme, pour lesquelles vous serez évalués lors du baccalauréat. Les autres notions sont nécessaires pour bien maîtrisées les notions en gras.

Vous pouvez trouver ci-joint le dossier documentaire pour les élèves :

Introduction : pourquoi et qui mène la politique de la concurrence.

 

La politique de la concurrence vise à limiter les effets pervers d’un manque de concurrence tels que le gaspillage de ressources, le manque d’incitation à une baisse des coûts, à l’innovation, à une meilleure productivité, aux rentes non justifiées et à une pertes de bien-être social (diminution du surplus du consommateur) par la hausse des prix et baisse des quantités échangées. Son but est de protéger les consommateurs face à des pratiques anticoncurrentielles afin de rapprocher le fonctionnement des marchés de celui du modèle de concurrence pure et parfaite. La politique de la concurrence est l’ensemble de mesures destinées à organiser la concurrence sur les marchés. Elle fait partie des fonctions économiques de l’État. L’économiste Robert Musgrave distingue les rôles de la puissance publique consistant à :

- allocation des ressources : l’État intervient à travers son rôle de réglementation en plaçant les institutions pour permettre au marché de fonctionner : droit de propriété, respect des contrats, politique de la concurrence. Par ailleurs l'État intervient pour lutter contre les défaillances du marché (lutter contre les externalités négatives et encourager les externalités positives, création des biens publics, favoriser la transparence du marché), c'est à dire les cas où le marché n'assure pas le bien être collectif.

- distribution : distribuer des richesses en corrigeant la répartition primaire plus ou moins juste qu’opère spontanément le marché.

- stabilisation : viser le plein emploi des facteurs de production et la maîtrise de l’inflation.

En Europe, il existe un échelon national (l’Autorité de la concurrence en France), et un échelon communautaire (la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne) quand les affaires ont des répercussions sur plusieurs états membres. Les normes relatives à la politique de la concurrence sont définies au niveau européen au départ dans le Traité de Rome, 1957, puis dans le Traité de Lisbonne de 2007

 

I] La politique de la concurrence intervient dans plusieurs domaines pour contrôler le pouvoir de marché des entreprises.

 

Il y a 4 grands axes d’intervention : 2 types d’interventions ex-post (cartels, abus de position dominante), 2 types d’interventions ex-ante (analyse des opérations de concentration et des aides publiques).

 

A) Lutter contre les cartels de producteurs.

 

Un cartel de producteurs est une situation de marché où les entreprises sont en collusion (entente illicite), en fixant notamment leurs prix et leurs quantités de manière coordonnée pour maximiser leurs profits communs. Les cartels sont néfastes pour le consommateurs car les prix sont plus élevés et les quantités moindres qu’en situation de concurrence. Pour lutter contre les cartels, dissuader les collusions, de lourdes amendes sont prévues par les autorités. Pour mieux les détecter, des programmes de clémence sont mis en place (amendes revues à la baisse ou impunité totale pour celui qui dénonce). Aux États-Unis, il y a des peines d’amende et de la prison ferme pour les cadres dirigeants de l’entreprise.

B) Lutter contre les abus de position dominante.

 

Un abus de position dominante c’est lorsqu’une entreprise profite de sa situation dominante sur le marché pour imposer des conditions de vente déloyales. Cela peut être des prix abusifs (trop élevé), artificiellement bas (voire des prix prédateurs) pour empêcher les concurrents de s’aligner, des accords de vente exclusifs, des primes de fidélité visant à détourner les fournisseurs de leurs concurrents, subordonner l’achat d’un produit à celui d’un autre produit (Microsoft et Windows Media Player).

Détenir une position dominante sur un marché ne sont pas condamnable en soi, c’est le fait d’en profiter pour adopter des pratiques anticoncurrentielles qui est condamnable. Une entreprise « domine » son marché lorsqu’elle peut prendre des décisions indépendamment du comportement de ses concurrents et des consommateurs.

 

Afin d’apprécier le pouvoir de marché et juger de l’existence d’une position dominante, il faut pouvoir délimiter le marché en cause. La politique de la concurrence s’appuie sur la délimitation du marché pertinent à la fois dans l’analyse des projets de concentration et dans la répression de l’abus de position dominante. Un marché est le lieu réel ou abstrait de rencontre entre l’ensemble des offres et des demandes pour une marchandise aboutissant à un échange caractérisé par un prix. Un marché pertinent est le lieu de confrontation entre l’offre et la demande de biens et services substituables entre eux car les demandeurs les considèrent comme interchangeables en raison de leurs caractéristiques, de leurs prix et de l’usage auquel ils sont destinés. Un marché pertinent est forcément sur une zone géographique délimitée. Par exemple, le marché de l’entreprise Lego n’est pas celui de tous les jouets : son marché pertinent est l’ensemble des jeux de construction.

 

C) Analyser les impacts anticoncurrentiels des opérations de concentration.

Typologie des concentrations
Concentration / intégration...

horizontale

Acquisition ou fusion d’une entreprise par une autre entreprise ayant la même activité

verticale

Acquisition ou fusion d’une entreprise par une autre entreprise complémentaire

conglomérale

Acquisition ou fusion d’une entreprise par une autre entreprise ayant une activité différente et non complémentaire

Une entreprise de chaussure A achète une entreprise de chaussure B

Une entreprise de chaussure A achète une entreprise de production de cuir

Une entreprise de bâtiment achète une entreprise de jeu vidéo

Document : un exemple de politique de la concurrence :

La Commission européenne s’est opposée, en vertu du règlement de l'UE sur les concentrations, au projet de rachat de la compagnie aérienne irlandaise Aer Lingus par la compagnie aérienne à bas prix Ryanair. Ce rachat aurait abouti au rapprochement des deux principales compagnies aériennes qui opèrent au départ de l'Irlande. La Commission est parvenue à la conclusion que la concentration envisagée aurait porté préjudice aux consommateurs en créant une situation de monopole ou de position dominante sur les 46 liaisons aériennes sur lesquelles Aer Lingus et Ryanair se livrent actuellement une concurrence acharnée. Cette situation aurait réduit le choix proposé à la clientèle et, très probablement, entraîné une hausse des prix pour les passagers qui empruntent les lignes concernées. Ryanair a proposé des mesures correctives au cours de la procédure. La Commission les a examinées avec attention et a consulté les acteurs du marché à plusieurs reprises. Elle a néanmoins estimé que ces mesures n'apportaient pas de réponse satisfaisante aux problèmes de concurrence qu’elle avait relevés.

M. Joaquín Almunia, vice-président de la Commission chargé de la concurrence, a déclaré à ce sujet: « La décision de la Commission protège les quelque 11 millions et plus de passagers irlandais et européens qui voyagent chaque année à destination ou au départ de Dublin, Cork, Knock et Shannon et pour qui le rachat d’Aer Lingus par Ryanair aurait plus que probablement été synonyme de hausse des prix. Au cours de la procédure, Ryanair a eu maintes occasions de proposer des mesures correctives et de les améliorer. Néanmoins, ses propositions ne permettaient tout simplement pas de remédier aux très graves problèmes de concurrence que l’opération aurait posés sur pas moins de 46 liaisons aériennes. »

Commission Européenne, Communiqué de presse, 27 février 2013.

http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-167_fr.htm

Les consommateurs au départ ou à destination de l’Irlande sont très dépendants du transport aérien puisque l’Irlande est une île. Les liaisons aériennes sont donc un produit indispensable et sans substitut d’où une assez faible élasticité‐prix de la demande de marché. Or, la fusion aurait diminué la concurrence de façon substantielle en installant la nouvelle entité dans une position dominante peu contestable étant donné les barrières à l’entrée. Un éventuel comportement anticoncurrentiel n’aurait alors pas pu être contrecarré par l’arrivée de nouveaux concurrents sur le marché.

 

La politique de concurrence s’exerçant sur les entreprises peut également prendre la forme de lutte contre les concentrations. La concentration d’entreprise n’est, en soi, pas interdite, mais ce regroupement ne doit pas avoir pour objet de créer ou renforcer une position dominante qui pénaliserait les consommateurs. La commission européenne examine en amont les opérations de concentration (rachats, « entrée au capital », fusions d’entreprises) pour s’assurer qu’elles ne créent pas de situation de monopole. Très peu d’opérations sont refusées. 300 cas examinés par an et moins d’un seul refus en moyenne.

 

D) Encadrer les aides publiques

Document : les services publics n’échappent pas à la politique de la concurrence.

A l’origine de la volonté d’instaurer la concurrence au sein de l’Union dans les services de réseau - électricité, gaz, télécommunication, postes et chemin de fer -, il y avait une double conviction : elle était le seul moyen de constituer des ensembles européens dans ces domaines et elle serait bénéfique tant pour les consommateurs que sur le plan industriel. Du point de vue des consommateurs, cette conviction s’appuyait sur la critique des monopoles développée par les économistes. Une entreprise en situation de monopole tend en effet à abuser de son pouvoir de marché : elle est « faiseuse de prix » ; à l’inverse, les entreprises en situation de concurrence pure et parfaite ne sont que « preneuses de prix », c’est à dire qu’elles n’ont aucune influence sur leur formation. Dans le but de maximiser son profit, l’entreprise en monopole tend à restreindre sa production et à pratiquer des prix plus élevés que dans un cadre concurrentiel. La dérégulation des télécommunications dans les années 1990 puis celles des marchés de l’énergie dans les années 2000 n’ont cependant pas tenu leurs promesses.

Marc Chevallier,  « Électricité, téléphone : la libéralisation en question », Alternatives économiques, hors-série, n°72, 2007 

La Poste, EDF, GDF, SNCF, France Telecom etc. sont des exemples de secteurs autrefois en situation de monopole et aujourd'hui en situation de concurrence. Souvent, il s’agissait d’entreprises publiques.

 

Les aides publiques aux entreprises sont fortement encadrées par la commission européenne, notamment les subventions et les exonérations fiscales. L’Union européenne estime qu’une aide d’État, financée par des ressources publiques, ne doit pas favoriser une entreprise nationale au détriment des ses concurrentes étrangères, notamment européennes. Elle cherche ainsi à empêcher le favoritisme national.

La Commission européenne peut imposer à un État membre de cesser ses aides publiques auprès d’entreprises nationales. S’il continue à ne pas respecter le principe de libre concurrence au sein de l’Union, la Commission peut saisir la Cour de Justice européenne, qui pourra alors décider de sanctionner financièrement l’État. Le but est de rendre équitable la libre circulation des biens et services et de ne pas engendrer un phénomène de course à la subvention.

Certaines dérogations sont cependant acceptées :

  • Aides suite à une catastrophe naturelle

  • Aides à des secteurs ou régions en difficulté

  • Aides à la R & D

  • Aides aux PME

  • Aides à la protection de l’environnement

D’autre part, les monopoles des services publics font l’objet de projets de libéralisation progressive (ouverture à la concurrence) : secteur de l’énergie, courrier, transport ferroviaire. Souvent, le réseau reste dans une seule entreprise, publique, mais les opérateurs sont en concurrence (ex : en France, RFF et SNCF).

II] La politique anticoncurrentielle fait l’objet de débats.

 

A) Les limites de la politique anticoncurrentielle en terme d’efficacité.

 

Avant de se lancer dans une pratique anticoncurrentielle, l’entreprise fait un calcul entre les coûts de cette action, notamment si elle est attrapée rendue coupable, et les bénéfices de son action (surprofit). C’est pour cela que les contrôles doivent être assez fréquent (probabilité de se faire attraper) et les sanctions doivent être assez importante pour être dissuasive, que ce soit en terme monétaire (amende) voire en peine de prison. On considère que les amendes sont, à ce jour, insuffisamment dissuasive pour que les entreprises ne recourent pas à des pratiques anti-concurrentielles.

 

B) La politique de la concurrence peut aller à l’encontre de la politique industrielle.

 

La politique industrielle est l’ensemble des mesures prises par les pouvoirs publics pour encourager le développement de certaines branches d'activité dans un sens jugé souhaitable pour l’activité économique du pays

On distingue :

  • La politique verticale, ciblée sur certains secteurs, visant à améliorer la compétitivité des acteurs industriels

  • La politique horizontale qui vise à améliorer l’attractivité d’un territoire et favoriser le climat des affaires

 

La politique industrielle verticale consiste en l’attribution de subventions, aides financières, et commandes publiques à certaines industries, dans le but de créer des géants de l’industrie, capables de rivaliser avec les entreprises étrangères. Mais ces instruments de protection des industries contreviennent aux règles de la concurrence (la politique industrielle entre donc en conflit avec la politique de concurrence). Pour se conformer aux règles européennes, les états ont limité leur politique industrielle à des politiques horizontales. Le soutien de l’État envers des géants de l’industrie n’est donc plus possible.

 

Cependant, l’opposition entre politique horizontale et politique verticale n’est pas toujours pertinente. En effet, les politiques qui développent l’attractivité des territoires ont des impacts sectoriels puisqu’elles bénéficient aux entreprises qui sont implantées et qui sont rassemblées autour de pôle de compétitivité. Ces pôles de compétitivité regroupent des acteurs d’un secteur particulier, ce qui contribue à développer des géants industriels.

C) La politique de la concurrence peut aller à l’encontre des services collectifs.

 

Les services collectifs correspondent aux prestations en nature (éducation, santé, défense, bibliothèques etc.) à vocation universelle, financées par les prélèvements obligatoires et fournies par les administrations publiques. On peut aussi considérer que l’accès à l’électricité, à l’eau, au transport ferroviaire, aux télécommunications font partie des services collectifs. Historiquement, cela a été mis en place par des entreprises publiques dans une volonté d’aménagement du territoire et de développement économique.

Mais, il y a une contestation d’inspiration libérale : l’État et les gouvernants ne recherchent pas l’intérêt général mais des intérêts particuliers (réélection, prestige et pouvoir…). Par ailleurs, les entreprises publiques seraient moins efficace que le privé, qui lui est aiguillé par la concurrence. Les services collectifs n’ont donc pas à être produit par l’État ou des entreprises publiques, moins efficace que des acteurs privés guidés par le marché. Il y a donc en Europe une ouverture de la concurrence. Cela passe notamment par la séparation des activités réseau des activités distribution, production.

Quel est le rôle de la politique de la concurrence ?

Le traité de Lisbonne (2009) précise que les SNEIG sont de la compétence des Etats et spécifie les valeurs communes de l’UE sur les SIEG : rôle essentiel et large marge de manœuvre des autorités publiques nationales et locales dans leur gestion – diversité des services – qualité, sécurité et accessibilité – égalité de traitement et défense des droits des utilisateurs.

La libéralisation dans des activités peut aboutir à de nouvelles concentrations, le monopole public étant alors remplacé par un oligopole d’opérateurs privés qui peuvent exercer leur pouvoir de marché au détriment des consommateurs. La recherche du profit plutôt que de la satisfaction des consommateurs peut dégrader la qualité du service, la sécurité (ex. du nucléaire). L’ouverture à la concurrence remet en cause l’égalité de traitement des usagers et la péréquation des moyens (exemple du rail). Elle peut reléguer au second plan les finalités sociales et environnementales des services publics (ex. : aménagement du territoire). Au total, il y a donc des craintes que la libéralisation menace l’essence même des services publics, à savoir leur mission d’intérêt général, leur capacité à assurer l’égalité, la cohésion sociale et territoriale.

Par ailleurs, il y a des incertitudes sur la hiérarchie des normes communautaires : qu’est‐ce qui prévaut en cas de tension ? les règles de concurrence ou l’objectif d’intérêt général ? Incertitudes sur la définition des SIEG (voir tableau) : seuls les SIEG sont soumis l’application des règles de concurrence ; l’incertitude est liée à la conception plus ou moins extensive des SIEG, avec le risque de généralisation des règles de concurrence à tous les SIG.

 

La législation européenne prend en compte les services d’intérêt général qui sont des activités de service, commercial ou non, considérées d’intérêt général par les autorités publiques, et soumises pour cette raison à des obligations spécifiques de service public. Elle distingue les services « non économiques » d’intérêt général (fonction régalienne et sécurité sociale) non soumis à la politique de la concurrence et les services d’intérêt général qui eux sont soumis à la politique de la concurrence. Cependant, cette conception fait émettre de nombreux doutes : les services collectifs permettent d’assurer l’égalité de traitement des usagers et a des finalités sociales et environnementales des services publics (ex. : cohésion sociale et territoriale).

 

La politique de la concurrence à pour but de garantir le bien être du consommateur en limitant les situation de concurrence imparfaite (monopole, oligopole, cartel ou abus de position dominante). Cependant son action peut entrer en contradiction avec son objectif. Effectivement articuler politique de la concurrence et politique industrielle n’est pas sans soucis car ils ‘agit alors de « donner un coup de pouce » aux activités économiques tout en respectant le libre jeu du marché. En voulant à tout prix protéger la concurrence comme dans le cadre de la production de service public, celle ci devient peu soucieuse du bien être des consommateurs. Et d’un autre coté son efficacité est parfois critiquée : les sanctions peuvent être jugées trop faibles.

Publié dans Economie approfondie

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