Comment expliquer les crises financières et réguler le système financier ?

Publié le par Collectif

Cours de spécialité économie approfondie EA de terminale économique et sociale ES.

 

Instabilité financière et régulation.

 Comment expliquer les crises financières et réguler le système financier ?

 

Objectifs :

Savoir expliquer ce qu’est une crise financière.

Savoir expliquer les mécanismes susceptible d’engendrer un choc systémique : par les déséquilibres macro-économiques, par la volatilité des cours, par les anticipations mimétiques, du fait de l’aléa moral.

Savoir expliquer les instruments de la régulation des marchés visant une plus grande transparence des marchés, notamment la réglementation prudentielle, le contrôle des agents (agence de notation, banques, fonds) et des activités (comme les marchés dérivés, la titrisation et le high frequency trading) et la lutte contre les paradis fiscaux.

 

Notions à connaître :

Acquis de première : asymétrie d’information, risque de crédit.

A acquérir en terminale : Crise financière, Crise systémique, Risque systémique, Déséquilibre économique, Volatilité des prix, Comportement mimétiques, Bulle spéculative, Too big too fail, Aléa moral, Régulation, Réglementation prudentielle, Risque d’insolvabilité, Risque de liquidité, Marché de gré à gré, Chambre de compensation, Paradis fiscal.

Vous pouvez trouver ci-joint le dossier documentaire pour les élèves :

Le fonctionnement des marchés financiers est susceptible d’engendrer des crises financières qui peuvent contaminer l’ensemble de l’économie, comme la crise de 1929 ou celle de 2007-2008. Comment expliquer l’origine de ces crises ? Comment faire pour les éviter ?

 

Introduction : qu’est-ce qu’une crise financière ?

Une crise financière est le retournement de la conjoncture dans le système financier. Celle-ci peut prendre plusieurs formes : effondrement des titres de bourses (krach boursier), défaillance d’emprunteurs (crise de solvabilité), faillites d’institutions financières (crise bancaire), effondrement du cours d’une ou plusieurs monnaies (crise de change).

A l’heure de la globalisation financière les crises financières sont aujourd’hui des crises d’ordre systémique c’est à dire qui touchent l’ensemble du système économique, financier (sphère financière), mais aussi dans la sphère de la production et des échanges de biens et service (sphère réelle), à l’échelle de la planète car les économies nationales et les marchés financiers sont interdépendants. Un risque systémique est un risque de rupture du fonctionnement des services financiers susceptible d’affecter l’ensemble du secteur ainsi que l’économie réelle.

 

I] Les différentes causes des crises financières.

 

A) Les déséquilibres macro-économique déstabilisent les marchés financiers.

Document : la balance courante aux USA et en France.

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 Comment expliquer les crises financières et réguler le système financier ?

Les déséquilibre économique sont des phénomènes globaux habituellement considérés

comme problématiques ou néfastes, dont les principaux sont l'inflation (hausse du niveau général des prix), le chômage (situation dans laquelle l'offre de travail est supérieure à la demande de travail) et le déséquilibre commercial (situation d’un pays qui importe davantage de biens et services qu’il n’en exporte) ou de la balance courante.

Dans le cadre de l’économie globalisée, les déséquilibres macroéconomiques peuvent créer une instabilité financière. La balance courante est le solde des flux monétaires d'un pays résultant des échanges internationaux de biens et services (balance commerciale), revenus et transferts courants. Depuis la fin des années 1990, les USA sont en déficits courants, ce qui signifie qu’ils sont en partie financés par l’étranger tandis que toutes les autres grandes régions du monde ont résorbé leurs déficits ou accumulé d’importants excédents courants à partir de la fin des années 1990. Ces excédents servent à financer les déficits courants. L’accumulation d’excédents des paiements courants des pays émergents s’est traduite par un niveau élevé de leur taux d’épargne, entraînant un gonflement des liquidités en circulation au niveau mondial, allouées partiellement à l’achat d’actifs de crédit (obligations, créances issues de la titrisation…). La forte demande de ces actifs contribue à maintenir un niveau de taux d’intérêt à long terme relativement bas. Le financement de l’activité économique est alors aisé, notamment pour les activités très risquées.

B) La volatilité des cours déséquilibre les marchés financiers.

Document : les variations de prix sur le marché des matières premières.

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L'agriculture est financière depuis plusieurs siècles, les marchés à terme ont même été inventés pour l'agriculture. Il faut distinguer le marché physique où s’échangent les actifs physiques (produits agricoles, énergétiques) et les marchés dérivés où s’échangent des contrats qui portent sur ces actifs physiques « sous-jacents » (marchés à terme et marchés d’options). Aujourd'hui, seulement 2% des transactions du marché agricole finissent par une livraison physique. Le reste des transactions sont liés à des produits dérivés.

 

Notons qu’il y a une tendance de long terme à la hausse des prix des matières premières : l’offre ne suit pas la demande qui augmente du fait de l’augmentation de la population mondiale (bien première nécessité) et de la hausse du niveau de vie (biens secondaires). Cependant, une partie de la hausse des prix des matières premières est liée à l’activité des marchés financiers.

 

En période de crise, la spéculation financière se reporte sur ce type de marchés, augmentant la volatilité des prix. La volatilité des prix est une forte variation des prix d’un actif, sans raison apparente liée à des phénomènes réels (ex : choc d’offre ou de demande). Ainsi, lors de la crise des Subprimes, les marchés étant décloisonnés, il y a eu une cession de divers actifs financiers, notamment des produits titrisés contenant des dettes des ménages américain, et un afflux de liquidité sur le marché financier (faire référence au graphique, à partir de mai 2007) produisant une augmentation des transactions et des prix.

 

Plus généralement, les produits dérivés, la titrisation, le trading haute fréquence et l’ensemble des innovations financière augmentent la volatilité des cours sur les marchés financiers du fait de l’ampleur des échanges et de la spéculation.

C) La spéculation et les comportements mimétiques engendrent des bulles spéculatives.

 

Selon la théorie des marchés efficients, les marchés financiers reflètent les fondamentaux, c'est-à-dire la valeur réelle des actifs fondées sur des indicateurs (relation offre/demande, résultat d’une entreprise, divers chocs). La spéculation, soit l’achat et la vente en vue d’une revente avec un gain important, est équilibrante car seuls les spéculateurs qui ont bien anticipé ces fondamentaux survivront sur le marché.

Pour certains théoriciens, par exemple Keynes, la spéculation est déséquilibrante car elle crée des « bulles spéculatives ». Une bulle financière (ou bulle spéculative) est la situation où le cours d’un actif financier s’apprécie fortement et atteint un niveau considéré comme excessif au regard de la valeur réelle de cet actif. Elle s'achève généralement par un éclatement de la bulle et une baisse rapide des cours. Un comportement mimétique (ou moutonnier ou d’instinct grégaire) est un comportement d’agents (notamment sur les marchés financiers) qui prennent des décisions en imitant d’autres agents. Si les agents économiques prennent leur décisions en anticipant quel va être le comportement des autres agents les évolutions de prix ne sont plus déterminés par les « fondamentaux » mais par la psychologie des intervenants sur le marché, ce qui peut entraîner une succession de bulles et de krachs financiers. Cela va concourir à la volatilité des prix et à la création de bulle. De plus, leurs anticipations sont auto-réalisatrices : par exemple, si de nombreux investisseurs anticipent la perte de valeur d'un titre, ils le vendent et ce titre perd effectivement de la valeur (voir BD).

 

Pour rendre compte des comportements mimétiques, Keynes, parle de la métaphore du concours de beauté : les agents qui spéculent sur les marchés financiers prennent la décision d'acquérir ou de céder un titre en fonction du comportement qu'ils pensent que les autres vont adopter. Pour l'expliquer, Keynes imagine un concours de beauté où les agents, amenés à voter pour élire la reine, sont récompensés s'ils ont choisi la gagnante. Ils ne votent pas alors en fonction de leur propre opinion, mais en se demandant quelle sera l'opinion des autres. Ainsi, les spéculateurs agissent de façon mimétique, en anticipant le comportement des autres.

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D) L’aléa moral incite à prendre des risques.

 

Une banque too big to fail, trop importante pour laisser faire défaut, est une banque qui, du fait de son importance dans le système économique tant par la possession d’actif financier que par son interdépendance avec les autres banques, ne doit pas être laissé à la faillite par risque d’un effet de contagion sur l’ensemble des autres banques, du système financier, et de l’économie dans son ensemble. L’aléa moral est une situation d’asymétrie d’information dans laquelle une des deux parties à l’échange, après ce dernier conclu, peut difficilement contrôler que l’autre agit conformément à ses engagements. Il y a alors un risque lié à l’incertitude sur le comportement du coéchangiste. Par exemple le fait d’être assuré peut inciter à adopter un comportement opportuniste et plus risqué. Le sauvetage des banques par les États peut constituer une incitation à des comportements imprudents des banques : sachant que le prêteur en dernier ressort (la Banque centrale pour la liquidité, l’État pour le rachat des actifs) peut intervenir. Les banques ne sont pas incitées à la surveillance de leur comportement. La crise de 2007 peut être expliqué par cela : les banques ont pris des activités très risquées (crédit hypothécaire subprimes auprès de ménages à revenu modeste, titrisés, adossés à la valeur de l’immobilier qui était alors en train d’augmenter, avant le retournement) en sachant qu’il était probable qu’elles soient secourue si une crise importante se déclenchait.

II] Comment réguler le marché financier ?

La crise financière de 2007 a démontré les failles en matière de régulation du système financier mondial, notamment en ce qui concerne le contrôle des risques encourus dans le cadre des innovations financières en plein essor depuis les années 1990 (produits dérivés, titrisation). La régulation financière est l’ensemble de mécanismes et de règles qui assurent le bon fonctionnement, la confiance et la stabilité des marchés financiers.

 

A) La réglementation prudentielle pour limiter le risque systémique.

 

Dès la fin des années 1980 est mise en place une réglementation prudentielle. Elle vise limiter les risque de détresse financière pour des institutions individuelles et garantir la stabilité du système financier dans son ensemble et la continuité des transaction. Cette réglementation a permis d’instaurer des ratios de solvabilité (dits « ratios prudentiels ») afin d’imposer aux banques un certain volume de fonds propres (actifs sûrs que possèdent les banques) en lien avec les risques encourus, pour garantir le risque d’insolvabilité et de liquidité. Le risque d’insolvabilité est lorsque les fonds propres d’un établissement de crédit ne suffisent pas à couvrir les pertes éventuelles sur la valeur de ses actifs. Le risque de liquidité c’est lorsque la banque n’a pas assez de ressources disponibles pour rembourser ses créanciers à l’échéance. Cette réglementation (Bâle I à Bâle III) a évolué en tenant compte des crises financières précédentes afin d’éviter les crises financières. Les entreprises doivent avoir suffisamment de fonds propre pour faire face aux pertes de la valeur de leurs actifs et de liquidité pour faire face aux remboursement.

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B) Le contrôle des agents et activités pour limiter les conflits d’intérêts.

 

Les agences de notation ont une fonction de certification. Entreprises privées dont la tâche est de produire de l’information financière sous différentes formes, les agences de notation se sont développées pour synthétiser l’information financière en notant la dette des entreprises et des États en fonction des risques que ces derniers présentent.

La concentration du secteur (ces trois agences contrôlent 90 % du marché de la notation) pose des problèmes importants et la qualité des évaluations proposées ainsi que les risques de collusion et de conflits d’intérêt entre l'acteur de marché qui souhaite être noté et les agences de notation ont été dénoncés dans les débats sur la régulation. Dans la période précédant la crise des subprimes, les agences de notation avaient procédé à des notations optimistes sur les titres dont elles avaient conseillé la production aux banques d’affaires. L’agence est employée par l'acteur de marché qui souhaite être noté, ce qui soulève la question de l’indépendance de l'agence dans le processus de notation. Les agences de notation apparaissent dans de tels cas comme juge et partie.

Plusieurs voix s’élèvent pour casser la structure oligopolistique avec un renforcement de la concurrence sur le marché de la notation, voire des agences publiques, demander une interdiction pour les agences de notation d’exercice d’une activité simultanée de conseil sur la structuration de certains produits financiers (comme ceux liés à la titrisation) et la notation de ces mêmes produits financiers, source de conflits d’intérêt.

C) Le contrôle de la finance dérégulée pour assurer la transparence des marchés.

 

Les États ont réaffirmé la volonté d’améliorer la transparence des marchés face au shadow banking system, qui est un système bancaire parallèle fondé sur les activités de transfert de risques (marché dérivé, titrisation). Les marchés de produits dérivés, mais aussi des actifs titrisés, ou encore les fonds spéculatifs (hedge funds) sont caractérisés par leur opacité et, souvent, par une prise de risque excessive. Ces produits s’échangent principalement sur des marchés de gré à gré. Les marchés de « gré à gré » correspondent aux opérations qui se font entre agents économiques sans passer par la bourse dans un cadre réglementaire plus stricte. Ces opérations sont très largement majoritaires. Elles sont plus dangereuses que les opérations encadrées car chacun est soumis au risque de défaillance des autres intervenants. Afin de limiter ces opérations, il s’agirait alors de promouvoir par exemple la création de chambres de compensation afin d’obliger les parties d’une transaction à verser un dépôt initial représentant une fraction du montant de la transaction (dépôt de garantie). Un système de chambre de compensation pourrait donc permettre de réduire certains risques et d’avoir une meilleure transparence sur ces opérations (traçabilité).

 

Par ailleurs, il y a la volonté de lutter contre les paradis fiscaux. Un paradis fiscal est un territoire où la fiscalité est très faible en comparaison avec les autres pays et qui offrent des réglementations peu contraignantes et peu de transparence sur les transactions nouées (secret bancaire). Ils permettent aux agents économiques s’y implantant d’échapper à la réglementation et à la fiscalité. La réglementation de ces centres financiers dits « off-shore » se justifie par le fait qu’ils réduisent les ressources fiscales des États (évasion fiscale), qu’ils affaiblissent la portée de la réglementation bancaire et financière, et qu’ils alimentent l’instabilité financière en favorisant le manque de transparence d’une partie du système financier. Une meilleure transparence des marchés pourrait ainsi passer par l’obligation pour les paradis fiscaux de fournir davantage d’informations sur leurs activités. La politique de lutte contre les paradis fiscaux est passée par la publication de listes : noire, gris foncé, gris clair… selon le degré de coopération. La lutte contre ces paradis fiscaux est très difficile car beaucoup d’entre eux font partie ou ont des liens avec le G20.

Publié dans Economie approfondie

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