Quelles politiques pour l'emploi ?
Cours de sciences économiques et sociales SES de terminale économique et sociale ES.
Travail, emploi, chômage.
Quelles politiques pour l'emploi ?
Objectifs :
→ Expliquer qu'il existe une diversité des formes et des analyses du chômage (chômage keynésien, chômage classique, lutter contre les composantes structurelles du chômage)
→ Expliquer qu'il existe une pluralité des politiques pour lutter contre le chômage (soutien macroéconomique à la demande globale lorsque chômage keynésien, allègement du coût du travail lorsque chômage classique, politique de formation et de fléxibilisation pour le chômage structurel)
→ Expliquer l'importance du rôle du travail et de l'emploi dans l'intégration sociale, dimensions prises en considération dans les politiques pour l'emploi.
→ Expliquer que le lien entre travail et intégration est fragilisé par certaines évolutions de l'emploi.
Notions à connaître :
Acquis de première : chômage, productivité, demande globale, politique monétaire, politique budgétaire, rationnement.
A acquérir en terminale : Taux de chômage, Population active, Taux d'emploi, Emploi, Politique pour l'emploi, Coût du travail, Chômage classique, Équilibre de plein emploi, Chômage keynésien, Équilibre de sous-emploi, Demande anticipée, Chômage structurel, Flexibilité du marché du travail, Formes particulières d'emploi, Qualification, Salariat, Propriété sociale, Intégration sociale, Désaffiliation sociale, Disqualification sociale, Précarité, Pauvreté, Travailleurs pauvres
▲ Les notions en gras sont les notions qui apparaissent dans le programme, pour lesquelles vous serez évalués lors du baccalauréat. Les autres notions sont nécessaires pour bien maîtrisées les notions en gras.
Vous pouvez trouver ci-joint le dossier documentaire pour les élèves :
I] Le chômage est divers dans ses formes.
A) Le chômage, définition et mesure.
La notion de chômage s’est développée en même temps que le salariat lors de la Révolution Industrielle. Le chômage, selon le bureau international du travail (BIT) est la situation d'un individu sans emploi, disponible immédiatement et qui recherche un emploi. Le taux de chômage est le rapport (exprimé en pourcentage de la population active) entre le nombre de chômeur et la population active. La population active est l'ensemble des individus qui occupent un emploi (population active occupée) ou qui en sont privé mais cherche à en exercer un (chômeur : population active inoccupée).
Le stock de chômeurs est alimenté par des flux de créations et de destructions d'emplois : le nombre de chômeurs augmente si les destructions d'emplois sont supérieures aux créations d'emplois. Dans le même temps il y a des entrées et des sorties sur le marché du travail : l'évolution du chômage dépend donc également des évolutions de la population active. Il faut donc étudier à la fois des entrées d'actifs (évolutions démographiques, durée des études, incitations à entrer sur le marché du travail) et des sorties d'actifs (âge de départ à la retraite, désincitation à chercher ou exercer un emploi).
Le taux de chômage doit donc être complété par un autre indicateur : le taux d'emploi est le rapport (exprimé en pourcentage de la population en âge de travailler) qui permet de mesurer la part de la population active occupée dans l'ensemble de la population en âge de travailler (de 15 à 64 ans). Il rend compte de la part des individus en emploi sur l'ensemble de ceux en âge de travailler. Rappelons qu'un emploi est une activité professionnelle qui est déclaré et rémunéré.
B) Tout les actifs ne sont pas également vulnérable face au chômage.
Le risque d’être au chômage a évolué inégalement au cours du temps selon les caractéristiques socio-démographiques des chômeurs :
- selon l'âge : les jeunes ont toujours un risque plus élevé que les autres groupes d’âge d’être au chômage, mais y restent moins longtemps (peu de chômage de longue durée : supérieur à un an).
- selon le niveau de diplôme : à mesure que le niveau de diplôme augmente, le taux de chômage diminue.
- la catégorie socioprofessionnelle (et la qualification) : les ouvriers non-qualifiés sont relativement plus touchés par le chômage (21 % en 2013) que les ouvriers qualifiés (11%) et les employés (10%). Ces derniers sont plus touchés par le chômage que les professions intermédiaires (5%) et les cadres (4%). Les catégories socioprofessionnelles les plus qualifiées (et, le plus souvent, les plus diplômées), sont moins touchées par le chômage.
- selon le sexe : pendant longtemps, les femmes avaient un risque plus fort d’être au chômage que les hommes, les inégalités hommes-femmes devant le chômage se sont aujourd’hui fortement amoindries.
Note : le document ci-dessous est le sujet d'EC2 du baccalauréat ES Amérique du Nord session 2018. Le sujet était : "vous présenterez le document puis vous caractériserez l'évolution du taux de chômage".
II] Comment lutter contre le chômage ?
Les politiques pour l'emploi désignent l'ensemble des mesures prises par les pouvoirs publics dans le but d'améliorer la situation de l'emploi, principalement en réduisant le chômage, et d'accompagner les chômeurs. On distingue les dépenses passives qui consistent essentiellement à indemniser les chômeurs et les dépenses actives qui sont destinées à améliorer la qualification des actifs, à augmenter la demande de travail des entreprises et le taux d'emploi. En effet, le travail a une fonction d'intégration et les politiques pour l'emploi cherchent : il semble donc nécessaire de lutter contre le chômage.
La diversité des formes et des analyses du chômage explique la pluralité des politiques pour l'emploi : les politiques mises en œuvre dépendent du diagnostic posé quant aux origines du chômage.
A) Les politiques d’allègement du coût du travail pour lutter contre le chômage classique.
1. Le chômage classique est lié à un coût du travail trop élevé au regard de la productivité.
Le coût du travail, c'est ce que dépense l'entreprise pour rémunérer le salarié. Il est composé du salaire net et des cotisations sociales. Les cotisations sociales sont prélevées par la Sécurité sociale. Ce sont donc des prélèvements sur la valeur ajoutée. Il existe deux types de cotisations sociales : les cotisations sociales patronales et les cotisations sociales salariales. Les cotisations sociales salariales sont déduites du salaire brut (salaire net = salaire brut – cotisations sociales salariales). Les cotisations sociales employeurs (= cotisations patronales), sont la part des cotisations sociales qui échoient à l’employeur. Les cotisations sociales permettent de financer la protection sociale qui correspond à l’ensemble des mécanismes qui permettent aux individus de faire face aux situations comme la maladie, les accidents du travail, la maternité, la vieillesse ou le chômage, susceptibles de provoquer une baisse de leurs ressources ou une hausse de leurs dépenses (risque sociaux).
2. En situation de chômage classique, il convient donc de baisser le coût du travail.
Le marché du travail est un lieu, fictif ou réel, où se rencontre une offre de travail et une demande de travail et où se forme un prix : le taux de salaire réel. L'offre de travail c'’est la quantité de travail et le nombre de personnes désirant travailler. On considère que l'offre de travail est une fonction croissante du taux de salaire réel : lorsque ce dernier augmente, le nombre de personne désirant travailler augmente. La demande de travail émane des employeurs. Elle représente le volume de facteur travail que le producteur décide d’employer pour salaire réel donné. L'entreprise embauche tant que la productivité marginale du travailleur (ce qu'il permet de produire) est supérieure (ou égale) au salaire réel (ce qu'il coûte). Rappelons que la productivité mesure l'efficacité d'un facteur de production. La demande de travail est donc une fonction décroissante du salaire réel.
Le salaire d’équilibre est déterminé par la rencontre de l’offre et de la demande de travail. Si les conditions de concurrence pure et parfaite – qui rend les acteurs sur le marché preneur de prix – sont satisfaites, la flexibilité des salaires doit donc permettre le retour à l’équilibre. Dans ce système, tout chômage involontaire est impossible : nous sommes en équilibre de plein-emploi : tous les travailleurs qui souhaitent travailler pour le salaire d'équilibre trouvent un emploi. Seul le chômage volontaire et le chômage frictionnel existe. Le chômage volontaire correspond à la situation d’individus qui refusent de travailler au niveau du salaire réel d’équilibre ou aux rigidités présentes sur le marché du travail. Le chômage frictionnel désigne la période de chômage provoquée par la transition et le délai nécessaires à une personne pour trouver un autre emploi.
Le salaire minimum est un salaire en dessous duquel un employeur ne peut pas rémunérer ses salariés, il contribue à fausser le mécanisme de marché en instaurant un salaire plancher. Si le salaire minimum est supérieur au salaire d'équilibre en concurrence pure et parfaite (qui dépend donc de la productivité selon le modèle néoclassique), il constitue une barrière à l'embauche et donc une cause du chômage. Un rationnement est une situation qui résulte d’un déséquilibre entre l’offre et la demande sur le marché, du fait d'une rigidité qui empêche le marché de s'autoréguler (ici le SMIC). Le salaire minimum rationne l'offre de travail : les salariés dont la productivité est la plus faible (donc les moins qualifiés / diplômés) ne seront pas embauchés. Cette situation créait du chômage classique qui est la situation où les entreprises, malgré la demande potentiellement soutenue qui leur est adressée, préfèrent rationner leurs embauches car elles jugent le coût du travail trop élevé. La demande de travail pour ce niveau de salaire réel est alors inférieure à l’offre et il y a du chômage (écart entre les deux courbes sur le schéma). Ce phénomène touche principalement les salariés les moins qualifiés.
Une des politiques pour l'emploi en situation de chômage classique est donc de diminuer le coût du travail pour diminuer le chômage. On peut soit diminuer directement le salaire minimum, soit diminuer les cotisations sociales afin de diminuer le coût du travail sans diminuer le salaire net.
Cependant, à long-terme, diminuer les cotisations sociales remet en cause le financement de la protection sociale, donc la couverture contre les risques sociaux et le versement de prestations sociales en espèces (allocation familiale, allocation chômage, pension de retraite, remboursement de frais médicaux etc.).
B) Les politiques macroéconomiques de soutien de la demande globale pour lutter contre le chômage keynésien.
1. Le chômage keynésien est lié à une insuffisance de la demande anticipée.
Dans la théorie keynésienne, les décisions de production des entreprises dépendent de leur anticipation de la demande globale. La demande globale (ou agrégée) est la demande de biens et services demandés dans une économie (par les ménages : C, les entreprises : I, les administrations publiques : G, ainsi que par le reste du monde : X). Les entreprises prévoient leur volume de production en fonction d'anticipation sur la demande : c'est la demande anticipée (ou demande effective). Plus les entreprises anticipent que la demande globale sera importante, plus elles vont embaucher pour pouvoir produire. Inversement, si les entreprises anticipent un niveau faible de demande globale, elles vont diminuer leur volume de production et ne pas embaucher (ou licencier). Le niveau d'emploi dépend donc de la demande anticipé. Si la demande anticipée est trop faible, l’économie peut évoluer en équilibre de sous-emploi : l'économie est en situation d'équilibre mais, à cet équilibre, le niveau de production nécessite un volume d'emploi qui ne permet pas d'embaucher toute la population active désirant travailler. C'est le chômage keynésien : c'est un chômage qui est lié à l'insuffisance de la demande. C'est donc une situation de chômage involontaire (par opposition au chômage volontaire néoclassique) : ce ne sont pas les individus qui refusent de travailler à un certain taux de salaire mais le niveau de production qui ne permet pas un embauche de toute la populaire active. C'est donc un problème de demande et non d'offre. Dans cette perspective, une baisse généralisée du salaire comme le préconise le modèle néoclassique serait désastreux : le salaire n'est pas ici un coût pour l'entreprise, c'est un revenu pour le travailleur, source de débouché pour les marchandises des entreprises.
2. En situation de chômage keynésien, il convient donc de soutenir la demande globale.
Pour lutter contre ce chômage, il est possible de mettre en place des politiques macroéconomiques de soutient à la demande globale. On s'intéresse ici aux politiques conjoncturelle qui sont liées à la fonction de stabilisation de l'activité économique : stabiliser le rythme de la croissance en favorisant la stabilité des prix, lutter contre le chômage et tendre vers l'équilibre de la balance commercial. Les politiques monétaires sont caractérisée par l'action de la banque centrale sur la masse monétaire, notamment à travers la variation du taux d'intérêt directeur. Un taux directeur est le taux auquel les banques de second rang empruntent de la monnaie banque centrale auprès de la Banque Centrale. Il sert à « diriger » les taux d'intérêts que les banques de second rang appliquent aux agents économiques. La banque centrale est une institution publique, généralement indépendante des gouvernements, détenant le monopole de la régulation de la masse monétaire, qui est la quantité de monnaie en circulation dans une économie ou une zone monétaire. Les politique budgétaires sont caractérisée par l'utilisation du budget de l’État, sur les dépenses et/ou les recettes pour relancer ou freiner l'activité économique. La politique mixte (policy mix) est la combinaison de la politique budgétaire et monétaire.
Afin de soutenir la demande globale, donc permettre que les entreprises anticipent une forte demande et donc augmentent leur volume de production, il est possible de recourir à la politique monétaire et à la politique budgétaire.
Par le biais de la politique budgétaire, cela conduit à une hausse des dépenses publiques et baisse de la fiscalité pour les ménages et les entreprises ou/et une hausse du traitement des fonctionnaires (ex : des professeurs), des prestations sociales en espèce (ex : des pensions de retraites) et des minimas sociaux (ex : RSA). L’État peut aussi décider d'augmenter le salaire minimum. Tout cela conduit à une hausse de la consommation des ménages et de l’investissement des entreprises et donc une hausse de la demande globale qui conduit à une hausse de la production qui nécessite d’embaucher de nouveaux salariés. Notons qu'il est préférable de cibler la diminution de la fiscalité ou l'augmentation des revenus de transfert et minimas sociaux sur les ménages ayant une forte propension à consommer : la propension moyenne à consommer est la part de la consommation dans le revenu. Plus le revenu est élevé et plus la part de la consommation est faible (et inversement). Les ménages aux revenus les plus faibles ont donc la plus grande propension marginale à consommer : plus le niveau de revenu est faible, plus une augmentation de ce dernier se traduit par une augmentation de la consommation. Les dépenses passives des politiques pour l'emploi qui consistent essentiellement à indemniser les chômeurs (allocation chômage) concourent donc à stimuler la demande globale.
Par le biais de la politique monétaire il est possible de baisser les taux d’intérêt directeurs ce qui conduit à une baisse du coût du crédit pour les entreprises et les ménages. Ces derniers peuvent emprunter davantage, ce qui augmente la consommation des ménages et de l’investissement des entreprises et produit donc une hausse de la demande globale qui se traduit par une hausse de la production qui nécessite d’embaucher de nouveaux salariés.
Cependant, les marges budgétaires et monétaires sont limitées dans le cas de la France : dans la zone euro, la politique monétaire ne peut pas être utilisée pour mener des politiques de relance. La banque centrale est indépendante du pouvoir politique. Par ailleurs, la politique budgétaire est contrainte par le Pacte de stabilité et de Croissance (1997), qui est un engagement à respecter un déficit budgétaire à 3% du PIB et dette publique à 60% du PIB et marque une limite dans les possibilité de mener une politique budgétaire de croissance. Par ailleurs, le niveau de l'endettement public en France est de 98,4 % du PIB en 2016.
Notons qu'indépendamment des politiques monétaires et budgétaires de relance, il est aussi possible de soutenir durablement la demande au travers d'un partage de la valeur ajoutée plus favorable aux salariés.
C) Les politiques de formation et de flexibilisation pour réduire la composante structurelle du chômage.
Le chômage structurel est un chômage chronique qui traduit un déséquilibre profond et durable du marché du travail. Il n'est pas lié à l'insuffisance de la demande de travail, mais au fait que celle-ci ne correspond pas à l'offre de travail (les emplois ne correspondent pas aux emplois recherchés). Ce type de chômage est donc totalement différent du chômage keynésien mais peut englober :
-
une partie du chômage classique ("volontaire") :
- la partie du chômage classique qui est liée aux rigidités institutionnelles qui augmentent le coût du travail, donc le prix du travail.
- la partie du chômage classique qui est liée aux rigidités institutionnelles qui perturbent le libre jeu du marché du travail en empêchant de modifier librement les quantités de travail ;
-
une partie du chômage frictionnel : il faut réduire la transition et le délai nécessaires à une personne pour trouver un (autre) emploi.
1. Des politiques de flexibilisation du marché du travail afin de diminuer les rigidités institutionnelles (composante classique du chômage structurel).
Les néoclassiques n'expliquent pas le chômage uniquement par un coût du travail trop élevé par rapport à la productivité du travail : ils pointent également toutes les rigidités institutionnelles sur le marché du travail. L'existence de rigidités institutionnels sur le marché du travail faussent le libre fonctionnement du marché (c'est-a-dire empêche le salaire réel et les quantités de travail offertes et demandées de varier librement). On peut distinguer deux types de rigidités institutionnels :
- le salaire minimum (SMIC), mais aussi les situations où le salarié est davantage rémunéré que d'habitude : les jours fériés, le travail le dimanche, les heures supplémentaires ou le travail de nuit... qui augmentent le coût du travail ;
- les contraintes aux licenciements ou la durée légale du travail perturbent le libre jeu du marché du travail en empêchant de modifier librement les quantités de travail.
Dans cette perspective, pour améliorer le fonctionnement du marché du travail il faut réduire les rigidités institutionnels au libre jeu du marché. La flexibilité du marché du travail du marché du travail est l'ensemble des mécanismes qui s'opposent aux rigidités du marché du travail. La flexibilité est censée permettre aux entreprises d'adapter rapidement l'emploi à la conjoncture, tant au niveau des rémunérations que du volume de l'emploi. Cela se concrétise notamment par l'augmentation des formes particulières d'emploi. Les formes particulières d'emploi (ou emplois atypiques) sont les emplois qui s'éloignent de la norme d'emploi (contrat à durée indéterminée à temps plein). Ce sont les contrats à durée déterminée, l'intérim, les stages, l'apprentissage, les emplois aidés et le travail à temps partiel. C'est donc l'ensemble des emplois précaires et les emplois à temps partiels (qui peuvent être en CDI).
Le contrat a durée indéterminée (CDI) est un contrat stable : il n'y a pas de date de rupture prévue, il ne peut être rompu que par démission, par rupture conventionnelle - c'est-à-dire d'un commun accord entre l'employeur et le salarié - ou par licenciement pour raison économique ou pour faute grave. Le CDI est perçu comme rigide dans l'analyse néoclassique car il est trop protecteur : il est difficile, ou coûteux (lorsque le droit n'est pas respecté), de licencier un salarié. Cette protection désinciterait les entreprises d'embaucher. Il est donc nécessaire de recourir à d'autres types de relation contractuel comme le contrat a durée déterminé (CDD) dont la date de rupture est prévue à l'avance : il ne peut excéder 36 mois, mais aussi le contrat d'intérim qui est passé par le biais d'une agence temporaire de travail (c'est l'agence qui emploie la personne et non pas l'entreprise où la personne va effectuer la mission) qui peut durer une seule journée à plusieurs années mais avec de multiples renouvellements donc créateur d'incertitude.
2. Des politiques de formations permettent un meilleure ajustement entre la demande et l'offre de travail (composante frictionnelle du chômage structurel).
La formation initiale (première formation obtenue au terme d'un cycle d'étude dans le cadre éducatif et dans le cadre d'apprentissage et d'expérience acquise au sein de l'entreprise lors de stage ou d'alternance), mais surtout la formation continue (processus d'apprentissage qui permet à un individu déjà entrée dans la vie active d'acquérir des savoirs et savoir-faire nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle) permettent de réduire le chômage en permettant un meilleur ajustement entre les qualifications des chômeurs (donc des offreurs de travail) et les qualifications des emplois (donc de la demande de travail). Les qualifications sont l'ensemble des compétences d'un actif (qualification d'un actif, qui peut être occupé ou à la recherche d'un emploi) ou l'ensemble des compétences liées à un emploi (qualification de l'emploi, donc de la demande de travail des entreprises). L'ensemble des économistes s'accordent sur ce principe d'un meilleur ajustement entre qualification des actifs et qualification des emplois. Les dépenses actives des politiques pour l'emploi sont destinées à améliorer la qualification des actifs
Les bénéficiaires sont les chômeurs inscrit à Pôle emploi mais aussi (et surtout) les personnes qui occupent un emploi. L'un des enjeux est de développer la formation continue pour les chômeurs, notamment dans les secteurs qui peinent à recruter. Le but est de réduire la composante du chômage frictionnelle qui est liée à une inadéquation entre les qualifications des emplois et celle des chômeurs. Notons qu'une autre part du chômage frictionnelle est par nature incompressible : celle liée aux délais d’ajustement de la main d’œuvre d’un emploi à l’autre liée à la période de recherche d’un emploi ou à la mobilité géographique par exemple.
Synthése : la coexistence de plusieurs types de chômage.
Nous avons vu trois explications du chômage (par le coût du travail, par un manque de demande anticipée ; par une inadéquation entre l'offre et la demande de travail lié soit aux qualifications, soit aux rigidités institutionnelles), appelant des solutions différentes. Ces explications ne sont pas forcément antinomique : les différentes explications du chômage sont combinées et il peut être nécessaire de mener simultanément plusieurs politiques pour chaque type de chômage. Il est ainsi possible de diminuer les cotisations sociales sur les emplois payés au salaire minimum afin de diminuer le coût du travail pour les salariés peu qualifiés (lutter contre le chômage classique) tout en augmentant les minimas sociaux à destination des ménages les plus pauvres ayant une propension à consommer importante afin de relancer la demande et offrir des débouchés aux entreprises (lutter contre le chômage keynésien). Cela peut évidemment aller de pair avec une formation des chômeurs afin de rendre leurs qualifications adéquates aux emplois vacants (composante frictionnelle du chômage structurel) et l'annualisation du temps de travail pour les activités saisonnières (composante volontaire du chômage structurel, s'expliquant par des rigidités institutionnelles).
III] L'emploi permet-il toujours l'intégration ?
A) L'emploi est historiquement un facteur d'intégration.
1. Le salariat a un rôle intégrateur et protecteur.
Le salariat désigne l'ensemble des actifs qui sont liées à un employeur par un contrat de travail et qui reçoivent en contrepartie une rémunération et perçoivent également des droits sociaux, notamment l'affiliation à la sécurité sociale (donc ouvrent des droits à l'allocation chômage et pensions de retraite notamment). Le salariat se développe après la seconde guerre mondiale avec le développement de l’État providence, de la protection sociale et la mise en place de la logique d’assurance. Auparavant, seule la propriété privée d’un capital assurait à ses détenteurs une sécurité matérielle. Grâce au salariat, les travailleurs accèdent à une propriété sociale (selon Robert Castel) : les individus disposent des droits et des conditions minimales nécessaires non seulement à leur indépendance, à la couverture des besoins vitaux et à la possibilité d’être couvert contre les risques sociaux et donc de pouvoir s'intégrer à la société. Les inégalités subsistent, mais sont fortement réduite et les individus occupant des positions sociales radicalement différentes peuvent désormais être pensés comme appartenant à un tout : la société.
Le travail est intégrateur. En effet, l'intégration sociale est le processus par lequel un individu devient membre de la société ou d'un groupe social. Grâce au travail, l'individu a des droits sociaux contribuant à sa dignité et son autonomie. Il dispose d’un revenu qui lui permet d’avoir un mode de vie acceptable. Il dispose de moyens d’action et de recours juridiques pour assurer sa protection (syndicat, recours à la justice via le conseil des Prud’hommes). La position sociale est largement déterminée par l'activité professionnelle et l'identité professionnelle constitue un élément central de la personnalité, permettant une certaine reconnaissance. Le travail constitue enfin une importante source de sociabilité (relations sociales avec les collègues, sentiment d'appartenance à un collectif de travail...).
Tout cela participe la participation sociale, politique et culturelle de l’individu. Cela contribue donc à son intégration. Le travailleur ne connaît plus l’insécurité et la pauvreté chronique du XIXème siècle.
2. L'expérience du chômage est génératrice de désaffiliation sociale.
Pour les individus au chômage, les interactions avec les autres membres de la société sont moins fréquentes, il perdent peut à peu le goût des choses (sortir, lire). L'expérience du chômage se traduit par un processus de désaffiliation sociale (Robert Castel) : processus par lequel un statut social perd son caractère protecteur qui se traduit par un sentiment d'inutilité sociale, une perte de reconnaissance sociale et d'estime de soi. Ce sentiment peut aboutir à une baisse du sentiment d'intégration.
Parfois, ce processus peut aller de pair avec un processus de disqualification sociale (Serge Paugam) : processus par lequel une personne est étiquetée comme pauvre, « assistée » ou exclue. Cette personne subit le regard négatif que les autres portent sur elle.
B) Cependant, certaines évolutions de l'emploi perturbent son rôle intégrateur.
1. Les formes particulières d'emploi sont génératrices de précarité.
Bien que certains salariés travaillent à temps partiel par convenance personnelle, ces formes particulières d'emploi sont généralement subies et génératrices de précarité c'est-a-dire une situation marquée par une forte incertitude de conserver ou récupérer une situation acceptable dans un avenir proche. En effet, ces forment d'emploi ne permettent pas aux individus de participer durablement à la vie économique, sociale et politique du pays (revenus incertains du fait de la durée courte des contrats, moindre capacité à s’engager dans le collectif de travail du fait de la durée de l’emploi faible…). En France, en 2012, près de 14 % des emplois sont des formes particulières d'emplois soit près de 3 millions d'actifs occupés. En 2013, 18 % des personnes en emploi sont à temps partiel (27 % de ces salariés à temps partiel souhaiteraient pouvoir travailler plus : ce temps partiel est contraint). Seul le temps partiel choisi est un emploi atypique qui n'est pas considéré comme précaire.
2. L'absence d'emploi et les formes particulières d'emplois sont génératrices de pauvreté.
Par ailleurs, l'absence d'emploi (chômage) mais aussi les formes particulières d'emploi est génératrice de précarité et de pauvreté. La pauvreté monétaire est définie comme la situation des individus ayant un niveau de vie inférieur à 60 % du niveau de vie médian. Le niveau de vie est la quantité de biens et services dont dispose un ménage en fonction de sa composition et de son revenu. Il est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d'unités de consommation (uc) qui attribue 1 uc au premier adulte du ménage, 0,5 uc aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 uc aux enfants de moins de 14 ans. Le revenu disponible (brut) est est égal au revenu primaire moins les prélèvements obligatoires plus les prestations sociales en espèces.
On peut voir que le taux de pauvreté est différent entre les actifs occupés et les actifs inoccupés. Le taux de pauvreté est de 7,7 % chez les actifs occupés ce qui représente tout de même près de 2 millions d'individus (1,5 millions de salariés et 500 000 indépendants). Le taux de pauvreté chez les chômeurs est de 37 %. Si le taux de pauvreté est plus important chez les chômeurs, on voit que détenir un emploi ne permet pas de protéger contre la pauvreté. C'est ce que l'on nomme les travailleurs pauvres, c'est à dire une personne ayant été en emploi au moins un mois dans l'année et vivant dans un ménage dont le niveau de vie est situé en dessous du seuil de pauvreté. En effet, détenir un emploi même stable (CDI) ne signifie pas qu'il est à temps plein et le fait d'être dans des emplois précaires n'assure pas forcément des revenus tout au long de l'année.
Ainsi, même en emploi les travailleurs pauvres, les salariés en emploi précaires (contrat instables ou temps partiel subi), les chômeurs (notamment sous le seuil de pauvreté) connaissent un processus de fragilisation de l'intégration sociale.
Pour aller plus loin, vous pouvez lire cet article :
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