La conflictualité sociale : pathologie, facteur de cohésion ou moteur du changement social ?
Cours de sciences économiques et sociales SES de terminale économique et sociale ES.
Intégration, conflit, changement social.
La conflictualité sociale : pathologie, facteur de cohésion ou moteur du changement social ?
Objectifs :
→ Expliquer que les conflits peuvent être vus comme une pathologie de l'intégration sociale.
→ Expliquer que les conflits peuvent être vus comme un facteur de cohésion.
→ Expliquer que les conflits peuvent être vus comme moteur du changement social.
→ Expliquer que les conflits peuvent être vus comme résistance au changement.
→ Expliquer qu'il y a une diversité d'acteurs, d'enjeux et de formes de l'action collective.
Notions à connaître :
Acquis de première : conflit.
Notion à acquérir en terminale : Conflit social, Action collective, Mouvement social, Syndicat, Régulation des conflits, Institutionnalisation des conflits du travail, Anciens mouvements sociaux, Nouveaux mouvements sociaux, Passage société matérialiste à post-matérialiste, Anomie, Intégration sociale, Socialisation, Cohésion sociale, Acquis sociaux.
Vous pouvez trouver ci-joint le dossier documentaire pour les élèves :
I] Qu'est-ce qu'un conflit social ?
A) Du conflit social au mouvement social.
Ces photos montrent différents conflits, désaccords qui se manifestent par une organisation, par la mise en avant d’intérêts communs, par des actions communes et la mise en avant de revendications. Cependant, certains ont trait à la sphère du travail, d’autres pas. Le recours aux syndicats n’est pas systématique. Les modalités d’action sont différentes.
Un conflit est une situation d'affrontements ouverts et explicite. Un conflit social correspond à la manifestation d’un antagonisme, d’une opposition entre des groupes sociaux qui veulent modifier le rapport de force en leur faveur afin d'obtenir des avantages matériels ou symboliques. Ces conflits sociaux s'expriment notamment lors des mouvements sociaux par l'action collective. L'action collective est le fait qu'un ensemble d’acteurs sociaux se rassemblent afin d’atteindre des objectifs communs, en protestant et/ou en revendiquant. Il peut exister plusieurs modalités (formes) de l’action collective : manifestation, grève, pétition, blocage, happening etc. Un mouvement social est une action collective pour transformer, ou préserver, l'ordre social : il est porteur d'un projet de société (revendication à portée universelle). La notion de mouvement social permet à la fois de désigner un conflit social et de dépasser la notion de conflit social. En effet, un mouvement social désigne certains conflits sociaux particuliers et dépasse la notion de conflit social car un mouvement social qualifie les conflits sociaux dotées d’une ampleur telle qu’ils sont susceptibles de remettre en cause l’ordre social ou son évolution. C’est ainsi que l’on parle de mouvement social à propos de Mai 68. Ce terme apparaît en revanche impropre pour qualifier une grève de cheminots ou d’infirmières demandant la revalorisation de leur statut. C’est non seulement l’ampleur du mouvement (nombre de personnes concernées), mais aussi l’ampleur des revendications (pour mai 68 : augmentation du salaire minimum, contestation du patriarcat, du paternalisme et des élites académiques, démocratisation et plus grande accessibilité de l'enseignement, égalité homme-femme etc.) qui permet de qualifier un conflit comme étant un mouvement social.
B) L'évolution des conflits sociaux du travail.
1. L'évolution des conflits du travail : vers la fin des conflits du travail ?
Évolution des Journées Individuelles Non Travaillées (JINT) de 1975 à 2005.
Les Journées Individuelles Non Travaillées (JINT) : si, dans une entreprise, 25 salariés font la grève durant 3 jours on obtient 75 JINT (25x3).
Dominique Andolfato, "La grève est-elle un sport national ?", Institut supérieur du travail, 2007
https://www.istravail.com/actualites-etudes/les-etudes-sociales-et-syndicales/10354-la-greve-est-elle-un-sport-national.html
« Des conflits du travail plus nombreux et plus diversifiés », Premières Synthèses, n°08.1, Dares, 2007.
Article téléchargeable ici :
https://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/etudes-et-syntheses/dares-analyses-dares-indicateurs-dares-resultats/article/des-conflits-du-travail-plus-nombreux-et-plus-diversifies
Sur la période 1975 à 2005 on peut voir une nette diminution des journées individuelles non travaillées (grève). En 1976, l’inspection du travail a comptabilisé au total 4 millions de journées individuelles non travaillées pour faire grève mais moins de 350 000 en 2005 (JINT par 1000 salariés). Cependant, le conflit avec arrêt de travail (JINT) n’est pas la seule façon de se mobiliser. Il existe des conflits sans arrêt de travail : grève perlée, grève du zèle, pétition, refus d'heures supplémentaires… il existe donc une diversité des formes d'action collective permettant aux travailleurs d'exprimer leurs mécontentements. Ainsi, sur la période 1996 à 2004 il y a des formes de conflits qui reculent : grèves de plus de 2 jours et plus (baisse de 0,5 points de pourcentage) et des formes de conflits qui progressent : forte augmentation du refus des heures supplémentaires, débrayage.
Il semble donc complexe de parler d'une fin des conflits au travail : avec la baisse du nombre de JINT, on peut penser que la conflictualité dans le monde du travail baisse. Il faut néanmoins nuancer ce constat car de nouvelles formes d’action collective se développent et notamment celles sans arrêt de travail (refus des heures supplémentaires, débrayages…). La grève n’est donc plus le mode d’action privilégié pour contester.
2. L'institutionnalisation des conflits du travail : le rôle des syndicats.
La violence décroît dans les conflits industriels car les parties en conflit sont mieux organisées : elles ont plus de moyens matériels et légaux pour négocier. Il arrive que les syndicats et les associations patronales se rencontrent pour discuter de leurs revendications avant même que le conflit démarre. Un syndicat est une association de travailleurs ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts matériels et symboliques des salariés. L’État peut encadrer les conflits en jouant un rôle de médiateur. Au fur et à mesure de l'histoire sociale, un processus de régulation des conflits s'est mit en place. La régulation des conflits est un processus qui met en place des règles, des habitudes ou des institutions permettant aux acteurs d'exprimer leurs revendications et de trouver des compromis négociés instaurant de nouvelles règles plus satisfaisante. Cette régulation a conduit à une institutionnalisation des conflits du travail (R. Dahrendorf) qui signifie que les conflits du travail sont de plus en plus encadrés et régulés par des règles produites par des autorités officielles et légitimes (syndicats, État) ce qui conduit à une réduction de la violence des conflits car ils sont davantage encadrés.
Parallèlement à ces évolutions, le taux de syndicalisation diminue depuis la fin des années 1970. 20 % des salariés sont syndiqués dans les années 1960 contre 7,6 % en 2008, soit une diminution d’environ 12 points de pourcentage. Au niveau international, la France affiche un taux de syndicalisation parmi les plus faibles. Ce recul du syndicalisme s’explique par les effets de la métamorphose du capitalisme depuis les années 1970 : disparition des grands bastions industriels (par exemple les mines du Nord de la France), tertiarisation de l’emploi, poids du chômage de la précarité qui rend difficile l’association des travailleurs, effritement des identités collectives (conscience de classe)… De plus, certaines lois favorisent le recul du syndicalisme : loi de 1996 donnant possibilité pour des élus ne faisant pas partie des syndicats de négocier au niveau des entreprises ; loi de 1998 créant le statut de « salarié mandaté » : les entreprises dépourvues de représentants syndicaux peuvent participer à la négociation par l’intermédiaire d’un salarié de l’entreprise auquel on a donné un mandat pour négocier, pour une durée déterminée.
C) L'apparition des nouveaux mouvements sociaux : une diversification des enjeux, des formes et des acteurs des conflits sociaux.
La sociologie des mobilisations sociales, suites aux apports du sociologue Alain Tourraine, distingue l’ancien mouvement social des nouveaux mouvements sociaux. Les anciens mouvements sociaux étaient plutôt centrés sur des enjeux matériels (partage des richesses, de la valeur ajourée entre travailleurs et capitalistes), les acteurs étaient principalement les travailleurs, les syndicats vs les employeurs et les organisations patronales. Les actions collectives prenaient principalement la forme de grève, manifestation et occupation du lieu de travail. Cependant, les « anciens » mouvements sociaux ont aussi recours à des formes de mobilisation spectaculaires (séquestration des employeurs, menace de faire exploser l'usine etc.) dans le but d'attirer les médias mais ce n'est pas le mode d'action collective dominante. C'était un mouvement social très dynamique dans la société industrielle, qui conteste l’ordre capitaliste.
Les nouveaux mouvements sociaux s’appuient plutôt sur des revendications post-matérielles : revendications identitaires (mouvement régionaliste, mouvement gay), égalitaires (mouvement féministe, anti-racisme), culturelles (anti-société de consommation) écologiques (anti-nucléaire, vélorution etc.). On trouve une diversité d'acteurs : régionalistes, associations de malades, féministes, mouvements étudiants, lycées, mouvement des « sans » (sans-papiers, sans-domicile, sans-emploi…) : les revendications ne sont pas liées au monde du travail et à la répartition des richesses mais à l’autonomie, à la liberté individuelle et à des identités distinctes des identités de classe. La forme de l'action collective est très diversifiée et souvent spectaculaire : le but est de produire un écho médiatique (qui peut permettre de compenser un faible nombre de participant) : occupation de lieu public, de journaux télévisés, saccage d'un Macdonald, couverture de l'Obélisque de la Concorde par un préservatif (Act-up contre le Sida) mais aussi manifestation. Le développement des nouveaux mouvements sociaux s’explique par le passage d’une société matérialiste à une société post-matérialiste (R. Inglehart) : la satisfaction des besoins matériels de base (besoins primaires) grâce à la croissance économique permet un changement des revendications de la population. Cela traduit l’émergence de valeurs post-matérialistes (comme l'épanouissement personnel, la réalisation de soi, la liberté, la qualité de vie , etc.) qui seraient désormais à l’origine des mobilisations sociales.
Cette mobilisation évoque certaines caractéristiques des nouveaux mouvements sociaux par certaines formes d'actions collectives (occupation de magasin), son organisation internationale (Grèce, Islande, Grande Bretagne, Espagne etc.), la diversité des acteurs concernés (étudiants, retraités, collectifs etc.) et des revendications ne concernant pas directement le partage de la valeur ajoutée (baisse des budgets alloués à l’éducation, fraude fiscale etc.). Parallèlement, cette mobilisation évoque certaines caractéristiques des anciens mouvements sociaux par certaines formes d'actions collectives (manifestation), les acteurs (notamment les syndicats de travailleurs) et les revendications contre la baisse des prestations sociales donc à la baisse du pouvoir d’achat des ménages.
Il semble donc nécessaire de nuancer son propos : quand on parle des nouveaux mouvements sociaux, on fait comme si les « anciens » mouvements ouvriers n’avaient pas de dimension identitaire et n’étaient que « bassement » matériels ; ce qui est faux. L’Histoire du travail est lié à l’histoire du statut et de l’identité de l’ouvrier puis du salarié en général, de la reconnaissance du travail et de cette contribution à la société (qui passe aussi par une reconnaissance en terme de revenu). Quand on parle des nouveaux mouvements sociaux, on oublie qu'ils portent aussi sur des questions matérielles. Par exemple, les mouvements féministes militent aussi pour des enjeux de salaires. Quand on parle des nouveaux mouvements sociaux, en valorisant le « nouveau », on risque de disqualifier « l’ancien », ce qui est un jugement de valeur et élude les conquêtes sociales que cela a permis (voir III).
II] Le conflit social rend-il compte d'une pathologie de l'intégration sociale ou est facteur de cohésion ?
A) Le conflit social peu être analysé comme un signe pathologique d'un manque d'intégration sociale.
1. Chez Durkheim, le conflit s'explique par un manque d'intégration sociale.
Émile Durkheim considère que les conflits sociaux, en perturbant l’ordre social, traduisent un dysfonctionnement de la société. Ils sont une pathologie sociale (le signe d'une société malade) qui découle d’une division du travail social excessive conduisant à l’anomie. L'anomie peut être définie comme une situation dans laquelle les normes sociales sont inexistante, floues ou contradictoire, de sorte que l'individu ne sait plus comment orienter sa conduite. C'est une perte de repères.
En effet, dans les sociétés modernes, la division du travail social fait que chacun est spécialisé dans une tâche précise et compte sur les autres pour vivre : chacun produit ce qui est nécessaire aux autres. Les individus sont complémentaires, comme le sont les organes d’un corps : ils sont interdépendants (solidarité organique). Cette complémentarité est un vecteur d'intégration sociale : processus par lequel un individu devient membre de la société ou d'un groupe social.
Lorsque la division du travail social est poussée trop loin, l’individu ne se sent plus intégré. En effet, l’individu est isolé dans sa tâche du fait d’une trop forte spécialisation et il n’a plus conscience de l’œuvre commune. Dans ce cas, la division du travail produit l’effet inverse : elle n’intègre plus et devient même source de désintégration. En effet, le sentiment de solidarité et la complémentarité des individus s’affaiblit, ce qui favorise le conflit. Le conflit est alors le signe d’un lien social défaillant ou insuffisant : il a donc pour origine un défaut d’intégration et il peut être interprété comme une situation d'anomie.
2. Cette analyse peut être appliquée aux révoltes (ou « émeutes ») des banlieues française en 2005.
On peut expliquer les révoltes (« émeutes ») des banlieues de 2005 par l’exclusion du marché de l’emploi : le taux de chômage en zone urbaine sensible (ZUS) est de 24,2 % contre 10 % hors ZUS (2,4 fois plus), le taux de chômage des 15-24 ans est 2 fois plus élevé. Le taux de pauvreté est de 36,5 % en ZUS contre 12,7 % hors ZUS. Par ailleurs, près de 45 % de la population en ZUS n'a aucun diplôme, contre moins de 25 % pour l'ensemble de la population française. Seul 20 % a un niveau supérieur au bac contre 35 % dans le reste de la population française. Ainsi, la révolte (« émeutes ») des banlieues de 2005 peut être considérées comme révélatrices d’un défaut d’intégration. Au sens de Durkheim, il s'agit d'un conflit pathologique car l'école et le travail n’ont pas rempli leur rôle intégrateur. Au contraire, le sentiment de frustration de ces jeunes et la situation d’anomie dans laquelle ils se trouvent – les comportements des individus n’étant plus régulés par des normes contraignantes – conduisent à un conflit social, qui fragilise la cohésion sociale.
Le conflit social est considéré dans l’analyse durkheimienne comme un phénomène négatif (le conflit est l’expression d’un défaut d’intégration et peut en lui-même nuire à l’intégration sociale) qui peut être évité (si l’intégration sociale n’avait pas été défectueuse, il n’y aurait pas eu de conflit). Cependant, cette analyse peut être critiquée sur plusieurs points. D'une part, dire que les conflits sont « pathologiques » revient à y voir une menace pour la société. Cela est contesté par de nombreux sociologues, qui considèrent à l’inverse que le conflit est une forme « normale » de toute relation sociale. D’autre part, cette analyse oublie que le conflit social peut être intégrateur.
B) Le conflit social peut être facteur de cohésion sociale.
D’autres sociologues ont insisté sur l’idée que le conflit est un phénomène normal qui peut contribuer au maintien de la cohésion social. Pour Simmel, le conflit est un facteur de socialisation qui permet de résoudre un certain nombre de problèmes. Cette analyse de Simmel va être développé par L. Coser dans Les fonctions du conflit social en 1962. Il montre que le conflit a un rôle d’intégration. Le conflit est un espace de socialisation, c'est-à-dire de transmission de normes et de valeur, et permet donc d’intégrer les individus. Le conflit est vu comme une relation sociale positive, c'est-à-dire créatrice de liens et de solidarité notamment par la défense d'un intérêt commun. L’enjeu du conflit oblige les individus à être solidaires s’ils veulent que l’issue du conflit leur soit favorable. Le conflit est également créateur de lien social et de solidarité avec les « adversaires » puisque les deux groupes qui s’opposent sont au moins d’accord sur une chose : l’enjeu du conflit. Cela oblige les deux parties à entrer en contact pour défendre leur point de vue. Par ailleurs, le conflit peut permettre de réintégrer les désaffiliés en les inscrivant dans un espace de sociabilité et en leur permettant de reconquérir une identité sociale positive et d’acquérir de nouvelles compétences. Le conflit est donc facteur de cohésion sociale. La cohésion sociale est une situation dans laquelle des membres d’une société entretiennent des relations sociales entre eux, partagent des valeurs communes et ont le sentiment d’appartenir a la même société.
Enfin, Pour que le conflit soit efficace tant dans la mobilisation des individus que dans son issue il doit obéir à des règles sociales. Contrairement à l’approche de Durkheim, le conflit n’est pas une zone de non droit n’obéissant à aucune norme ni aucune valeur. En réalité les conflits sont encadrés par de nombreuses règles sociales mises en place par des institutions spécifiques qui vérifient également leur respect par les individus. C’est ce qu’on appelle la régulation des conflits (voir I] B]).
III] Les conflits sont-ils la marque d’un refus face au changement social ou au contraire le moteur du changement social ?
A) Le conflit social participe au changement social.
Pour Marx, la division de la société est fondée sur les rapports de production : ce sont les modalités selon lesquelles les hommes entrent en relation pour produire, échanger et répartir les richesses. Marx parle de « conditions matérielles d'existence », qui découlent de la place dans le mode de production, pour expliquer qui sont les membres d'une classe sociale. L'évolution des rapports de production est une évolution historique. « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de la lutte des classes. » : le moteur de l'évolution historique est le conflit entre les différentes classes sociales que Marx nomme lutte des classes. Cette lutte repose sur la volonté des classes dominées de prendre en main leur destin en bouleversant l'ordre social établi : le changement social est donc porté par le conflit. Depuis l’Antiquité, les modes de productions et les classes sociales sont multiples : Maîtres et esclaves dans l’Antiquité (mode de production esclavagiste) ; Seigneurs et serfs au Moyen-Age (mode de production féodal) ; Bourgeoisie et prolétariat dans le mode de production capitaliste (mode de production capitaliste).
Le « mouvement ouvrier », et plus généralement la mobilisation des salariés (employés, professions intermédiaires etc.), a permis d'obtenir différents acquis sociaux. Les acquis sociaux désignent les droits collectifs obtenus par tous les salariés ou des groupes de salariés. Des acquis en terme d'améliorations des conditions de travail : repos hebdomadaire obligatoire en 1906, délégués du personnel, congés payés et semaine de 40h (accords de Matignon, 1936), libre exercice du droit syndicat (1968). Une amélioration des conditions économiques des travailleurs : hausse des salaires. La création d’un ministère du travail qui va encadrer le marché du travail et les conditions de travail en 1906 (institutionnalisation de la relation salariale et institutionnalisation des conflits). Autrement dit, le mouvement ouvrier participe par ses conflits à la construction de la société salariale (mouvement social : action collective pour transformer, ou préserver, l'ordre social : il est porteur d'un projet de société, d'une revendication à portée universelle). Rappelons que le salariat est un statut social et professionnel qui positionne l’individu dans la société, notamment grâce à la protection sociale.
Les mouvements sociaux font évoluer les lois en contribuant à l’émergence de nouvelles lois. Les mouvements sociaux sont donc facteur de changement social. A partir des années 1960, d’autres groupes participent, par leurs luttes, au changement social. A rapprocher des « nouveaux » mouvements sociaux :
B) Cependant, le conflit social peut être défensif face au changement social.
Historiquement, les conflits sociaux étaient offensifs, car leur objectif était la conquête de nouveaux droits ou d'avantages sociaux (par exemple pour la réduction du temps de travail). Désormais, la plupart des conflits sont plutôt défensifs : ils prennent pour enjeu la résistance au changement et visent à s'opposer à des transformations sociales jugées défavorables ou peu souhaitables (par exemple contre la fermeture d'une usine, contre la réforme des retraites, contre le « plan Juppé » en 1995 : voir document 14 etc.). Les mouvements sociaux, notamment les mouvements des salariés, cherchent désormais à défendre les droits acquis grâce à leur lutte plus qu'à en conquérir de nouveaux.
On peut prendre l'exemple de la lutte contre le mariage pour tous. L'opposition au mariage pour tous se fait au nom des symboles qu'il représente : opposition au mariage homosexuel et à l'homoparentalité (adoption etc.) et la défense de la « famille traditionnelle » et au rejet de l'enseignement de la « théorie du genre ». Les manifestants sont alors en désaccord avec l'évolution de la société et souhaite insuffler un autre changement. On peut aussi prendre l'exemple de la lutte contre la construction de l'aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Elle se fait au nom des symboles qu'il représente et qui s'oppose à une autre société possible (bétonnage contre biodiversité, gaspillage de l'argent public au profit d'intérêts privés contre services publics pour les besoins des citoyens…). On peut également prendre l'exemple de la lutte contre la loi Travail. Cette lutte se fait au nom de la protection des acquis sociaux mais aussi contre « la loi travail et son monde » : on y décèle une critique de la flexibilisation du marché du travail et plus généralement contre le système économique capitaliste.
Ainsi, les mouvements sociaux sont parfois le signe d'une résistance au changement. Ce diagnostic est également effectué par des acteurs de la vie politique qui visent à discréditer ces mouvements. En effet, tout mouvement social comprend une dimension protestataire, il s'oppose forcément à quelque chose. En même temps, chaque mobilisation comprend également le projet d'une autre société, la volonté d'impulser d'autres changements que ceux auxquels on s'oppose, même si cette dimension alternative n'est pas toujours clairement exprimée.
C'est en fonction des contextes socio-historiques et notamment des rapports de force qu'ils impliquent que les conflits peuvent se situer comme moteur ou résistance au changement, notamment selon les valeurs dominantes dans la société. Par exemple, l'opposition au mariage pour tous est présentée comme régressive par les valeurs dominantes (promotion de l'égalité entre les couples hétérosexuels et homosexuels et entre les hommes et les femmes). De même, l'opposition à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes est présentée comme contraire au progrès par les valeurs dominantes (créer un aéroport c'est s'ouvrir vers le monde et cela doit créer de l'emploi, contrairement à la préservation de l'agriculture). L'opposition contre la loi Travail est présentée comme contraire aux besoins de l'économie par les valeurs dominantes (flexibiliser le marché du travail devrait permettre aux entreprises de mieux réguler leur demande de travail et rendre le marché du travail plus dynamique). Le caractère de résistance ou de moteur du changement dépend donc de la capacité d'un groupe d'individu dominant a imposer ses normes et ses valeurs.