Comment les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à la justice sociale ?
Cours de sciences économiques et sociales SES de terminale économique et sociale ES.
Justice sociale et inégalités
Comment les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à la justice sociale ?
Objectifs :
→ Expliquer les fondements des politiques de lutte conte les inégalités en les reliant à la notion de justice sociale.
→ Distinguer égalité des droits, égalité des situations et égalité des chances
→ Expliquer les principaux moyens par lesquels les pouvoirs publics peuvent contribuer à la justice sociale : la fiscalité, la redistribution et la protection sociale, l'existence de services collectifs, la lutte contre les discriminations.
→ Expliquer que l'action publique s'exerce sous contrainte.
→ Expliquer que l'action publique peut être jugée inefficace à travers les risques de désincitation et les effets pervers de certaines politiques publiques.
Notions à connaître :
Acquis de première : État-providence, prélèvements obligatoires, revenus de transfert.
Notions de terminale: Justice sociale; Égalité; Égalité des droits, des situations, des chances; Méritocratie; Discrimination; Fiscalité; Impôt proportionnel / progressif / forfaitaire; Cotisations sociales; Prestations sociales; Redistribution; Revenu disponible; Niveau de vie; Protection sociale; Risque social; Logique d'assurance / d'assistance; Services collectifs; Impôt dégressif; Effets pervers; Incitation / désincitation; Trappe a inactivité.
rappel : qu’est ce que les inégalités ? Une inégalité est une différence d’accès à des ressources socialement valorisées.
Vous pouvez trouver ci-joint le dossier documentaire pour les élèves :
Introduction : qu'est-ce qu'un mode de répartition des richesse juste ?
La justice sociale est un un principe politique et moral qui a pour objectif une distribution juste des richesses, qu'elles soient matérielles ou symboliques, entre les différents membres de la société.
Pour savoir ce qui est juste ou injuste, il faut se référer à une norme de justice. Il y a donc différentes conceptions de la justice sociale, toutes relatives à la répartition considérée comme la plus juste des ressources socialement valorisées. Ces différentes conceptions peuvent s'opposer. Toute conception de la justice sociale doit répondre à la question : égalité de quoi ? La justice sociale présuppose donc une réflexion sur les inégalités, en particulier sur celles considérées comme injustes et devant être corrigées. Une situation peut être déclarée injuste si elle n'est pas acceptable socialement (par exemple : les personnes de tel sexe/tel couleur de peau/telle origine sociale ne peuvent pas accéder à telle ressource). Ainsi certaines inégalités, comme les inégalités de salaire pour des métiers ou des qualifications différentes, sont, en général, considérées comme justes, car acceptées par la majorité de la société.
I] Quels sont les fondements de la justice sociale ?
A) Les trois dimensions de l’égalité.
L'égalité correspond à des situations identiques, équivalentes, entre individus. Cependant, l’égalité peut revêtir des contenus différents et la poursuite de l’égalité dans une de ses dimensions peut coexister avec le maintien d’inégalités importantes dans une ou plusieurs autres dimensions. On peut, dans cette perspective, distinguer les différentes dimensions de l’égalité : égalité des droits, égalité des situations ou égalité des chances.
On peut distinguer trois notions d'égalité, qui se retrouveront dans des conceptions différentes de la justice sociale :
- l'égalité de droit est une situation où tous les individus doivent être traités également par la loi.
- l'égalité des chances est une situation où tous les individus, quels que soient leur sexe, leur origine sociale, ethnique etc. ont la même possibilité d’accéder à l'ensemble des positions sociales.
- l'égalité de situation est une situation où tous les citoyens disposent des mêmes quantités de richesse, de pouvoir et de prestige.
B) Les différentes conceptions de la justice sociale articulent différemment les trois formes d’égalité.
1. Assurer l'égalité des droits : une conception de la justice sociale.
Pour Friedrich Von Hayek, le marché permet la production de richesse et d'harmoniser les actions des individus. En permettant à chacun de poursuivre son propre intérêt, notamment dans la création de richesse, cela est bénéfique à l'ensemble de la société (à travers la fourniture de biens et services). L’État doit assurer une égalité des droits pour permettre à tout le monde de contribuer à la société et donc de profiter des efforts de chacun.
Il ne faut pas que l’État intervienne sur la répartition des revenus. Pour Hayek, il n'y a pas de « justice sociale » dans la mesure où, si tout le monde a les mêmes droits, il ne peut y avoir d'injustice. En effet, parler de justice ou d'injustice n'a de sens que si quelqu'un a accompli volontairement une action et qu'il peut en être tenu responsable. Le fonctionnement du marché est impersonnel : tout le monde est traité de la même façon, il ne peut donc être injuste. La notion de justice sociale n’a donc aucun sens, et elle est, de plus, dangereuse puisqu’elle sert à justifier une intervention publique, qui risque toujours d’empiéter sur les libertés individuelles : modifier la répartition qui provient du marché comporte un risque de tomber dans une situation totalitaire car l'intervention étatique ne peut se faire que sur la coercition et suppose que les gouvernants déterminent ce qui est juste et l'impose au reste de la société.
Un État juste doit se limiter à l’exercice de ses fonctions régaliennes (sécurité intérieure, système judiciaire, défense), ainsi que des services collectifs financés publiquement (mais pas nécessairement produit par l’État) qui permettent les institutions marchandes, assurant seulement l’égalité des droits des individus. Permettre un fonctionnement efficace et stable du marché permet à chacun de pouvoir bénéficier des fruits de son travail et de participer au bien-être commun. Pour Hayek, l'égalité des droits permet donc à la société de prospérer, c'est cette situation la plus juste.
2. Assurer l'égalité des chances : une autre conception de la justice sociale.
La notion d'égalité des chances est souvent associée à l'analyse de J. Rawls et à son ouvrage Theory of justice paru en 1971. L'égalité des chance rawlsienne renvoie alors à l'addition de trois principes enchaînés :
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un principe d'égale liberté : toute personne a un droit égal aux libertés fondamentales, pourvu que cela soit compatible avec la liberté de tous. Cela signifie que chacun aura les mêmes droits et devoirs. Chacun souhaite les mêmes droits fondamentaux : liberté de circulation, d'expression, de réunion, de propriété etc. Ces libertés de base ne peuvent être limitées.
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un principe d'égalité des chances : les personnes ayant le même talent doivent avoir la possibilité d'accéder à des positions sociales identiques. Quelle que soit l'origine sociale, géographique ou le sexe d'un individu, la société doit lui garantir la possibilité d'accéder aux statuts de son choix (ce qui ne veut pas dire que tout le monde y accédera).
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un principe de différence : les membres les moins avantagés de la société peuvent être traités différemment, à partir du moment où cela reste à leur bénéfice et au bénéfice de la collectivité toute entière. C'est ce principe qui permet d'associer la notion d'équité aux politiques d'interventions économiques et sociales comme les politiques de discrimination positive.
Pour respecter le principe d'équité, on peut créer une inégalité afin d'atteindre une forme d'égalité, de permettre de corriger/compenser l'inégalité première. On instaure donc une inégalité considérée comme juste pour lutter contre l'inégalité de départ. Par exemple, on crée une inégalité de droit (tiers-temps) au profit d’un malvoyant pour corriger l'inégalité de départ, ce qui permet de se rapprocher de l’égalité des chances. Les travaux de Rawls offrent un cadre théorique aux politiques de discrimination positive.
L'égalité des chances, ici en partie permise par l'égalité des droits, permet aux individus d'accéder aux positions sociales selon leur mérite. La méritocratie correspond au principe selon lequel l’accès aux positions les plus prestigieuses repose sur le mérite individuel et les efforts personnels. Pour parler de méritocratie, il faut que tous les candidats aux différentes positions sociales soient sur un pied d’égalité et ce quelles que soient leurs caractéristiques d’âge, d’origine sociale, de sexe… Selon cette conception de la justice sociale, les inégalités sont justes puisque toutes les places sont ouvertes à tous. En effet, si tout le monde a les mêmes chances de réussir, alors les inégalités ne sont dues qu’à des différences de mérite et non à des inégalités de départ. Cette conception méritocratique de la justice sociale suppose donc qu’il faille corriger les inégalités de départ, qui elles, sont injustes. L’État doit s’attacher à restaurer les conditions d’égalité des chances : lutte contre les discriminations, transformation du système scolaire pour réparer les injustices au départ (bourses, effectifs réduits et encadrement supplémentaire pour les enfants issus de milieux défavorisés….).
3. Assurer l'égalité des situations : une autre conception de la justice sociale.
Historiquement, l'égalité des situations provient de l'analyse de Karl Marx : le mode de production capitaliste est un mode de production qui se caractérise par l'exploitation des prolétaires, qui ne disposent que de leur force de travail pour vivre, par les bourgeois qui disposent de la propriété des moyens de production. Selon Marx, seule la force de travail permet de créer de la valeur. Les bourgeois (« capitalistes ») accaparent une partie de la valeur produite par le travail et exploitent donc les prolétaires. Il faut donc aboutir à une révolution pour permettre une égalité réelle entre les individus : une égalité des situations. Cela passe notamment par la collectivisation des moyens de production.
Dans un sens contemporain, l'égalité des situations suppose de réduire les inégalités notamment en terme de revenu, de patrimoine, d'accès au soin, à l'éducation etc. afin de permettre un accès moins inégalitaires aux ressources valorisées donc de limiter le plus possible les écarts économiques, sociaux et politiques entre les individus.
II] Quels sont les instruments mis en place par l’État pour contribuer à la justice sociale ?
La justice sociale (égalité des chances et des situations) nécessite de la part de l’État la volonté de compenser certaines inégalités qui apparaissent dans le fonctionnement de la société et de faire en sorte que toutes les composantes de celle-ci puissent se développer tant sur le plan économique que culturel. On parle alors d’État providence pour rendre compte de l'ensemble des interventions économiques et sociales des administrations publiques dans le domaine de la protection sociale (et, par extension, de la fourniture de services collectifs).
A) L’État peut utiliser la fiscalité pour réduire les inégalités.
La fiscalité correspond à l’ensemble des prélèvements obligatoires perçus par les pouvoirs publics. Les prélèvements obligatoires sont les impôts et cotisations sociales prélevées par les administrations publiques sur les revenus primaires des agents. On les nommes prélèvements obligatoires car personne ne peut (légalement) s'y soustraire. Ils comprennent :
-
Impôts prélevés par l’État (ex impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés)
-
Les cotisations sociales prélevées par la Sécurité sociale (cotisations pour la retraite, santé, maladie). Ce sont donc des prélèvements sur la valeur ajoutée. Il existe deux types de cotisations sociales. Les cotisations sociales salariales sont déduites du salaire brut (salaire net = salaire brut – cotisations sociales salariales). Les cotisations sociales employeurs (= cotisations patronales) sont la part des cotisations sociales qui échoient à l’employeur.
La fiscalité permet d'assurer le financement de la protection sociale et la fourniture de services collectifs.
La base d'imposition ou assiette d'un impôt désigne les grandeurs économiques servant de base au calcul de l’impôt. Dans le cas de l’impôt sur le revenu, l’assiette est le revenu (imposable par parts fiscales), dans le cas du l’impôt de solidarité sur la fortune, la base est le patrimoine, dans le cas de l’impôt sur les sociétés, l’assiette est le bénéfice… Il y a trois manière de fixer le montant d'un impôt.
L’impôt forfaitaire consiste à prélever un même montant à chaque contribuable. Chacun contribue pour le même montant, indépendamment de son niveau de vie. C’est la forme de fiscalité la plus injuste, puisqu’elle ne tient pas compte des niveaux de vie : elle ne change pas les écarts absolus de revenus, mais accroît les inégalités relatives.
L'impôt proportionnelle aux revenus ou à la consommation. Il réduit les inégalités absolues (en euros). Une taxe de 10 % de 1 000 euros, représente 100 euros. Sur 2 000 euros, c’est 200 euros. L’écart de revenus passe de 1 000 euros à 900 euros après impôts. Ce type d’impôt ne change rien aux inégalités relatives (en pourcentage). L’écart reste de 1 à 2 avant impôt (2 000 euros contre 1 000 euros) comme après impôt (1 800 euros contre 900 euros).
L'impôt progressif. Les taux de prélèvement augmentent avec la valeur de la base d’imposition (ou « assiette ») taxée. C’est le cas notamment de l’impôt sur le revenu. Plus le revenu augmente, plus le taux de prélèvement s’accroît. L’impôt progressif réduit les inégalités absolues et relatives.
Quel est le barème de l'impôt sur le revenu ?
Barème applicable aux revenus de 2020 Taux d'imposition à appliquer sur la tranche correspondante (ou tranche marginale d'imposition) Exemple d'application avec des revenus de 2020 : Pour un ...
Les impôts progressifs contribuent à réduire les inégalités, alors que les impôts proportionnels n'ont pas d'impact sur les inégalités et les impôts forfaitaires les augmentes.
Si on souhaite réduire les inégalités de situation, il serait juste que les impôts prélèvent proportionnellement moins les pauvres car les plus pauvres peuvent plus difficilement se passer de la somme prélevée. Selon cette conception de la justice sociale, l'impôt progressif est donc plus juste que l'impôt proportionnel.
La TVA est proportionnelle à la consommation. Mais l’on sait que les ménages à faibles revenus ont une propension moyenne à consommer supérieure à celle des hauts revenus. Cela signifie qu’ils consacrent à la consommation une part plus importante de leur revenu. Au final, la TVA est donc dégressive par rapport au revenu, ce qui signifie que les ménages à faibles revenus consacrent une part plus importante de leur revenu à cet impôt que les ménages à hauts revenus.
B) L’État peut réduire les inégalités grâce à la protection sociale et aux services collectifs.
La protection sociale correspond à l’ensemble des mécanismes qui permettent aux individus de faire face à des risque sociaux. Ce sont des situations comme la maladie, les accidents du travail, la maternité, la vieillesse ou le chômage, susceptibles de provoquer une baisse de leurs ressources ou une hausse de leurs dépenses. La protection sociale repose sur deux types de mécanismes :
-
les prestations sociales (ou revenus de transfert) en espèce sont les transferts versés à des individus ou à des familles afin de réduire la charge que financières des risques sociaux.
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les prestations sociales (ou revenus de transfert, ou prestation de services sociaux) en nature qui désignent l’accès à des services sociaux à prix réduits, voire gratuitement, comme la prise en charge dans les hôpitaux publics.
1. La protection sociale et la fiscalité permettent de réduire les inégalités grâce aux prestations sociales.
La protection sociale repose sur deux logiques : une logique d'assurance sociale. C'est un principe selon lequel un individu est couvert contre certains risques sociaux (grâce à un mécanisme de prestations) dès lors qu’il participe au financement de la couverture (par un mécanisme de cotisations sociales). Exemples : allocations chômage, pensions de retraite... Pour bénéficier des mécanismes d'assurance, il faut donc avoir cotisé. Mais il y a aussi une logique d'assistance sociale. L’assistance instaure une solidarité entre les individus pour lutter contre la pauvreté. Les prestations sont versées sous conditions de ressources comme le RSA par exemple. Exemples : Allocation spécifique de solidarité pour ceux qui n'ont plus droit aux allocations chômage, minimum vieillesse pour ceux qui n'ont pas cotisé suffisamment pour avoir une pension de retraite, RSA...
La redistribution est l'ensemble des opérations qui conduisent à modifier la répartition primaire des revenus. La répartition primaire des revenus est celle qui découle de la contribution à l'activité productive (par son travail ou la détention d'un patrimoine). Ces opérations recouvrent :
-
Les prélèvements obligatoires effectués par l’État, les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale sur les revenus primaires (impôts, cotisations sociales) ;
-
Le versement, aux individus ou aux ménages, de revenus de transferts (prestations sociales en espèces ou en nature).
Après redistribution monétaire, on obtient le revenu disponible (brut) est est égal au revenu primaire moins les prélèvements obligatoires plus les prestations sociales en espèces. Le revenu disponible net se calcul après la fourniture de prestation sociale en nature (voir service collectif plus loin).
Un des objectifs de la redistribution est de réduire les inégalités de niveau de vie, par des prélèvements sur les revenus les plus élevés pour financer des prestations au bénéfice des ménages aux revenus plus faibles. Le niveau de vie est la quantité de biens et services dont dispose un ménage en fonction de sa composition et de son revenu. Il est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d'unités de consommation (uc) qui attribue 1 uc au premier adulte du ménage, 0,5 uc aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 uc aux enfants de moins de 14 ans.
D’après l’INSEE, les prestations sociales contribuent pour les deux tiers à la réduction des inégalités et les prélèvements pour un tiers. Mais la redistribution a aussi pour objectif de protéger contre les risques sociaux. Cela ne réduit pas forcément les inégalités : par exemple les pensions de retraite protègent contre le risque vieillesse mais ne réduisent pas les inégalités, puisque ceux qui ont des salaires élevés ont des pensions de retraite plus élevées. La question de la justice sociale ne se réduit donc pas à la question des inégalités : on considère comme juste que quelqu'un qui a travaillé toute sa vie ait droit à une retraite.
2. La contribution des services collectifs à la réduction des inégalités.
L’État fournit des services collectifs, considérés comme indispensables à la cohésion sociale, dont les pouvoirs publics assurent la mise en œuvre. Les services collectifs correspondent aux prestations en nature (éducation, santé, défense, bibliothèques etc.) à vocation universelle, financées par les prélèvements obligatoires et fournies par les administrations publiques.
Les services publics offrent des prestations en nature qui sont gratuites ou quasi gratuites. La dépense publique dans ce domaine est clairement redistributive : sans elle, les riches pourraient quand même se payer ces services, les pauvres ne le pourraient pas. Les ménages qui ont des revenus primaires faibles contribuent peu ou pas au financement de ces services financés par l’impôt, mais ils en bénéficient dans des proportions aussi importantes que les ménages qui paient des impôts.
En plus de leur rôle redistributif, d'égalisation des situations, les services publics permettent d'améliorer l'égalité des chances, notamment grâce à l'éducation gratuite, l'accès au logements décents et la prise en charge des soins médicaux.
C) L’intervention de l’État pour lutter contre les discriminations.
1. La lutte contre les discriminations.
Une discrimination correspond à une différence de traitement entre individus, à partir de critères interdits par la loi (sexe, origine ethnique, handicap…). Les discriminations peuvent produire des inégalités, mais toutes les inégalités ne sont pas forcément dues à des discriminations. L’État peut agir contre les discriminations en promulguant des lois condamnant les discriminations (exemple de la loi sur la parité de 2000). Il existe aussi la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) qui est un organisme d’État de lutte contre les discriminations. La HALDE a pour mission d’aider toute personne à identifier les pratiques discriminatoires et à les combattre, de conseiller pour les démarches juridiques, et contribue à établir la preuve de la discrimination. La HALDE peut se saisir elle-même de toute pratique discriminatoire dont elle a connaissance. Elle dispose de pouvoirs d’investigation pour instruire les dossiers. Elle peut exiger des documents et des preuves que la victime n’a pas pu obtenir, aller vérifier sur place et entendre des témoins.
2. L’État met en place et encourage es politiques de discrimination positive.
Dans de nombreuses situations, l’égalité des droits est insuffisante pour conduire à une égalité réelle, tant les handicaps de certaines populations sont importants. Ce constat a été fait notamment à partir des années 60 aux États-Unis à propos de la communauté noire. D’où l’idée d’un « coup de pouce » supplémentaire qui contrebalanceraient les discriminations négatives particulières dont sont victimes ces populations. Les mesures de discrimination positives consistent au contraire à accorder des droits particuliers, un traitement préférentiel, à ceux dont la situation le justifie. On espère de la sorte rétablir une égalité des chances.
Par exemple, depuis 1997, les entreprises d’au moins 20 salariés doivent embaucher au moins 6 % de personnes handicapés sous peine d’amendes (dans la réalité, en 2008, la moyenne s’élevait à 2,6 %). Publiée début 2011, la loi relative à la représentation « équilibrée » des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration fixe deux échéances : en 2014, ces instances devront compter au moins 20 % de femmes ; en 2017, la féminisation devra atteindre 40 %.
Cependant, la discrimination positive souffre de limites :
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elle peut faire poser un soupçon d'illégitimité sur les individus qui ont accédé à des positions sociales spécifiques (« si elle est devenue députée ce n'est pas parce qu'elle est compétente mais parce que c'est une femme »)
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elle peut être considérée comme injuste de la part de certains groupes sociaux qui se sentent autant déclassé mais n'ont pas accès à ces dispositifs (« les Conventions Éducation Prioritaire de Science Po n'existent que dans les ZEP tandis qu'il y a des classes populaires partout en France »).
III] Quelles-sont les limites de l’intervention des pouvoirs publics à la justice sociale ?
A. Un État providence sous contrainte financière ce qui qui remet en cause la capacité de l’État à promouvoir la justice sociale.
Document : Le déficit public en France.
Document : Le financement de la sécurité sociale, un équilibre précaire.
On assiste à une accumulation des déficits publics (les dépenses publiques sont supérieures aux recettes publiques) et donc à l'augmentation de l'endettement public. Cette hausse de la dette publique conduit l'État à limiter les dépenses publiques et remet donc en cause sa capacité à contribuer à la justice sociale par la protection sociale et la fourniture de services collectifs. Par ailleurs, les principales branches de la sécurité sociale sont déficitaire (ce qui est très mal nommé « trou de la sécu »), ce qui interroge la viabilité du système sur le long terme du fait d'un manque de croissance économique (le financement de la sécurité sociale reposant principalement sur les cotisations sociales donc sur la valeur ajoutée produite). Le contrainte financière est une des causes de la « crise » de l’État providence.
Pierre Rosanvallon dans sont ouvrage La crise de l'État-providence (1981) estime que l’État providence est en crise. Cette crise se déploie à trois niveaux :
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Crise financière : la fin de la forte croissance des Trente Glorieuses remet en cause le mode de financement de la sécurité sociale tandis que la prise en charge sociale et économique des victimes de la récession accroît ses dépenses ;
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Crise d'efficacité : l’État ne parvient pas à résoudre le chômage, la persistance des inégalités, la mobilité sociale est faible. L’État ne semble pas apporter les « bonnes » réponses ;
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Crise de légitimité : il y a un effritement des cadres collectifs de cohésion devant la montée d’un certain individualisme. Les mesures de l’État sont davantage perçues comme des impôts supplémentaires que des opportunités de redistribution. De plus, l’assistance que met en œuvre l’État Providence est contestée : certaines mesures sont considérées comme peu efficaces et ne profitant qu’aux personnes qui ne cotisent pas.
B. Le système fiscal français est régressif pour les très hauts revenus.
Document : Un système fiscal faiblement progressif voir régressif.
Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Camille Landais, http://www.revolution-fiscale.fr/le-systeme-actuel/des-impots-progressifs-/12-un-systeme-faiblement-progressif-decomposition-par-impots-
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Un prélèvement progressif est un prélèvement dont le taux croît lorsque son assiette augmente. Le taux de prélèvement est alors plus fort pour les hauts revenus que pour les bas revenus. Son montant augmente plus que proportionnellement par rapport au revenu. Seuls les impôts sur le capital (impôt sur les bénéfices des sociétés (IS), taxe foncière (TF), impôt sur la fortune (ISF) et droits de successions(DMTG)) apparaissent progressifs sur l’ensemble de la distribution des revenus. Ils représentent environ 1 % du revenu du premier décile, contre plus de 10 % du revenu des 0,001 % les plus riches. Cela s'explique par la très forte concentration des patrimoines: les plus pauvres ne possèdent presque rien, les plus aisés possèdent la quasi-totalité du capital immobilier et financier.
Un impôt dégressif est un prélèvement dont le taux diminue quand le revenu augmente. Son montant augmente moins que proportionnellement par rapport au revenu. L’impôt sur le revenu (IRPP) et la CSG ne sont progressifs que jusqu’au dernier centile, puis dégressif. La TVA et les cotisations sociales apparaissent dégressives. Par exemple, la TVA (qui est un prélèvement sur la consommation et non sur le revenu) voit son taux de prélèvement presque divisé par deux entre le premier décile et les 1 % les plus riches. Cela provient du fait que les plus pauvres consomment la quasi-totalité de leur revenu, alors que les plus aisés peuvent en épargner une large part (propension moyenne à consommer et épargner différente). Les cotisations sociales (et autres taxes sur les salaires) sont régressives : elles pèsent beaucoup plus lourdement sur les revenus bas et moyens que sur les hauts revenus. Cela s'explique par le fait que les cotisations sociales pèsent très peu sur les revenus du capital et sur les hauts salaires (plafonnement).
Finalement, le système fiscal français apparaît faiblement progressif pour les 90 % des ménages les plus pauvres, et dégressif pour les 1 % les plus riches. Cela tient à la baisse du poids des cotisations sociales, de l’IRPP, de la CSG et de la TVA dans le revenu des 1 % les plus riches
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C. L’effet désincitatif d'un niveau élevé de prélèvements obligatoires.
A partir d'un taux d'imposition, les recettes fiscales diminuent car les agents économiques réduisent leur activité productive le taux d’imposition étant désincitatif. Une incitation économique est une mesure qui vise à modifier le comportement des agents économiques dans un sens jugé souhaitable, elle oriente le comportement des agents en faisant en sorte que leur intérêt personnel s’aligne sur l’objectif recherché. La désincitation est alors une incitation à ne pas faire quelque chose. Les agents économiques mettent en place des stratégies pour payer moins d’impôts : diminution du travail (si impôt sur les revenus), fraude fiscale (non déclaration de revenu ou de patrimoine) voire exil fiscal (changement de pays pour des raisons fiscales). Nous sommes ici face à un effet pervers : conséquences non prévues et non souhaitées (ici d’une politiques publiques).
« Trop d’impôt tue l’impôt » est une formule utilisée pour justifier l’inefficacité de l’impôt lorsque ce dernier atteint un seuil trop élevé. On peut rapprocher cette analyse de la conception hayekienne de la justice sociale : les différences de revenus découlent de contributions différentes dans la société par le travail et l'épargne. Trop imposer ces revenus serait défavorable à la prise de risque, à l’innovation et donc, à la croissance économique et au bien être collectif.
Dans les faits, la courbe de Laffer n’a jamais été vérifiée. Nous ne savons pas déterminer quel est le niveau désincitatif d'une taxe. L’analyse proposée par Laffer n’est pas un travail scientifique sérieux (l’histoire veut que la courbe fut tracée sur un bout de nappe dans un restaurant) : cette courbe ne repose au départ sur aucune donnée empirique, elle ne fait que traduire en image les effets désincitatifs des impôts sur l’offre de travail.
D. Les effets pervers d'une protection sociale trop « généreuse » : les trappes à inactivités.
1. La protection sociale serait génératrice de trappe à inactivité.
Une protection sociale trop généreuse désinciterait certains chômeurs à travailler. Les trappes a inactivité (ou parle aussi de « trappe à chômage ») désignent les incitations (cas des minimas sociaux, voire de l'assurance chômage dans certaines analyses) qui encouragent une personne à rester inactive, en raison de la perte des prestations sociales auxquels elle devrait alors renoncer. Il est alors préférable d'être sans emploi plutôt que de prendre un emploi et donc de devoir travailler tout en perdant une partie des prestations sociales (on assiste à une perte de revenu et un effort : travailler).
2. Il est donc nécessaire de lutter contre ces trappes à inactivités : make work pay.
Pour réduire les trappes à inactivité, les pouvoirs publics ont multiplié les mesures d’activation, comme par exemple le RSA (revenu de solidarité active), mis en place en 2009, qui permet de cumuler partiellement aide sociale et revenu d’activité. L’idée est d’inciter financièrement les chômeurs à reprendre une activité, même mal rémunérée.
3. Cependant, la notion de « trappe à inactivité » ne se limite qu'aux incitations monétaires.
Les allocataires de minimas sociaux ne décident pas d’accepter ou non un emploi, uniquement en raison de critères financiers. D’autres facteurs entrent en compte, comme la volonté de sortir de la stigmatisation, de rompre l’isolement, de sortir de chez soi, de retrouver un statut social grâce à un travail, de retrouver des perspectives d’avenir. Si certains n’arrivent pas à sortir des minimas sociaux, c’est parce que les emplois manquent ou qu’il y a un diverses contraintes (transport, santé, mode de gade etc.) qui pèsent sur eux.