Qu’est-ce que la monnaie et comment est-elle créée ?
Spécialité sciences économiques et sociales SES en classe de première.
Qu'est-ce que la monnaie est comment est-elle créée ?
Objectifs :
- Connaître les fonctions de la monnaie et les formes de la monnaie.
- Comprendre comment le crédit bancaire contribue à la création monétaire, à partir du bilan simplifié d’une entreprise et de celui d’une banque.
- Comprendre le rôle de la banque centrale dans le processus de création monétaire, en particulier à travers le pilotage du taux d’intérêt à court terme sur le marché monétaire, et comprendre les effets que ces interventions peuvent produire sur le niveau des prix et sur l’activité économique.
Notions à connaître : double coïncidence des besoins, fonctions de la monnaie (unité de compte, intermédiaire des échanges, réserve de valeur), formes de la monnaie (monnaie fiduciaire, monnaie scripturale), masse monétaire, création monétaire, destruction monétaire, banque commerciale, banque centrale, liquidité, compensation interbancaire, marché monétaire, inflation
Questionnement :
- Qu’est-ce que la monnaie ? Quelles formes la monnaie prend-elle ?
- A quoi sert la monnaie?
- Comment la monnaie est-elle créée ?
- Quelles sont les effets de la quantité de monnaie en circulation dans une économie ?
Vous pouvez trouver ci-joint le dossier documentaire pour les élèves :
La monnaie est comme le langage : le français que je parle n’est utile que dans la mesure où vous en faites autant ; de même j’accepte la monnaie dans la mesure où vous l’acceptez également.
I] Les fonctions et les formes de la monnaie.
A) Les fonctions de la monnaie.
Le troc est un système d'échange où on échange des biens et des services contre un autre bien et service. Cependant, le troc butte sur la double coïncidence des besoins. La double coïncidence des besoins est le fait que chaque individu doit trouver une personne prête à lui céder ce qui lui manque, mais également espérer qu’il dispose ce que cette personne désire. Suppose que pour les deux individus, les biens sont de même valeur. La double coïncidence des besoins limite les échanges car les individus doivent trouver une personne qui est prête à échanger le bien qu’ils souhaitent obtenir (bouteille d’eau) contre le bien dont ils disposent (la brioche).
La monnaie, c'est l'ensemble des moyens de paiements directement utilisables par les agents pour régler les transactions. Elle a 3 fonctions :
La fonction d'intermédiaire des échanges : La monnaie permet de résoudre le problème de la double coïncidence des besoins. C'est donc un moyen de paiement au moment même de l'échange.
La fonction de réserve de valeur : la monnaie est non périssable, on peut la conserver pour réaliser un achat dans le futur. La fonction de réserve de valeur permet de séparer l'acte de vente de l'acte d'achat. Demain, la monnaie aura toujours la même valeur (mis à part le risque d'inflation : hausse des prix entraîne perte de valeur d'un euro).
La fonction d'unité de compte : ou étalon de valeur. C'est plus simple d'exprimer une chose en monnaie qu'en paire de chaussettes ou en DVD.
B) Les formes de la monnaie : de la monnaie-marchandise à la monnaie scripturale : vers la dématérialisation de la monnaie.
Les monnaies ont pris plusieurs formes :
- les monnaies primitives, dites monnaie-marchandise. Au départ, ce sont des coquillages, du bétail etc...
- les monnaies à partir de métaux précieux : elles apparaissent dès la plus haute Antiquité : dès l'invention de l'écriture en -2700 en Crète.
- les monnaies dématérialisées telles que les billets, qui n'ont aucune valeur eu soi. Leur valeur est faciale : le montant qu'il y a écrit dessus. Leur valeur réside dans la confiance.
- la monnaie scripturale (qui sont des jeux d'écritures comptables). Elle a besoin d'instruments pour circuler entre les agents économiques. Contrairement aux pièces et billets, elle est immatérielle. Elle ne peut donc pas passer de main en main. Cartes de crédit, chèques, prélèvements bancaires, porte monnaie électronique etc. sont les instruments de circulation de la monnaie scripturale.
La monnaie marchandise a une valeur d'usage propre (coquillage, bétail, poisson séché.... attention, ce n'est pas du troc car elles réunissaient les 3 fonctions de la monnaie). Elle n'a plus cours aujourd'hui.
La monnaie métallique : pièce de monnaie en métaux précieux : ces pièces ont une valeur intrinsèque (on regardait d'ailleurs surtout leur poids). Attention à ne pas confondre ces pièces et les pièces d'aujourd'hui qui n'ont quasiment pas de valeur.
Dans les économies contemporaines, on utilise deux formes de monnaie :
- La monnaie fiduciaire regroupe la monnaie divisionnaire (pièces) et les billets de banque. Fiduciaire signifie confiance. Cette dernière ne repose plus sur les qualités intrinsèques supposées, ce qui pouvait encore être le cas de certaines monnaies métalliques, mais uniquement sur le fait qu’ils permettent à leur détenteur d’acquérir des biens ou de bénéficier de services.
- La monnaie scripturale, c'est-à-dire tenue par écritures, est constituée par l’ensemble des soldes créditeurs des comptes à vue détenus par les clients du système bancaire. Elle circule grâce à divers instruments, dont les avancées technologiques ont accentué la variété et la dématérialisation : chèque, virement, titre universel de paiement (TUP), carte de paiement, porte-monnaie électronique, e-carte de paiement etc.
On peut voir que la monnaie est de plus en plus dématérialisée, c'est-à-dire que les paiements se font en grande majorité à l'aide de la monnaie scripturale via les instruments de circulation de la monnaie scripturale que sont les cartes de crédit, chèques, prélèvements bancaires, porte monnaie électronique.
II] La monnaie est créée par les banques commerciales sous le contrôle de la banque centrale.
A) L’ensemble de la monnaie en circulation dans une zone monétaire est la masse monétaire.
La « masse monétaire » est la quantité de monnaie en circulation dans une économie ou une zone monétaire. Elle est constituée des moyens de paiement détenus par les agents économiques et utilisables à court terme (moins de deux ans) pour régler leurs dépenses.
La masse monétaire est mesurée par différents indicateurs, ou agrégats, mais comprend principalement les billets en circulation, les dépôts à vue et à terme dans les banques et les comptes sur livret. Ces agrégats dépendent de la liquidité des actifs : c'est-à-dire que les actifs peuvent être rapidement mobilisés et convertible en moyen de paiement. Un actif est un élément du patrimoine, une propriété d’un agent économique (ménage, entreprise, etc.) ayant une valeur économique.
M. Bussière et al, « La monnaie et ses contreparties : instruments et reflets de la politique monétaire », Bulletin de la Banque de France, 234/2, mars-avril 2021
B) Le processus de création monétaire par les banques commerciales.
Prenons le cas d’une entreprise qui emprunte auprès de sa banque. Le mécanisme de la création monétaire se réalise par un accroissement simultané de l’actif et du passif de l’établissement bancaire concerné, illustré par le schéma ci-après :
La monnaie créée se concrétise par une inscription au compte (dépôt à vue) du client emprunteur qui figure au passif du bilan bancaire ; la contrepartie est inscrite à l’actif à un poste « créance sur le client ». Le remboursement du crédit aboutira, de façon symétrique, à une destruction de monnaie en diminuant à la fois l’actif et le passif du bilan bancaire. La masse monétaire – constituée essentiellement par la monnaie scripturale – s’accroît lorsque les flux de remboursements sont inférieurs aux flux des crédits nouveaux, de la même manière que le niveau d’une piscine s’élève lorsque le flux d’écoulement est inférieur au flux de remplissage. Tous les crédits ne donnent pas nécessairement lieu à de la création monétaire [...]. Les banques commerciales collectent également de l’épargne ; la part des crédits financés sur épargne ne participe pas, par définition, à la création de monnaie.
Dominique Plihon, La Monnaie et ses mécanismes, 2004.
Les 10 000 euros de crédit accordé à l’entreprise n'ont pas été retirés à un autre agent économique. Ces 10 000 euros ont été créés par la banque et seront détruits lors du remboursement. S'ils avaient été retirés à un autre agent économique, il n'y aurait pas eu de création monétaire. Les banques créent de la monnaie à partir de rien (ex nihilo) mais pas sans contrepartie (voir III] A)). La monnaie créée par les banques est de la monnaie scripturale (écriture sur comptes). Un crédit entre entreprises ou un crédit bancaire financé sur épargne ne serait pas source de création monétaire car, dans les deux cas, le crédit se fait sur une épargne préalable.
Didier Anselm, Nicolas Olivier (dir), Manuel de sciences économiques et sociales 1ère, Hatier, 2019
La masse monétaire s'accroît lorsque le flux de crédits nouveaux est supérieur au flux de remboursement de crédits, autrement dit lorsque les opérations de création de monnaie l'emportent sur les opérations de destruction de monnaie.
III] Les banques de second rang agissent sous la supervision de la banque centrale.
A) Les limites au pouvoir de création monétaire des banques de second rang.
Les banques dites de second rang (dites aussi banques commerciales) sont toutes les banques, sauf la Banque centrale. Le système bancaire étant hiérarchisé, la Banque centrale se situe « à la tête » en quelque sorte, et les autres banques y sont subordonnées. Ce sont donc les banques de second rang qui créent de la monnaie scripturale, donc augmentent la masse monétaire, au cours de l'octroi de crédit à des agents économiques. La monnaie de banque est la monnaie créée par les banques de second rang (monnaie scripturale uniquement). La monnaie centrale est la monnaie créée par la Banque centrale (monnaie fiduciaire et scripturale). C'est la seule monnaie à avoir cours légal (= les créanciers sont tenus de l'accepter en paiement). On parle aussi de base monétaire : voir schéma II] A).
Les dettes entre banques de second rang se règlent-elles en monnaie centrale car c'est la seule monnaie a avoir cours légal (= les créanciers sont tenus de l'accepter en paiement). Au cœur du système bancaire se trouve la Banque Centrale. La Banque de France, depuis le passage à l'Euro en 2000, travaille de concert avec la BCE (Banque Centrale Européenne) à laquelle elle a du céder la majeure partie de ses prérogatives (droits attachés à certaines fonctions). La Banque Centrale agit dans le cadre d'une mission : elle est chargée de veiller sur la valeur de la monnaie, l'émission de crédit, et le bon fonctionnement du système bancaire.
La Banque Centrale est la banque des banques, et toutes les banques de second rang y possèdent un compte qu'elles sont obligées de provisionner (réserves obligatoires). C'est à partir de ces comptes qu'elles vont pouvoir quotidiennement compenser les chèques et paiements électroniques de leurs clients.
Dans le domaine bancaire, la compensation est un mécanisme permettant à des banques et des institutions financières, membres de la chambre de compensation, de régler les montants dus et de recevoir les actifs correspondants aux transactions qu'elles ont effectuées sur les marchés. Pour ce faire, les banques vont avoir besoin de se refinancer. Le refinancement c'est l'ensemble des procédures par lesquelles les banques peuvent se procurer de la monnaie banque centrale auprès de la banque centrale ou grâce au marché interbancaire (partie du marché monétaire).
Les banques, quand elles créent de la monnaie, doivent faire face à deux fuites :
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Tout d'abord, elles doivent faire face aux fuites vers les autres banques de second rang : lorsqu'un client d'une banque transfère de la monnaie à un autre agent qui est client d'une autre banque, la 1ère banque se retrouve alors endettée envers la seconde ; elle doit transférer la monnaie de son client à la seconde banque.
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Ensuite, les banques doivent faire face aux fuites de monnaie fiduciaire (monnaie Banque centrale) : lorsqu'un client retire de la monnaie sous forme de monnaie fiduciaire, la banque doit se procurer cette monnaie dans le compte qu'elle a auprès de la Banque centrale (car la monnaie fiduciaire n'est créer que par la Banque centrale). Elle doit donc limiter ces fuites.
En contrôlant le volume et le prix du refinancement, la banque centrale contrôle indirectement la création monétaire.
B) La banque centrale doit contrôler l'émission de monnaie des banques de second rang afin de garantir la valeur de la monnaie.
Le taux directeur est le taux d’intérêt fixé par la BCE que les banques de second rang doivent payer pour obtenir de la liquidité auprès de la banque centrale.
L'inflation, c'est la hausse généralisée du niveau des prix. Les banques de second rang ont besoin de monnaie banque centrale (réserve obligatoire, fuite de monnaie fiduciaire, opération de compensation) pour assurer son activité et octroyer des crédits. Si elle n'en dispose pas, elle ne peut pas octroyer des crédits, donc créer de la monnaie. Par le biais du taux directeur, fixé par la banque centrale, le volume de monnaie en circulation et l'inflation peuvent être jugulés.
La banque centrale peut agir sur la quantité de monnaie en circulation dans l'économie de deux façons. Elle peut tout d’abord obliger les banques à détenir, sous forme de réserves obligatoires (dépôt sur leur compte banque centrale), une fraction des dépôts qu’elles gèrent : en augmentant cette fraction, la banque centrale limite la quantité de crédits que les banques peuvent accorder.
Elle peut également agir en faisant varier les liquidités disponibles sur le marché monétaire (en modulant son offre de monnaie centrale) ainsi que la rémunération qu'elle demande aux banques pour leur en fournir. Cette rémunération correspond au taux directeur : plus il est élevé et plus il devient coûteux pour une banque de se refinancer. Cela peut avoir deux effets :
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amener la banque à freiner son offre de crédits, d’une part (c'est plus coûteux pour la banque d'obtenir de la monnaie centrale),
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répercuter le coût de son refinancement sur les crédits qu’elle octroie et décourager ainsi le recours à l’endettement bancaire des agents économiques, d’autre part (car cela fait une hausse du taux d'intérêt).
Le marché monétaire est le marché des capitaux à court terme. Il se compose de deux compartiments :
- le marché interbancaire est un sous-ensemble du marché monétaire et son accès est réservé aux banques. Il permet à celles-ci de se procurer les liquidités qui leur sont nécessaires et à d’autres de placer à court terme leurs excédents de liquidités. C'est sur ce marché qu'à lieu le refinancement des banques de second rang.
- -marché des titres et créances négociables : permet aux grandes entreprises et aux institutions financières de se financer à court-terme.
Le marché monétaire est le principal instrument de la politique monétaire.
Sur le plan interne (c'est-à-dire au sein de la zone monétaire ou du pays), le pouvoir d’achat de la monnaie varie en fonction du niveau général des prix : l’objectif prioritaire de la politique menée par la BCE est ainsi d’assurer la stabilité des prix.
C) L’action de la banque centrale a un effet sur l’activité économique.
Une hausse des taux d'intérêts a des effets sur l'économie. En effet, les prêts deviennent plus coûteux : il est plus difficile d'emprunter pour investir comme le font les entreprises, et d'emprunter pour consommer, comme le font les ménages. Une hausse des taux d'intérêt peut donc aboutir à une contraction de la demande, et de l'investissement, et donc de la croissance économique (récession). Cependant, dans le contexte actuel, il faut nuancer la crainte d'un retour à l'inflation. Il n'y a pas une pleine capacité des facteurs de production : donc l'offre de biens et de services a la possibilité d'augmenter si la demande de biens et de services augmente (il n'y a donc pas d'augmentation des prix mais une augmentation des quantités produites).
Evolution du taux monétaire directeur en zone euro, aux USA et au Royaume-Uni.
Yann Tempereau, « Taux d’intérêt : bilan 2021, perspectives 2022 », Blog Caisse des dépôts et consignations, 10 janvier 2022
La politique monétaire est décidée par la Banque centrale (généralement indépendante du pouvoir politique) dont la mission est de réguler la création monétaire. Les banques centrales gèrent finement la quantité de monnaie en circulation dans l’économie (masse monétaire). Plus la quantité de monnaie centrale est abondante, et plus les banques vont avoir la possibilité de créer beaucoup de monnaie, et inversement, quand la banque centrale en restreint l’émission.
La Banque centrale doit fournir les liquidités nécessaires au bon fonctionnement et à la croissance de l’économie tout en veillant à la stabilité de la monnaie. En effet, la quantité de monnaie en circulation dans une économie ne doit pas être en effet trop faible, car les agents économiques seront obligés de limiter leurs activités économiques (consommation, investissement, production, etc.) A l’inverse, une quantité de monnaie trop abondante met à la disposition des agents économiques une capacité d'achat (un revenu nominal) bien supérieur à la quantité de biens et services disponibles, ce qui provoquer une hausse du niveau général des prix (inflation).