Comment la socialisation contribue-t-elle à expliquer les différences de comportement des individus ?

Publié le par Collectif

Spécialité sciences économiques et sociales SES en classe de première.

 

Comment se construisent et évoluent les liens sociaux ?

 

Objectifs :

Comprendre comment les individus expérimentent et intériorisent des façons d’agir, de penser et d’anticiper l’avenir qui sont socialement situées et qui sont à l’origine de différences de comportements, de préférences et d’aspirations.

Comprendre comment la diversité des configurations familiales modifie les conditions de la socialisation des enfants et des adolescents.

Comprendre qu’il existe des socialisations secondaires (professionnelle, conjugale, politique) à la suite de la socialisation primaire.

Comprendre que la pluralité des influences socialisatrices peut être à l’origine de trajectoires individuelles improbables.

 

Notions à connaître : Normes, Valeurs, Socialisation, Habitus, Socialisation primaire et secondaire, Trajectoire biographique, Socialisation différentielle, Milieu social, Capital culturel, Genre, Configuration familiale, Héritiers, Socialisation anticipatrice, Réussite et échec paradoxaux

Questionnements du chapitre :

  • Comment les individus arrivent-ils à s'entendre en société ?

  • Comment expliquer le comportement des individus ?

  • Quels sont les acteurs de la socialisation ? Quels sont leurs effets ?

  • Comment expliquer la trajectoire biographique des individus ?

I] La socialisation est l’intériorisation des normes et des valeurs de la société et des groupes auxquelles l’individu appartient.

 

A) Les normes et les valeurs.

 

Les valeurs sont des principes et idéaux partagés par les individus d’un même groupe dans une société donnée à une époque donnée. Elles permettent aux personnes de juger de leurs actes. Elles orientent les comportements. Les normes (sociales) d’une société se fondent sur ces valeurs (c'est l'application concrète des valeurs). Ce sont des règles très largement suivies dans une société. Les normes peuvent être formelles (écrites) ou informelles (non écrites). Ne pas être en accord avec ces normes peut entraîner des sanctions formelles (heure de colle, amende, peine de prison) ou informelles (tchip, moquerie, regard noir). Il existe, en effet, un contrôle social qui participe au respect de ces normes. 

 

B) La socialisation est un processus continu.

 

La socialisation est un processus d'intériorisation des normes et des valeurs qui dure toute la vie. La socialisation permet à l’individu de définir sa personnalité et de s’intégrer à son environnement : il s’adapte aux normes et aux valeurs du groupe auquel il appartient (famille, groupe de pairs, collectif de travail, société). Les comportements des individus ne sont donc pas naturels mais s'expliquent pas notre environnement et nos interactions sociales. Même les comportements qui semblent les plus physiologique comme manger ou dormir sont des comportements sociaux. 

La socialisation permet à l’individu d’intérioriser un habitus, c'est-à-dire les manières de sentir, de penser, de parler, de se tenir, d'agir. Selon notre milieu social, notre habitus est différent car notre socialisation est différente. L'habitus permet d'expliquer pourquoi les individus agissent en société selon des modèles particuliers et que ces modèles soient différent en fonction de notre environnement social. L’habitus de l’individu peut varier au cours du temps du fait de sa trajectoire biographique. L’habitus d’un individu va en partie déterminer ses aspirations et son éventail des possibles c’est-à-dire les choses auxquelles il pourra plus ou moins accéder. Cependant, ce n’est pas mécanique car les individus évoluent à travers différents espaces sociaux au cours de leur vie. La trajectoire biographique correspond à l’ensemble des épisodes de la vie, des expériences, du parcours de l’individu.

De plus, l’individu connaît différentes instances de socialisation, c’est-à-dire des agents socialisateurs qui vont participer à l’intériorisation des normes et des valeurs de l’individu. La famille est l’instance de socialisation la plus durable et la plus importante. Les autres instances sont les membres de l’institution scolaire, les pairs, les médias, etc. L’individu va donc très tôt s’approprier ou mettre à distance des dispositions (façons de faire, d’agir et de penser) possiblement très différentes.

Selon Emile Durkheim dans Education et sociologie (1922) la socialisation procède tout autant d'une éducation intentionnelle que :

de milliers de petites actions insensibles qui se produisent à chaque instant et auxquelles nous ne faisons pas attention à cause de leur insignifiante apparence

Emile Durkheim, Education et sociologie, PUF, 1922

En effet, la socialisation peut se faire de façon explicite et intentionnelle (inculcation), comme lorsque des parents dictent des règles à leurs enfants (injonction), mais également de façon plus diffuse et non intentionnel (imprégnation), comme lorsque les parents se répondent violemment lors d’une dispute (ce qui apprend aux enfants que la colère peut s’exprimer violemment alors que les parents voudraient leurs apprendre à gérer calmement leurs émotions).

La socialisation se déroule en deux étapes. La socialisation primaire a lieu pendant l'enfance. Si la socialisation primaire a principalement lieue au sein de la famille, dès la petite enfance il existe une multitude d'instance de socialisation (crèche, parc, assistante maternelle, autres enfants puis l'institution scolaire etc.) qui vont le mettre, très jeune, devant des contenus et modalités de socialisation différente. L'individu va se forger une identité sociale, avec des goûts et des pratiques particulières. La socialisation secondaire débute vers la fin de l'adolescence, le début de l'âge adulte. Le processus de construction de l'identité se poursuit, s'affine, va devenir de plus en plus précis et de plus en plus distinct d’autres membres de la société. Il y a une multitude d’instances qui vont participer à la socialisation de l’individu (enseignement supérieur, associations, famille, couple, métier, organisation politique etc.). C'est grâce à cette multitude d'instances de socialisation que les individus deviennent uniques et complexes.

La socialisation secondaire se déroule après la socialisation primaire, c’est-à-dire une fois que l’individu a intériorisé certaines normes qui ont contribué à faire de lui ce qu’il est devenu. Autrement dit, la socialisation secondaire doit composer, c’est-à-dire faire avec la socialisation primaire. C’est pourquoi on dit que la socialisation secondaire est une re-construction (ou resocialisation) de l’individu. L’analyse de l’articulation entre la socialisation primaire et la socialisation secondaire contribue à expliquer et comprendre la trajectoire biographique des individus. La socialisation secondaire peut, en effet, conduire à une socialisation de renforcement (les normes et les valeurs sont identiques lors des deux socialisations), de transformation (de nouvelles normes et valeurs modifient les façons d’être et de penser de l’individu) et moins souvent de conversion (l’individu change radicalement).

L'intégration de normes et de valeurs ne se fait pas uniquement des adultes vers les enfants. En effet, les enfants transmettent également (involontairement souvent) des habitudes de vie à leurs parents. Devenir parents impact la socialisation de l'adulte et peut changer ses modes de vie et d'alimentation par exemple.

II] La socialisation est différentes selon le milieu social, le genre et la configuration familiale.

 

A) La socialisation diffère selon le milieu social de l’individu.

 

1. Les professions et catégories socio-professionnelles (PCS) permettent de rendre compte du milieu social de l’individu.

Comment la socialisation contribue-t-elle à expliquer les différences de comportement des individus ?

Les catégories socioprofessionnelles (CSP puis PCS) sont un mode de regroupement des individus en catégories sociales homogènes selon leur activité professionnelle1. En effet, des personnes qui ont la même profession ou des professions proches auront des conditions de vie proches, des pratiques sociales et culturelles semblables, des goûts et des opinions politiques similaires. Cette classification est conçue pour être un outil d’analyse statistiques et sociologiques. Les catégories socioprofessionnelles permettent de rendre compte du milieu social. Le milieu social désigne les conditions d'un individu selon le type d'emploi occupé (notamment séparation manuel / intellectuel), les revenus, le niveau de diplôme et le réseau de relation.

 
Comment la socialisation contribue-t-elle à expliquer les différences de comportement des individus ?

Louis Chauvel, « Le retour des classes sociales », Revue de l'OFCE n°79, octobre 2001

 

On peut représenter la société française à l'aide d'une pyramide, hiérarchisée, avec :

- les classes supérieures composées des cadres et profession intellectuelle supérieure et des chefs d'entreprise,

- les classes moyennes composées des professions intermédiaires et des commerçants et artisans,

- les classes populaires composées des ouvriers, des employés et d'une partie des agriculteurs exploitants (environ 50 % de la population active).

2. La socialisation est différente selon le milieu social d’origine de l’individu.

La socialisation différentielle est la socialisation qui diffère selon le milieu social ou le genre de l’individu. Selon le milieu social de l’enfant, les normes et les valeurs transmises vont être différentes. Cela va être dans le repas, tant dans la manière dont il se tient que dans ce qui sera mangé. Ainsi l’obésité touche davantage les enfants de classe populaire. La socialisation va aussi avoir un effet sur la manière de parler tant dans la richesse du langage, la maîtrise des différents registres, que l’accent ou l’intonation de la voix.

Comment la socialisation contribue-t-elle à expliquer les différences de comportement des individus ?

Les goûts en terme de pratique culturelles vont aussi être différents. On remarque que les enfants de cadres ont en moyenne plus d’activités culturelles, notamment de sport et de lecture, que les enfants d’ouvriers, sauf dans l’écoute de la musique et de la télévision. Les classes supérieures ont relativement plus de capital culturel que les classes moyennes qui ont relativement plus de capital culturel que les classes populaires. Le capital culturel est l'ensemble des ressources culturelles comme les diplômes, la capacité à s'exprimer en public, l’aisance orale mais aussi la connaissance voire la possession d’œuvre d'art, de meubles de style… Plus le capital culturel de l’individu est riche, plus ce dernier a la chance de réussir scolairement car l’école attend et valorise ce capital culturel. On remarque que les différences de pratiques culturelles ne peuvent s'expliquer par des considérations économiques : un abonnement de théâtre coûte moins cher qu'un match au Parc des Princes. Un abonnement à la bibliothèque est gratuit, contrairement à un abonnement Playstation Network (PSN).

Ainsi, selon son milieu social d’origine l’individu va avoir des comportements, des préférences en terme de goûts et de dégoûts, mais aussi des aspirations différentes.

B) La socialisation est différente selon le genre de l’individu.

Le genre désigne la répartition hiérarchique des rôles selon le sexe dans une société données, répartition qui se fonde et qui contribue a la construction sociale des normes et des valeurs masculines et féminines et leurs représentations symboliques. Encore aujourd'hui, on attend et on valorise chez une femme la douceur, l’expression des sentiments, la beauté, le fait de prendre soin et de porter attention aux autres, tandis que l’on valorise davantage chez les hommes la force, le goût de l’effort, de la compétition, la mise en danger. Ces rôles attendus sont transmis par l’ensemble des instances d’intégration, dès l’enfance. Cela passe notamment par le jeu mais aussi l’imitation des parents et des amis dès la crèche. L’intériorisation de ces normes et de ces valeurs genrées tend à reproduire une répartition inégale des tâches domestiques et a une influence sur le choix des études et le choix du métier. Les filles -bien qu’elles réussissent mieux à l’école- vont davantage s’orienter dans les filières littéraire, de l’enseignement ou paramédicale tandis que les garçons vont davantage s’orienter vers les filières scientifiques.

C) La configuration familiale a un effet sur la socialisation.

 

1. La configuration familiale permet d’expliquer les différences de transmission des normes et des valeurs malgré une origine sociale similaire.

 

La configuration familiale (sens de Bernard Lahire) est l’ensemble des relations et rapports existants entre les membres d’une même famille dans une société donnée et à un moment donné. Ce n’est pas parce qu’une personne grandit dans une famille fortement dotée en capital culturel qu’elle va directement hériter de celui-ci. En effet si les membres de la famille ne créent pas de façon régulière les conditions de la transmission de leur capital culturel alors l’individu n’en héritera pas. Cela implique donc d’analyser les relations qu’entretiennent les membres d’une même famille entre eux, ce que les statistiques ne font pas. Deux familles dont le capital culturel est équivalent mais dont les relations (rapports) entre les membres de la même famille sont différents peuvent être à l’origine de trajectoires scolaires différentes. Bernard Lahire montre d'ailleurs qu'il est préférable de regarder le capital culturel, notamment les diplômes, de la mère plutôt que ceux du père afin de mieux rendre compte de la transmission du capital culturel car c'est principalement les mères qui s'occupent de l'éducation des enfants. Par exemple, a situation équivalente des parents, la présence dans la famille d’un ou d’une aîné.e étudiant.e et chargé.e de surveiller les devoirs des frères et sœurs modifie certainement les conditions de socialisation en ce qui concerne le rapport à l’école ou à la culture. De même, des parents fortement diplômés mais ayant des emplois du temps très chargés ne vont pas pouvoir directement transmettre le capital culturel, même si les enfants vivent dans un cadre riche en objets culturels (bibliothèque).

 

2. La configuration familiale renvoie aussi à la structure des familles.

 

La configuration familiale (dans le sens de l'INSEE) fait aussi référence à la structure des familles. On distingue trois grandes situation familiale :

- la famille traditionnelle : famille composée d’un couple et d’enfants nés (ou adoptés) de cette union,

- la famille monoparentale : famille comprenant un parent avec un ou plusieurs enfants et résidant sans conjoint,

- famille recomposée : famille composée d’un couple avec au moins un enfant né d’une union précédente.

On peut constater que, globalement, les enfants vivant avec leurs deux parents ou en garde alternée redoublent moins et réussissent mieux scolairement (obtention du brevet sans redoublement et notes obtenues en français et en maths au brevet) que ceux en famille monoparentale ou recomposée.

Les études de sociologie montre que l'implication des parents séparés dans la scolarité de leurs enfants est plus faible que lorsqu'ils sont en couple : il y a moins d'échange entre les parents et les enfants au sujet de l'école, il y a une moins grande pratique d'activités en rapport avec l'école. De plus, le contrôle des activités enfantine (ce que font ou ne font pas les enfants) est plus difficile lorsque les parents ne sont pas dans le même domicile. La séparation entre les deux parents aboutit à des dissonances dans les normes et valeurs autour des questions scolaires (intensité du travail, vœux d'orientation, contrôle des fréquentations, aide au devoir etc.) ce qui peut venir affaiblir les injonctions parentales (notamment l'effort scolaire).

Enfin, dans les familles monoparentales, le taux de pauvreté est deux fois plus élevé que dans le reste de la population. Le parent, qui dans 93% des familles monoparentales est la mère, est confronté à l'épuisement, au manque de répit, à la gestion de l'ensemble des taches domestiques voire au cumul de plusieurs emplois pour assurer les dépenses nécessaires au foyer. Le parent n'est pas toujours en mesure d'être disponible pour assurer la réussite scolaire des enfants. 

Ainsi, la configuration familiale en terme de structure de la famille et en terme de relations entre les membres de la famille va avoir une influence sur les conditions de socialisation et la transmission des normes et des valeurs, ainsi que du capital culturel.

III] La diversité des influences des différentes instances de socialisation va agir sur les trajectoires biographiques.

 

A) La pluralité des influences des instances de socialisation : la socialisation conjugale, politique et professionnelle.

 

La socialisation conjugale est lorsque les deux conjoints, en vivant en couple, intériorisent des modes de fonctionnement propres à leur « univers » commun. Ils se socialisent l’un l’autre (chacun arrive avec des acquis de sa socialisation primaire), et trouvent des arrangements permettant de s’accorder au quotidien, notamment au travers de compromis. La vie commune les pousse à modifier des habitudes, des manières de faire, qui leur donne l’impression de « se découvrir » personnellement mais qui est en réalité le résultat d’une construction à deux : les conjoints se transforment mutuellement -sans pour autant renier totalement leur socialisation primaire- et créent un espace commun qui est en partie influencé par leur socialisation primaire.

Comment la socialisation contribue-t-elle à expliquer les différences de comportement des individus ?
Comment la socialisation contribue-t-elle à expliquer les différences de comportement des individus ?

De même, l’activité militante a des effets socialisateurs à travers l’appropriation d’un langage politique, l’organisation de manifestation, débattre, distribuer des tracts. C'est la socialisation politique. Il y a donc un lien entre les valeurs intériorisées lors de la socialisation primaire, notamment au sein de la famille, et le militantisme une fois adulte. Cette socialisation politique peut avoir lieu au sein de la famille mais aussi avec les amis, les membres du parti ou du syndicat, d'une association ou des collègues.

Par ailleurs, la socialisation professionnelle désigne le processus par lequel les individus intériorisent les normes et valeurs propres à une profession, c’est-à-dire à un métier. Elle suppose aussi l’acquisition des « gestes professionnels », de l’éthique, des normes propres au métier.

De manière générale, la socialisation secondaire peut soit aller dans le sens d’un renforcement, soit dans le sens d’une rupture, avec la socialisation primaire. Lors d’un prolongement ou renforcement : les valeurs, normes et rôles intégrés par l’individu pendant son enfance ne sont pas remis en cause voire sont renforcées. Lors d’une rupture, c’est notamment le cas des individus qui connaissent une forte mobilité géographique ou sociale, il y a une remise eu cause au moins partielle des normes et valeurs précédemment intériorisées.

B) L’explication des réussites et échecs paradoxaux.

 

1. La réussite scolaire dépend largement du capital culturel des individus, en partie hérité de la famille.

Comment la socialisation contribue-t-elle à expliquer les différences de comportement des individus ?

Les enfants d'ouvriers et d'employés ont plus de difficulté à accéder à des études longues et sélectives. En effet, la proximité culturelle entre le milieu familial et l'univers de l'école défavorise les personnes des milieux populaires. Cela s'explique par un type de langage, de vocabulaire, ainsi qu'à travers des pratiques culturelles, notamment lire, aller au musée, voyager etc. qui sont valorisés à l'école. L'habitus transmis dans les classes supérieurs et les classes moyennes est davantage en phase avec les attentes de l'école. Par exemple, une personne qui se rend de temps en temps au théâtre ou dans des musées aura tendance à mieux percevoir les attentes de ses enseignants de français.

 

Si les sociologues se sont attachés à expliquer les trajectoires statistiquement probables, il convient d'analyser les situations d'échecs et de réussites improbables (bien qu'elles sont plus rares). Ces parcours individuels singuliers s'expliquent par la pluralité de leur processus de socialisation à travers des contextes sociaux multiples et hétérogènes.

 

2. Les échecs improbables d’élèves de milieux favorisés.

 

Les « héritiers » (Pierre Bourdieu) sont les enfants qui ont hérité de leur famille un capital culturel important qui leur permet de s’adapter aisément au milieu scolaire car ce capital culturel est en adéquation avec les attentes de l’école (l’habitus familial est proche de l’habitus scolaire dans la manière de parler, de se tenir, de percevoir les choses notamment). Cela offre à ces enfant un réel avantage pour réussir scolairement, leur échec scolaire est donc est paradoxal, improbable.

Cela peut s’expliquer par un décalage entre le diplôme élevé du père et de la mère : c’est la femme qui s’occupe du soin et de l’éducation quotidienne des enfants, notamment des devoirs. En effet, le diplôme maternel protège davantage des difficultés scolaire et une famille considérée comme appartenant à la classe supérieure peut être composée par une mère avec un diplôme inférieur à celui du père. Dans ce cas, le capital culturel qui est transmis n’est pas nécessairement en adéquation avec les attentes de l’école. Cela peut aussi s’expliquer par un manque de temps des parents dans l’accompagnement scolaire du fait de contrainte d’emploi du temps, ces derniers étant très pris par leur travail. Par exemple, des pratiques peuvent être valorisées par les parents (lecture, théâtre, émission culturelle à la radio ou la télévision etc.) mais ne pas être transmise aux enfants, si les relations existants au sein de la famille ne permettent ni les échanges entre les parents et les enfants, ni le partage d'expériences et de pratiques en famille. Enfin, nous avons également vu que la séparation des parents peut avoir un effet négatif sur la réussite scolaire, même si ces derniers ont des niveaux de diplômes élevés.

Enfin, la pluralité des instances de socialisation, au discours parfois divergeant, peut aussi expliquer ces trajectoires scolaires : l’individu est au contact d’autres instances pouvant véhiculer des codes éloignés de ces dernières : groupe de pairs, médias, etc. Aussi, ces influences multiples peuvent expliquer que des enfants issus de milieux favorisés et plutôt destinés à la réussite scolaire adoptent des normes et valeurs éloignées de celles valorisées dans la famille et l’école.

 

3. Les réussites improbables d’élèves de milieux populaires.

 

A l’inverse, la réussite scolaire d’enfants de milieu populaire - qu’ils soient d’origine immigré ou non - dont les parents ont un faible niveau de capital culturel est statistiquement improbable. En effet, les enfants partent avec un désavantage dans la compétition scolaire. Ils doivent apprendre à percevoir et intérioriser les codes scolaires, parfois implicites.

Les sociologues expliquent la réussite scolaire « improbable » ou « paradoxale » des enfants de milieu populaire dont les familles sont peu dotées en capital scolaire par plusieurs facteurs. Le rapport à l’école positif des parents qui, bien qu’ils ne puissent pas aider les enfants dans la réalisation des devoirs ou pour répondre à des questions de compréhension, transmettent ce rapport positif à l’école et leur attentes dans la réussite scolaire de leurs enfants. Les parents, mais aussi voire surtout les autres membres de la famille (sœur ou frère aîné qui par la diversité des instances de socialisation a réussi à l’école) vont s’impliquer dans la scolarité de leurs enfants en offrant les conditions de réussite (par exemple s’assurer que chaque enfant ait un espace à lui pour travailler, fuir les quartiers considérés comme défavorisés à travers une stratégie résidentielle, aide aux devoirs des aînés etc.).

Les enfants et adolescents peuvent aspirer à changer de milieu social au moyen de la réussite scolaire. On parle alors de socialisation anticipatrice : c’est lorsque l’individu va intérioriser les normes et les valeurs d’un groupe social auquel il se réfère et souhaite appartenir.

L’individu est donc confronté à une pluralité de sources d’influence au cours de sa socialisation (groupe de pair, école, fratrie, famille, associations sportives, culturelles, pratique religieuse etc.). Ces discours riches, hétérogènes, voire contraires, vont expliquer ces trajectoires improbables. Les échecs et réussites paradoxaux correspondent à l’ensemble des positions occupées par un individus au cours de sa vie (résultats scolaire, profession, choix du conjoint, lieu de résidence…) qui ne correspond pas à ce qu’on pouvait prévoir sur la base de son origine sociale. Ainsi, il n’y a pas de déterminisme social total : si des tendances statistiques sont observables, il existe bien des trajectoires qui sortent de ces normes statistiques, notamment du fait de la pluralité des influences socialisatrices. On aurait pu aussi donner des exemples de trajectoires improbables à travers des sports ou métiers dans lesquels on ne s’attend pas à voir des hommes ou des femmes.

1 La grille des Catégories socioprofessionnelles se base de plusieurs critères, notamment la profession (métier), le statut juridique de l'individu (indépendant ou salarié), la qualification, la position hiérarchique, le secteur d'activité (primaire, secondaire, tertiaire).

Publié dans Première ES

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :