Quelles sont les sources et les défis de la croissance économique ?

Publié le par Collectif

Spécialité Sciences Économiques et Sociales SES en classe de terminale.

 

Quelles sont les sources de la croissance économique ?

 

Objectifs :

→ Comprendre le processus de croissance économique et les sources de la croissance :

  • accumulation des facteurs et accroissement de la productivité globale des facteurs ;

  • lien entre le progrès technique et l'accroissement de la productivité globale des facteurs.

→ Comprendre que le progrès technique est endogène et qu'il résulte en particulier de l'innovation.

→ Comprendre comment les institutions (notamment les droits de propriété) influent sur la croissance économique en affectant l'incitation à investir et innover ; savoir que l'innovation s'accompagne d'un processus de destruction créatrice.

→ Comprendre comment le progrès technique peut engendrer des inégalités de revenus.

→ Comprendre qu'une croissance économique soutenable se heurte à des limites écologiques (notamment l'épuisement des ressources, la pollution et le réchauffement climatique) et que l'innovation peut aider à reculer ces limites.

 

Notions à connaître :

Acquis de seconde et de première : acteurs de production, facteur travail, facteur capital, production marchande et non marchande, exclusion, rivalité, valeur ajoutée, productivité, PIB, institutions, droit de propriété.

A acquérir en terminale : Produit intérieur brut (PIB), Croissance économique, Productivité globale des facteurs (PGF), Investissement, Progrès technique, Innovation, Processus de destruction créatrice, Institutions, Droits de propriété, Capital humain, Inégalités de revenu, Capital naturel, Croissance économique soutenable, Empreinte écologique, Ressources renouvelables et non-renouvelables, Réchauffement climatique, Bien commun.

 

I] La croissance économique dépend de l’accumulation des facteurs de production (croissance extensive) et de l’amélioration de leur efficacité (croissance intensive).

 

A) Définition et mesure du produit intérieur brut et évolution de la croissance économique en France.

 

1. Le produit intérieur brut est l'indicateur principal de la croissance économique.

La valeur ajoutée est la création de valeur par l’intervention des travailleurs et du producteur (les propriétaires de capital). Cela correspond à ce qu'a réellement créée une organisation productive (entreprise, APU, association) par son activité. C'est une mesure de la création de richesse économique. La VA, pour une entreprise qui a une production marchande, se mesure par la différence entre le prix du produit fini et les consommations intermédiaires qui ont été produites par d’autres organisations productives (tout ce qui disparaît ou est transformé dans le processus de production. Cela ne prend donc pas en compte le travail et le capital).

Le produit intérieur brut est l'ensemble des biens et des services marchands, ainsi   que les services non-marchands, qui sont produits sur le territoire national au cours d'une période donnée. C'est une mesure de la création de richesse économique nationale. On calcul le PIB en faisant la somme des valeurs ajoutées marchandes et non-marchande. Une production marchande est vendue à un prix de marché qui couvre plus de la moitié de ses coûts de production, contrairement à une production non-marchande qui est vendu à un prix inférieur à la moitié de son coût de production (ex : services fourni par les administrations publiques). Bien qu'elle soit gratuite ou quasi-gratuite, la production non-marchande a un coût. Pour évaluer la valeur ajoutée de la production non-marchande, on prend donc en compte les coûts de production.

Attention :

  • Le PIB ne prend en compte que la production économique c'est-à-dire la création de biens et de services qui est le fruit d'un travail rémunéré et déclaré.
  •  Une hausse du produit intérieur brut nominal (exprimé en valeur monétaire, par exemple 2350 milliards d’euros courants) n'est pas forcément une augmentation des la richesse créée. La croissance du PIB d'une année à l'autre peut s'expliquer par une augmentation réelle de la création de richesses (augmentation des quantités produites) et également par une augmentation des prix.
Quelles sont les sources et les défis de la croissance économique ?

L'étude de l'évolution d'une variable mesurée en unité monétaire pose un problème car la valeur de cette unité monétaire varie avec l'évolution des prix. Ainsi, la croissance du PIB d'une année à l'autre peut s'expliquer par une augmentation réelle de la création de richesses et par une augmentation des prix.

Les évolutions en valeur doivent être distinguées des évolutions en volume. L'évolution en volume tient compte uniquement de l'effet quantité alors que l'évolution en valeur tient compte à la fois de l'effet quantité et de l'effet prix. Pour analyser les variations réelles, c'est-à-dire en volume, il faut supprimer l'effet prix des évolutions : cela s'appelle « déflater une série statistique ».

Avec effet-prix

Sans effet-prix

En valeur

En volume

Nominal

Réelle

En euros courants

En euros constants

L'utilisation des notions de volume, variables réelle, ou d'euros constants n'a de sens que dans le cadre de l'étude d'une évolution, lorsque l'on veut comparer deux données dans le temps.

 

La croissance économique est l'augmentation de la quantité de biens et de services produits dans un pays sur une période donnée (généralement un an). Elle se mesure par le taux de croissance du PIB c’est-à-dire le taux d’évolution (exprimé en pourcentage) du PIB entre deux périodes. La croissance économique se calcul en enlevant les effets de la variation des prix. Pour calculer le taux de croissance du produit intérieur brut, nous allons utiliser le taux de variation :

Taux de variation = [ (valeur d'arrivée / valeur de départ) / valeur de départ ] = … %

Le taux de variation permet de mesurer l'évolution relative d'une donnée par rapport à une autre entre une donnée à une date de départ et à une date d'arrivée. Il est parfois appelé taux de croissance, taux d’évolution ou pourcentage de variation. Le taux de variation peut être négatif, lorsque la variable diminue.

Voici la formule permettant de mesurer le taux de croissance du PIB de l'année 2019 : Taux de croissance du PIB de l’année 2019 = [ (PIB de l'année 2019 / PIB de l'année 2018) / PIB de l'année 2018 ] = … % %

 

2. L’évolution de la croissance économique en France depuis 1950.

Quelles sont les sources et les défis de la croissance économique ?

La croissance économique est une tendance de long terme. Cependant, il existe des phénomènes de fluctuations économiques avec des périodes de baisse du taux de croissance économique (ralentissement de la croissance), de crise économique et de baisse du produit intérieur brut (décroissance) donc une baisse de la richesse créée par rapport à la période précédente. Depuis les années 2000, nous avons vécus deux grandes crises économiques : celle de 2008 (dite « crise des Subprimes ») et celle de 2020 (dite « crise liée à la crise sanitaire »).

Fin 2019, avant la pandémie et le confinement, le PIB était de plus de 2332 milliards d'euros. En 2020, il baisse de 7,5%. La croissance qui était faible mais positive depuis 2010 est donc devenu négative. Aujourd’hui, le PIB est de nouveau croissant et a atteint 2,5% en 2022. 

 

B) La croissance extensive est le résultat de l’accumulation des facteurs de production.

 

Les Facteurs de production sont les ressources utilisées pour produire et qui ne sont ni détruites ni transformées au cours du processus de production (contrairement aux consommations intermédiaires). Le facteur travail est l'ensemble des activités humaines qui contribuent à la production. Sa rémunération correspond au salaire superbrut (salaire + cotisations sociales). Le facteur capital est l'ensemble des biens qui sont utilisés dans le processus de production mais qui ne sont ni détruits ni transformés et qui sont utilisés plus d'un an. Sa rémunération correspond au profit. Pour produire, le producteur doit combiner les facteurs de production. La combinaison productive est le choix du producteur d'associer une certaine quantité de facteur travail et un certaine quantité de facteur capital pour réaliser la production.

Il est possible d’augmenter la production en introduisant plus de facteur travail et de facteur capital. C’est ce que l’on appelle la croissance extensive. On parle de croissance extensive lorsque l’augmentation de la production et donc la croissance ne s’expliquent que par l’augmentation ou l’accumulation des facteurs de production.

 

C) La croissance intensive est le résultat de l’amélioration des facteurs de production.

 

La croissance extensive est toutefois limité. En effet, la loi des rendements décroissants explique que lorsque l'un des facteurs de production augmente alors que l'autre reste fixe, à partir d'un certain seuil, la productivité marginale de ce facteur de production devient décroissante. A long terme, la croissance serai nulle: on parle d'état stationnaire. Néanmoins, ce n'est pas ce que l'on peut observer.

Quelles sont les sources et les défis de la croissance économique ?

ggdc : Groningen Growth and Development Center

On observe un écart entre l’augmentation des facteurs de production et l’augmentation de la production. Solow explique cet écart par le progrès technique. Le progrès technique est tout ce qui accroît la production sans que ne varient les quantités de facteurs de production utilisées. Cela est permit par l’amélioration des connaissances scientifiques et de l’organisation de la production qui permet d'améliorer l'efficacité avec laquelle on produit. Le progrès technique inclut donc les innovations, qu'il s'agisse d'innovations de procédés (nouvelles machines) ou d'innovation de produits (nouveaux produits).

 

Ainsi, une partie de la croissance économique s’explique par l’augmentation des facteurs de production (la partie extensive de la croissance économique) et l'autre par l’amélioration de la productivité des facteurs de production (la partie intensive de la croissance économique). Cette seconde partie est nommée « le résidu » par Robert Solow car il n'en explique pas les causes à l'époque où il mesure ce résidu (1956). La croissance intensive est la croissance qui résulte de l’amélioration de la productivité (de l'efficacité) des facteurs sans qu’il y ait nécessairement augmentation des quantités de facteurs utilisées. La productivité globale des facteurs (PGF) est l'accroissement relatif de richesse qui n'est pas expliqué par l'accroissement d'un usage des facteurs de production, le capital et le travail. On l'appelle aussi « résidu de Solow ». La PGF est assimilé à une mesure du progrès technique. Elle se calcule en soustrayant au taux de croissance économique sur une certaine période la contribution des facteurs de production à cette croissance (c’est-à-dire la contribution de la hausse des quantités de facteurs travail et capital).

Variation du PIB (en %) et contribution à la croissance (en points de %), en 2017

Variation du PIB (en %) et contribution à la croissance (en points de %), en 2017

En France, en 2017, le PIB a augmenté de 2,2 %. Cette hausse du PIB s’explique grâce à la contribution du facteur travail à hauteur de 0,6 points de pourcentage, à la contribution du facteur capital à hauteur de 0,7 points de pourcentage et à la contribution de la PGF à hauteur de 0,9 points de pourcentage. La PGF a contribué à hauteur de 40,91 % à la croissance économique de la France.

 

On peut voir que selon les pays la croissance économique n’a pas la même origine. Alors que la croissance économique en Nouvelle-Zélande s'explique en grande partie par la contribution du facteur travail, celle de la Corée du Sud est due à la PGF. Au final, deux croissances similaires n'ont pas forcément les mêmes sources.

 

Attention : comment se fait-il que l'on puisse avoir des résidus négatifs ?

Cette baisse est due à une diminution de l'efficacité des facteurs de production , dont on a du mal à définir la cause (ex : travail insuffisamment qualifié pour utiliser à bon escient le capital, temps que mettent les travailleurs pour maîtriser l'arrivée d'une innovation de procédé) ainsi qu'à une sous utilisation des facteurs de production (capacités de production non employées, chômage technique, licenciement de personnes qualifiées pendant la crise puis embauche de personnes moins expérimentées qu'il faudra former une fois la crise passée...)

Quelles sont les sources et les défis de la croissance économique ?

II] Le progrès techniques, les innovations et les institutions permettent une dynamique de croissance qui s’auto-entretient, ce qui est facteur d’inégalités de revenu.

 

A. Les innovations et le progrès technique permettent à la croissance de s'auto- entretenir.

 

1. Les innovations permettent la croissance économique et la création de nouvelles marchandises et de nouveaux secteurs d’activité.

On peut innover en créant de nouveaux produits (innovation de produit) ou en changeant la façon de produire (innovation de production). Les innovations peuvent être de petites améliorations (incrémental) ou bien plus radical. Dans les innovations de production, une modification de l’organisation du travail permet d’améliorer la productivité des facteurs. C'est le cas par exemple du taylorisme avec la séparation et la spécialisation des tâches. De même, il existe des innovations commerciales. Une innovation commerciale implique quant à elle des changements significatifs de la conception ou du conditionnement (forme et aspect, design, voire goût, ou encore du placement). Par exemple, des nouveaux circuits de vente, des nouvelles méthodes de présentation, d’exposition, ou de promotion comme le placement du produit dans un film, un nouveau logo, ou une carte de fidélité sont des innovations commerciales.

Le progrès technique est le produit d'innovation, c'est-à-dire la mise en œuvre d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé (de production) nouveau ou sensiblement amélioré (comme une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques d’une organisation productive). L'innovation est notamment permise par la recherche et développement.

  • Les innovations de procédés et organisationnelles permettent aux entreprises de réaliser des gains de productivité (puisqu'elles permettent une amélioration de la production sans utiliser plus de facteurs).
  • Les innovations (notamment de produit) permettent également de susciter une nouvelle demande, ce qui est bénéfique pour la croissance économique.

Le changement technologique est réalisé grâce à l'investissement dans la recherche et développement, le capital physique ou encore dans les connaissances des travailleurs (capital humain) à travers la formation. Le progrès technique est alors endogène puisqu'il provient de décision des organisations productives, et de l’État, motivées par le gain ou par la recherche du bien être collectif. (endogène : qui prend naissance à l'intérieur, est dû à une cause interne). De plus, le progrès technique et les innovations sont cumulatives. Par exemple, lorsque l'électricité (invention) fut introduite autour des années 1900, elle donna lieu à de nombreuses innovations, que l'économiste Joseph Schumpeter nomme "grappe d’innovation" : En effet, les nouvelles invention (électricité) permettent des innovations de produits (les nouvelles ampoules électriques), de procédé (les machines de production fonctionnant à l'électricité), mais aussi organisationnelles (les usines pouvaient désormais fonctionner 24h sur 24).

 

Le progrès technique est rendu possible par l’investissement. C’est un flux qui vient accroître ou renouveler le stock de capital. L’investissement est matériel (achat de capital physique : une nouvelle machine) mais aussi immatériel (achat d’un nouveau logiciel, d’un brevet, dépense en recherche et développement, etc.). Le progrès technique permet à la croissance de s'auto-entretenir. En effet, l'investissement dans le différents capitaux permet de générer des gains de productivité ce qui par la suite va permettre de nouveaux investissements qui seront créateurs de progrès technique (on produit plus efficacement, de manière moins coûteuse, ce qui permet plus de profits qui peuvent être de nouveau investit). De plus, l'accumulation de connaissances, grâce à l'éducation et à la formation, va bénéficier à toute la société. Ces connaissances vont permettre d'innover dans le capital physique (création d'un robot plus productif) qui augmente les richesses produites (gains de productivité).

 

L’État participe également à l'auto-entretien du progrès technique et de la croissance. Il peut investir dans différents domaines : éducation, santé, recherche fondamentale, infrastructure publiques comme les routes, etc. Cela va générer des innovations, du progrès technique et de la croissance économique. Le Capital humain peut être défini comme l'ensemble des capacités de l'individu susceptible de contribuer à son efficacité productive (le niveau d'éducation, la santé, les capacités physiques, l'expérience professionnelle, l'intelligence etc.). Plus une population est éduquée et plus elle est capable d'apprendre, d'enseigner, d'innover, ce qui génère du progrès technique, de la connaissance, et donc de la croissance.

 

Schéma: illustration du mécanisme auto-entretenue de la croissance grâce aux investissements dans les dépenses d’éducation.

Quelles sont les sources et les défis de la croissance économique ?

2. Les innovations conduisent aussi à la destruction d’anciennes marchandises et d’anciens secteurs d’activité moins performants.

Certaines activités sont vouées a disparaitre, car elles n’utilisent pas les innovations qui apparaissent, et sont alors conduites à la faillite faute de pouvoir faire face à la concurrence des entreprises innovantes (par exemple Kodak : l'entreprise n'a pas pris le tournant de la photographie numérique mais est resté sur un format de pellicule argentique qu'il faut faire développer). Ces activités sont moins efficaces et plus chères. A l'inverse, certaines activités se développent, ce sont celles des entreprises innovantes, avec à leur tête des « entrepreneurs-innovateurs » selon Schumpeter. Elles sont plus rentables car elles attirent la demande malgré un prix élevé (exemple Apple), ou permettent de produire à un coût plus faible.

Le progrès technique a pour effet de rendre obsolète les anciennes innovations car les entreprises qui les mettent en œuvre ne sont plus compétitives. Certains produits ou certains processus de production vont ainsi disparaître, en même temps que d’autres apparaissent. C’est ce que Schumpeter appel le processus de destruction créatrice. L'évolution des métiers à tisser est un bon exemple de ce processus.

L'économiste Joseph Schumpeter (1883-1950), a théorisé les effets de l'innovation à travers le processus de destruction créatrice : le progrès technique entraîne un mouvement simultané de création d'activités nouvelles et de destruction d'activités dépassées (ce qui ne signifie pas toujours disparition). Cela a des effets sur l'évolution de la structure productive et la croissance économique. (Ex : ampoule vs bougie ; tracteur vs cheval de trait, internet s'est substitué au minitel, tout comme les voitures électriques pourraient remplacer les moteurs à combustion etc.) Le pouvoir de marché et le profit dégagé par les entreprises innovantes va alors inciter les autres entreprises à innover (pour augmenter ses recettes mais aussi pour ne pas disparaître), ce qui est favorable à la croissance économique.

B. Les institutions sont génératrices de stabilité ce qui est profitable à l’investissement, aux incitations au progrès technique et la croissance.

 

Les institutions sont un ensemble de règles formelles ou informelles qui s’imposent aux individus et qui orientent leurs comportements. Le contexte institutionnel doit permettre de garantir un environnement favorable aux échanges, à la production, aux investissements et à la croissance. La croissance nécessite donc un cadre stable et de confiance. On voit que l’État a un rôle central pour garantir cet environnement. D’une façon plus générale, un cadre institutionnel insuffisant représente un frein pour la croissance économique. Par exemple, la corruption prive les agents économiques d’une partie de leurs ressources et rend les « règles du jeu » économiques incertaines (règles d’attribution des marchés publics par exemple, plus généralement sécurité des contrats), ce qui désincite à l'investissement et à l'innovation. On constate que les pays qui rencontrent le plus de difficultés à maîtriser la corruption sont également les pays au niveau de vie le plus faible. A contrario, les pays à niveau de vie élevé ont le plus souvent une bonne maîtrise de la corruption.

Les droits de propriété sont une institution, ils désignent les droits d'utiliser, de profiter et de disposer d'une chose, d'en être le maître absolu et exclusif dans les conditions fixées par la loi. La production et l’échange marchand ne sont possible que si les biens ou services ont des propriétaires bien établis, lesquels peuvent alors en disposer à leur convenance et en transférer la propriété lors d’une transaction sur les marchés. Le droit de propriété protège donc du vol. Les droits de propriété favorisent par ailleurs l’investissement. L’absence de garantie des droits de propriétés (corruption, instabilité politique) rendrait le retour sur investissement tellement incertain que cela aurait un effet désincitatif. Le brevet est un titre de propriété intellectuelle, limitée dans le temps, qui confère à son détenteur un monopole temporaire sur l'idée protégée et la possibilité d'exploiter lui-même, de faire exploiter par un tiers, ou d'interdire l'exploitation de l'idée protégée. Les brevets protégeant les innovations, ils garantissent l'incitation à investir dans la R&D et la découverte d'innovations. Le dépôt d’un brevet permet aux innovateurs d’obtenir la garantie qu’ils bénéficieront des profits générés par leur innovation.

Certaines institutions sont essentielles pour assurer la stabilité de l’environnement dans lequel se déroulent les activités de production. C’est notamment le cas du système financier qui doit garantir une inflation faible, réduire au minimum l’instabilité macroéconomique, éviter les crises financières tout en maintenant un accès aux capitaux pour les entreprises en besoin de financement. Sans ces institutions, le financement de l’économie serait mal assuré et l’incertitude freinerait les décisions d’investissements.

Quelles sont les sources et les défis de la croissance économique ?

C. Le progrès technique peut engendrer des inégalités de revenus.

Le progrès technique aboutit en parti à un remplacement des travailleurs par des machines. Dans ce cas, la combinaison productive est plus capitalistique, c'est à dire que l'entreprise utilise plus de capital qu'avant. A terme, les économistes considèrent qu'un emploi sur dix seraient menacés. Ce sont les emplois peu qualifiés qui sont les plus exposés. Le progrès technique biaisé suggère que les changement technologiques ont transformé la demande en compétence des entreprises en faveur des travailleurs qualifiés. Cela conduit à des inégalités entre les travailleurs qualifiés et non qualifiés. 

 

Au delà de la disparition d'emplois, le progrès technique a provoqué des inégalités de salaires, notamment dans les pays anglo-saxon où le marché du travail est flexible, ce qui a conduit a une baisse des salaires des travailleurs les moins qualifiés dont les tâches pouvaient également être effectuées par des machines. Le progrès technique profite, en effet, aux travailleurs les plus qualifiés qui sont capables d'augmenter leur productivité grâce aux machines et aux ordinateurs, parce qu'ils sont complémentaires. Cela a permis à ces travailleurs d'accroître leur rémunération et/ou d'éviter le chômage. C'est le cas , par exemple, d'entreprises fortement innovantes comme Facebook, qui cherchent une main-d'œuvre très hautement qualifiée et qui attirent les meilleurs salariés avec des rémunérations très élevées.

 

Dans les pays européen, où les salaires ne pouvaient pas baisser sous un certain seuil (salaire minimum) les travailleurs les moins qualifiés ont été remplacé plus rapidement par des machines et le chômage a augmenté. Les inégalités dans la stabilité de l'emploi conduisent également à des inégalités de revenus et de niveau de vie.

Schéma : Les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus.

Quelles sont les sources et les défis de la croissance économique ?

III] La croissance économique détruit l’environnement et le progrès technique peut , dans certains cas, limiter les atteintes à l’environnement.

 

A) L’activité humaine et la croissance économique provoquent le réchauffement climatique et la destruction des biens communs.

 

Le capital naturel représente l’ensemble des ressources diverses de la nature susceptibles d'engendrer un service productif (richesses de la mer, du sol et du sous-sol) et les services rendus par les écosystèmes. Par exemple, la diversité des espèces est indispensable à la recherche médicale, ou bien accroît les chances que des « prédateurs » naturels puissent éliminer les insectes nuisibles à l’agriculture (ce qui permet de se passer de pesticides).

On peut distinguer deux types de ressources dans ce capital :

  • Les ressources épuisables (pétrole, gaz) ;

  • Les ressources renouvelables (forêt, poissons…) à condition que le rythme d’utilisation soit inférieur au rythme de reproduction.

Notons que cette approche purement économique réduit l'environnement à une forme de capital économique comme un autre (soutenabilité faible = économie de l'environnement). Il y a une autre approche (soutenabilité forte = économie écologique) qui considère que l'environnement, comme la nature, a une spécificité, et qu'il ne se limite pas à un capital économique.

 

L’empreinte écologique mesure la pression qu'exerce l'homme sur l'environnement, par la mesure de l'épuisement du capital naturel qu'entraîne nos activités économiques. Il s'agit de la surface dont un individu a besoin pour produire les ressources qu’il consomme et absorber les déchets qu’il génère.

L’empreinte écologique est parfois exprimée en « nombre de planète terre » ce qui signifie qu’elle est exprimée relativement à la surface terrestre qu’il faudrait pour que l’écosystème terre arrive à reconstituer ses réserves et à absorber les déchets issus de leur consommation (biocapacité de la terre).

Quelles sont les sources et les défis de la croissance économique ?

"La terre ne suffit pas", Courrier International, 15 mai 2017

Le « jour du dépassement » est le moment de l'année où on a dépassé les biocapacités de la terre à reconstituer ses réserves et à absorber les déchets.

Quelles sont les sources et les défis de la croissance économique ?

Rappel : la distincion entre corrélation et causalité :

Une corrélation entre deux variables est la relation qui existe entre elles. Une corrélation est positive lorsque les deux variables tendent à évoluer systématiquement dans le même sens et au même rythme. Une corrélation est négative lorsque les deux variables tendent à évoluer systématiquement en sens opposé.

Il faut alors s’interroger pour savoir s’il existe une causalité (relation de cause à effet) entre les deux variables corrélées. Si oui, on doit analyser la corrélation pour connaître dans quel sens est la causalité (qu’est-ce qui cause quoi). Mais corrélation n’est pas nécessairement synonyme de causalité car il peut y avoir une troisième variable qui codétermine les deux autres.

Par exemple : la vente de motos augmente dans le même sens et au même rythme que la vente des trottinettes. Pourtant il n’y a pas de causalité entre ces deux variables. En fait il y a une troisième variable, la hausse des salaires, qui codétermine la vente des motos et des trottinettes. Dans ce cas, il y a corrélation sans causalité.

Quelles sont les sources et les défis de la croissance économique ?

Il existe une assez forte corrélation positive entre le PIB/hab., exprimé en PPA, et l’empreinte écologique, exprimée en hectares globaux/hab. Le PIB/hab. des États-Unis en 2012 est environ 1,25 fois plus élevé que celui de la France et son empreinte écologique par habitant est 1,6 fois plus élevée (8/5).

 

La croissance du niveau de vie de la population favorise aussi la hausse de son empreinte écologique. En effet, la hausse de la richesse d’une population s’accompagne de la modification de son mode de vie : hausse de la consommation de viande et de poisson, hausse de la quantité de déchets, hausse de l'équipement (en automobile ou en électroménager par exemple) hausse des surfaces utilisées à la construction d'habitations et d’infrastructures (scolaires, médicales ou culturelles), hausse des transports (liés par exemple au tourisme),etc, ce qui se traduit par une hausse de l'empreinte écologique. Par ailleurs la hausse de la production pour répondre aux besoins provoque de la pollution.

La production conduit au déréglement climatique car les activités de l’Homme pour produire dégagent des gaz à effet de serre comme le CO2 qui conduisent à réchauffer la planète. Ce réchauffement climatique provoque la montée des températures, l’élévation des océans, l’augmentation des précipitations et l’acidification des océans. Certains États insulaires (îles) pourraient disparaître, comme les Maldives : cela provoquerait des morts mais également une forte immigrations (on parle de réfugiés climatique).

Un autre aspect de ces atteintes à l'environnement est l'augmentation de la pollution de l'air, notamment en zones urbaines, et la dégradation de la qualité de l'eau (pollution chimique et bactériologique).

L'activité économique menace aussi la pérennité des biens communs. L’économie distingue les biens selon deux critères :

  •  L’exclusion : l’usage d’un bien peut être limité à ceux qui sont disposés à payer et il est possible d’exclure ceux qui refusent de payer ; il est non exclusif (ou non excluable) dans le cas contraire ;
  •  La rivalité : un bien est rival quand la personne qui l’utilise empêche une autre de l’utiliser. Il est non rival dans le cas contraire.

Les Biens communs sont les biens qui sont non excluables mais rivaux. Il n'est pas possible d'empêcher les individus de consommer/prélever ce bien par un mécanisme de prix mais leur consommation engendre une quantité ou une qualité moindre pour les autres. Confiés au marchés, ces biens sont surexploités. On appelle cela une défaillance de marché, c'est-à-dire que le marché ne parvient pas à allouer efficacement les ressources. Cette surexploitation des biens communs conduit à la « Tragédie des biens communs » : si on laisse les agents économiques agir rationnellement, ils prélèvent la ressource sans en laisser aux autre ou à un rythme plus rapide que le rythme de régénération ce qui conduit à la disparition de la ressource.

Rappel : la typologie des biens économiques.

 

Consommation rivale

Consommation non rivale

Consommation exclusive

Bien privé

Exemple : Stylo

Pas de défaillance

Bien de club

Exemple : Autoroute payante

Problème de saturation (embouteillages)

Consommation non-exclusive

Bien commun

Exemple : Ressources halieutiques (poissons)

Risque d’épuisement de la ressource

Bien collectif

Exemple : Climat

Risque de dégradation faute de gestion collective

 

La croissance économique est responsable de l’augmentation de la pollution et des risques d’épuisement du capital naturel. La surexploitation des ressources naturelles constitue une source d'inquiétude pour l'avenir : épuisement des gisements énergétiques et des réserves de minerai, ressources non renouvelables, mais aussi prélèvements excessifs sur les ressources renouvelables (ressources halieutiques des océans, déforestation…). A long terme, l'humanité se met elle-même en danger car elle fragilise et épuise ses facteurs de production (notamment la terre et le travail) et son écosystème.

 

Enfin, la pollution et le développement économique menace la survie des espèces vivantes, notamment de l'Homme.

B) Le progrès technique peut être une solution à une croissance soutenable grâce à l’innovation.

 

La croissance est soutenable si elle répond aux besoins des générations suivantes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins. La croissance soutenable n’implique pas un arrêt de la croissance économique. Au contraire, dans un monde aux ressources naturelles limitées, il cherche à rendre la croissance durable. Selon le rapport Brundtland, les objectifs du développement durable peuvent être atteints grâce au progrès technique et à l’intervention des pouvoirs publics.

Quelles sont les sources et les défis de la croissance économique ?

Afin de permettre une croissance soutenable, on peut faire confiance aux mécanismes de marché (concurrence entre les agents et efficacité du signal des prix). L’augmentation des prix de certaines ressources due à leur rareté croissante stimule la recherche et l’innovation. En effet, si un bien devient trop coûteux, comme le pétrole dans les années 70, les agents économiques ont intérêt à rechercher davantage de source de ce bien pour diminuer sa rareté, ou bien, à découvrir de nouvelle techniques qui permettent d’augmenter la productivité de cette ressource. La croissance et le bien-être peuvent se maintenir grâce au progrès technique mais également grâce aux produits de remplacement qui peuvent être rentabilisés par la hausse des prix des ressources non-renouvelable.

La substituabilité (action de replacer une chose - biens, services, capitaux - par une autre en maintenant le niveau de bien-être) des capitaux suppose que l’on puisse remplacer un type de capital par un autre. Ici, le capital naturel peut être remplacé par du capital physique, ce qui permet de maintenir une croissance soutenable et le bien-être de la population.

Pour les théoriciens de la soutenabilité « faible », le progrès technique peut permettre de remplacer le capital naturel. La sauvegarde du capital naturel ne doit pas être nécessairement une priorité. Par exemple, il est possible de remplacer les voitures qui roulent avec de l’essence par des voitures électriques. On peut également utiliser l’énergie solaire ou des éoliennes plutôt que du gaz pour chauffer sa maison ou cuisiner.  Les théoriciens de la « soutenabilité faible » estiment qu'il peut y avoir une substituabilité parfaite des différents types de capitaux.   Ainsi, ils définissent un capital comme étant un « ensemble de bien servant à produire d'autres biens » (Carl Menger, Principe d'économie politique, 1871). 

 La croissance économique n’est alors pas incompatible avec la préservation de l’environnement à condition de maintenir constant le stock de capital. La soutenabilité faible rend possible la substitution entre le capital naturel et le capital physique. La baisse du stock de capital naturel, via l’utilisation d’une ressource épuisable par exemple, peut être compensée par un accroissement du capital physique de la même valeur, ce qui permettra de garder le stock de capital constant. Les générations présentes consommeraient du capital naturel, et en contrepartie légueraient aux générations futures davantage des autres types de capitaux

C) Le progrès technique ne se traduit pas forcément par une préservation de l'environnement, et n'est pas forcément efficace économiquement.

 

L’effet rebond est l’augmentation de consommation liée à la réduction des limites liées à l’utilisation d’une technologie. Les économies d’énergie ou de ressources initialement prévues par l’utilisation d’une nouvelle technologie sont partiellement ou complètement compensées suite à une adaptation du comportement de la société.

L’effet rebond peut également être illustré par le développement de l’informatique, qui a augmenté la consommation de papier ; l’exploitation des gaz et pétrole de schiste, qui augmente la consommation d’énergies fossiles.

 

En observant la dynamique mondiale des émissions de gaz à effet de serre, on constate que les progrès dans l’efficacité énergétique et la décarbonisation de l’énergie consommée n’ont pas suffi à compenser la hausse de la consommation des biens produisant des gaz à effet de serre.

L’effet rebond est donc une limite à la thèse de la soutenabilité faible dans la mesure où il remet en cause l’idée que le progrès technique apporte les solutions aux problèmes environnementaux. Ainsi, on ne peut pas faire confiance dans le progrès technique pour permettre la soutenabilité de la croissance. L'homme n'a pour le moment pas la capacité technique de remplacer les services de la nature, par ailleurs cela sera sûrement plus coûteux et moins efficace.

Pour les économistes théoriciens de la soutenabilité forte, la croissance économique n’est aujourd'hui pas compatible avec la préservation de l’environnement. Le stock de capital naturel ne peut être substitué. Les écosystèmes, peuvent atteindre des situations (effets de seuil) qui s'exprime par leur effondrement soudain et difficile à prévoir, il faut donc préserver l'environnement pour préserver l'humanité. (exemple : déréglement climatique).

On peut puiser dans le stock de capital naturel seulement si :

- le taux de prélèvement des ressources naturelles renouvelables ne doit pas dépasser leur taux de régénération (prélever des poissons en laissant une population suffisante pour que les poissons se reproduisent).

- l'exploitation des ressources non renouvelables doit se faire à un rythme égal à leur substitution par des ressources renouvelables (on peut prélever aujourd'hui du pétrole si on trouve un moyen de substitution, respectueux de l'environnement, permettant un jour de se passer du pétrole).

- le taux d'émission de polluants ne doit pas dépasser les capacités d'assimilation naturelles.

En l'absence de progrès technique capable de remplacer le capital naturel il faut préserver le capital naturel pour en léguer aux générations futures. Dans cette approche, la notion de développement durable est, dans la situation actuelle, une antithèse : pour être durable, notre mode de production et de consommation, donc notre développement, doit diminuer car la croissance économique a actuellement atteint gravement le capital naturel. Il est nécessaire de permettre au pays les moins développés d'améliorer leurs conditions de vie et, dans les pays développés, de diminuer leur niveau de consommation et de production s’ils restent autant polluant. Cependant, certains secteurs comme l'éducation, l'art, la santé, peu polluants, peuvent continuer à ce développer. On note que seul cette approche est totalement en accord avec la définition de développement durable du rapport Bruntland.

Publié dans Terminale ES

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