Quels sont les processus sociaux qui conduisent à la déviance ?

Publié le par Collectif

Spécialité sciences économiques et sociales SES en classe de première.

 

Comment se construisent et évoluent les liens sociaux ?

 

Objectifs :

- Comprendre la distinction entre normes sociales et normes juridiques, et connaître la diversité des formes de contrôle social.

- Comprendre que la déviance et/ou la désignation d’un acte comme déviant se définissent comme une transgression des normes et qu’elles revêtent des formes variées selon les sociétés et, en leur sein, selon les groupes sociaux.

- Comprendre que la déviance peut s’analyser comme le produit de différents processus sociaux (étiquetage, stigmatisation, carrières déviantes).

- Comprendre et illustrer la distinction entre déviance et délinquance.

- Comprendre et illustrer les difficultés de mesure de la délinquance.

 

Notions à connaître : Normes sociales / normes juridiques, Contrôle social formel / informel, Déviance, Groupes sociaux, Étiquetage, Stigmatisation, Carrière déviantes, Délinquance, Chiffre noir de la délinquance, Enquête de victimisation.

 

Questionnements du chapitre :

  • Quels sont les différents types de normes et les moyens pour les appliquer ?

  • Qu'est-ce qu'être déviant ?

  • Est-ce que tout le monde a la même définition d’un acte déviant ?

  • La délinquance et la déviance sont-elle la même chose ?

  • Comment est mesuré la délinquance ?

 

Suite logique du chapitre sur la socialisation : la socialisation est la transmission des normes et des valeurs permettant au individus de s’insérer dans des groupes sociaux. La déviance sera justement définie comme la transgression de ces normes et valeurs.

I] La déviance est une transgression des normes.

A) Les normes sociales et les normes juridiques.

Les normes sont des règles propre à un groupe ou à une société, apprise et partagée, et dont la transgression peut entraîner une sanction. Les normes sociales sont les règles qui se fondent sur les valeurs de la société ou du groupe. Les normes juridiques sont les règles qui reposent sur les loirs, règlements, codes explicites et institutionnels.

Les normes sociales, dans le grande majorité, ne font pas l’objet de normes juridiques : ne pas mettre ses doigts dans le nez, ne pas doubler lorsque l’on fait la queue, se laver plusieurs fois dans la semaine etc. Parfois, les mœurs ne sont pas en accord avec la loi : par exemple la fessée est interdite par la loi, jusqu’en 2013 la loi interdisait le port du pantalon aux femmes alors que les mœurs l’autorisaient depuis longtemps.

B) Contrôle formel et informel.

Le contrôle social est l’ensemble de moyens dont dispose une société, une collectivité pour amener ses membres à adopter des conduites conformes aux règles prescrites, aux comportements attendus. On distingue :

  • Le contrôle social formel : il est exercé par des groupes sociaux et des institutions spécifiques (police, justice…). Il se réalise par l’application de sanctions qui peuvent être juridiques (amende, peine de prison…), morales (blâme), religieuses (excommunication)…

  • Le contrôle social informel est exercé par les individus au cours de leurs interactions quotidiennes et se réalise notamment au cours de la socialisation par des sanctions positives (un sourire pour approuver un signe de politesse) ou négatives (une remarque pour désapprouver un comportement impoli).

Le contrôle social passe par des sanctions négatives (amendes, blâme, moquerie), lors du non respect d’une norme, et positives (médaille, sourire, cadeau), lorsque la norme est suivi.

Dans les sociétés traditionnelles, marquées par la force des relations communautaires, le contrôle social était davantage informel et exercé par l’entourage. Les sanctions formelles plus violentes (châtiments corporels, peine de mort) visaient à marquer les esprits et renforcer la cohésion du groupe. Le contrôle social, dans les sociétés modernes, fait davantage appel aux institutions spécialisées (police, justice). Enfin, La surveillance et le contrôle des individus se développent aujourd'hui grâce à l’usage des nouvelles technologies, au risque de réduire les libertés publiques et individuelles.

C) La déviance est une transgression des normes.

 

La déviance c’est le non respect d’une norme sociale ou juridique qui est sanctionné. Il faut deux critères : la transgression de la norme et la sanction. Le caractère déviant d’un acte varie selon les pays, le temps et les groupes sociaux. La déviance est donc une notion relative.

Par exemple l'avortement est aujourd’hui autorisée en France, mais ne l’était pas 1975. L’avortement est illégal en Irlande (sauf si il permet de sauver la vie de la femme), ou autorisé seulement en cas de viol ou de menace sur la santé de la femme en Pologne. L'homosexualité est interdit en Iran (sauf si l'on change de sexe). Conduire une voiture est interdit pour une femme en Arabie Saoudite. La consommation d’alcool peut être valorisée chez les étudiants. Mais dans la même classe d’âge, elle peut être mal perçu (par exemples pour les croyants respectant cette interdiction). Un groupe social désigne un ensemble d’individus qui ont le sentiment de faire partie de ce groupe et qui sont reconnus extérieurement comme membre de ce groupe.

Isabelle Wacquet (dir), Sciences économiques et sociales, Magnard, 2019

Isabelle Wacquet (dir), Sciences économiques et sociales, Magnard, 2019

II] La déviance est le produit de plusieurs processus sociaux.

 

A) Les processus d’étiquetage.

 

Chez Becker, la déviance est relative : cela suppose que l'individu soit étiqueté comme tel du fait de l’application par la société d’une norme. Par exemples avant 1937, fumer de la marijuana n’est pas interdit par la loi et c’est une pratique socialement acceptée (notamment dans les classes supérieures qui la considèrent comme un signe de distinction). Puis, les agents du Bureau of Narcotics fournissent des informations à la presse de façon à ce que la marijuana soit considérée comme un problème social et entre dans le débat public. La consommation de marijuana est alors pénalisé. C’est désormais déviant de consommer de la marijuana.

Ce sont les « entrepreneurs de morale », c’est-à-dire les acteurs qui se mobilisent pour qu'une activité donnée soit catégorisée socialement comme déviante, qui en contribuant à produire la norme créaient la déviance. La théorie de l’« étiquetage » montre que certains groupes, en instituant des normes, identifient des pratiques comme déviantes. On dit qu’is « étiquettent » des actes et des individus déviants. On peut prendre en France l’exemple de la fessée, ou de la consommation d’alcool au volant.

Un déviant n’est donc pas celui qui transgresse une norme, mais celui auquel cette étiquette est appliquée avec succès. Ceci explique que les groupes sociaux soient inégalement représentés dans les statistiques de la délinquance : certains ont réussi à rendre légitime leurs normes sociales alors que d’autres ne parviennent pas à masquer leurs transgressions des normes dominantes.

 

B) Les processus de stigmatisation.

 

Pour E. Goffman (1922-1982), le stigmate désigne un attribut qui jette un discrédit sur celui qui le possède comme des attributs corporels, des traits particuliers de caractères, des caractéristiques sociales ou tribales (position dans la hiérarchie sociale, scarifications). La stigmatisation : processus de construction sociale du stigmate lors des relations entre les individus porteurs de cet attribut (les « discrédités » ou « discréditables »), et les autres (les « normaux »). Par exemple, si l’obésité est un stigmate, celui-ci résulte moins de la caractéristique objective (avoir une surcharge pondérale) que du regard des personnes de « poids normale » et du rapport social qui en résulte (compassion, moquerie…). Cette relation est le résultat d’une tension entre l’identité sociale réelle du stigmatisé (être en surcharge pondérale) et son identité sociale virtuelle (rôle attendu par la société : lenteur déplacement, peu de sport, forte consommation de nourriture). Le stigmate peut aboutir à adopter des comportements par rapport à ce que l'on attend de nous.

C) Les processus de socialisation à la déviance : la déviance comme carrière.

La carrière déviante c’est lorsque que les déviants peuvent entrer dans une carrière déviante ; ils transgressent une norme, répètent cette transgression, sont étiquetés comme déviant par la société et adoptent les manières de faire et d’être du groupe déviant. Par exemple, l’apprentissage du vol dans les poches des individus, le commerce de drogue. La carrière déviante suppose un réel engagement de l’individu dans la carrière, un apprentissage et l’intériorisation des normes et valeur du groupe déviant. Par ailleurs, il peut y avoir une sortie de carrière.

III] La délinquance est une forme particulière de déviance dont la mesure fait débat.

La délinquance c'est une forme particulière de déviance : lorsque les normes transgressées sont des normes juridiques.

 

A) Les chiffres noirs de la délinquance.

 

Pour être considéré comme de la délinquance, il faut que l'infraction soit constaté par la police ou donne lieu à une plainte. Les statistiques policières donnent les infractions connues par les autorités tandis que les statistiques judiciaires donnent les condamnations qui découlent des procédures pénales. Le nombre d'acte délinquant connu dépend donc des déclarations par les victimes, ainsi que de leur enregistrement par la police (distinction plainte / mains courantes), voire des condamnations.

Les chiffres noirs de la délinquance désignent la différence entre la délinquance "réelle" et sa mesure par les services de police et de justice. Le chiffre « réel » de la délinquance ne pourra jamais être connu puisque de très nombreux actes qui transgressent la loi ne sont connus que de leurs auteurs (ces faits ne sont pas constatés par les services de police, donc pas comptabilisés). Par construction, les statistiques judiciaires comptent les actes de délinquance reconnus comme tels par la société et non la délinquance « réelle ».

Les statistiques judiciaires sont le résultat de processus sociaux qui désignent les individus comme délinquants. Elles nous renseignent moins sur les motifs qui amènent un individu à transgresser la norme que sur les raisons qui amènent la police ou le système judiciaire à l’étiqueter comme délinquant. Le fait qu’un groupe discriminé compte proportionnellement plus de délinquants peut signifier soit que ses membres transgressent plus souvent la norme, soit qu’ils sont plus souvent arrêtés et condamnés. Inversement, la « délinquance en col blanc » est souvent moins sévèrement combattue et jugée que la « délinquance en col bleu » alors que les sommes en jeu sont très importantes (ex : Jérôme Kerviel condamné à 5 ans de prison dont 2 avec sursis)

B) Les enquêtes de victimation, une autre façon de comptabiliser la délinquance.

 

Les enquêtes de victimation sont construite à partir d’un échantillon représentatif de la population. On demande aux enquêtés de déclarer s’ils ont été victimes d’actes de délinquance dans l’année écoulée et de combien d’actes ils ont été victimes. Cela permet d’éviter les biais de sous-déclaration à la police.

Quels sont les processus sociaux qui conduisent à la déviance ?

On remarque que le dépôt de plainte fort pour les vols de voiture, très faibles pour les violences sexuelles et conjugales. Les enquêtes de victimation corrigent les données administratives et leur traitement médiatique sur l'évolution de certains actes délinquants. Par exemples, du fait du faible dépôt de plainte, il y a une sous-estimation des violences domestiques et sexuelles ou des vols de vélo.

Par exemples, les données policières sur les vols sont confirmées par les enquêtes de victimation. En revanche, les données sur les atteintes aux personnes ne sont pas totalement confirmées. Au moment de l'enquête de victimation les personnes ne déclarent pas beaucoup plus d'actes violents qu'avant alors que les statistiques policières enregistrent une forte augmentation. Comment expliquer cette contradiction ? Ces actes de violence, qui sont souvent intrafamiliaux ou entre personnes qui se connaissent, se déclaraient beaucoup moins auparavant. De nos jours, les personnes hésitent moins à porter plainte contre de tels actes (attouchements sexuels, actes pédophiles, viols...) ce qui fait croire qu'ils sont plus nombreux car ils sont davantage comptabilisés. En réalité, ces statistiques policières ne font qu'enregistrer la judiciarisation de ces actes qui est due, en partie, à un renforcement de la législation (le viol entre mari et femme n'existait pas jusqu'à une période récente par exemple).

Publié dans Première ES

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