Comment expliquer l'engagement politique dans les sociétés démocratiques?
Spécialité Sciences Économiques et Sociales SES en classe de terminale.
Comment expliquer l'engagement politique dans les sociétés démocratiques ?
Objectifs :
→ Comprendre que l’engagement politique prend des formes variées (vote, militantisme, engagement associatif, consommation engagée).
→ Comprendre pourquoi, malgré le paradoxe de l’action collective, les individus s’engagent (incitations sélectives, rétributions symboliques, structure des opportunités politiques).
→ Comprendre que l’engagement politique dépend notamment de variables sociodémographiques (catégorie socioprofessionnelle, diplôme, âge et génération, sexe).
→ Comprendre la diversité et les transformations des objets de l’action collective (conflits du travail, nouveaux enjeux de mobilisation, luttes minoritaires), des acteurs (partis politiques, syndicats, associations, groupements) et de leurs répertoires.
Notions à connaître: engagement politique; vote; militantisme; engagement associatif; La consommation engagée (boycott; buycott); participation politique (conventionnelle et non conventionnelle); action collective; grève; syndicat; institutionnalisation des conflits du travail; conflits du travail; répertoire d'action politique; nouveaux mouvements sociaux (NMS); passage d’une société matérialiste à une société post-matérialiste; luttes minoritaires; paradoxe de l’action collective; passagers clandestins; incitations sélectives; rétributions symboliques; structure des opportunités politiques
Qu’est-ce qu’un homme révolté ? Un homme qui dit non. Mais s’il refuse, il ne renonce pas : c’est aussi un homme qui dit oui, dès son premier mouvement. […] Si confusément que ce soit, une prise de conscience naît du mouvement de révolte, la perception, soudain éclatante, qu’il y a dans l’homme quelque chose à quoi l’homme peut s’identifier, fût-ce pour un temps.
I] Comment l’engagement politique et l’action collective ont-ils évolué
A) L'engagement politique prend des formes variées
L’engagement politique correspond à l’ensemble des formes d’activité politique que les individus peuvent réaliser pour exercer une influence sur les détenteurs du pouvoir politique (des activités les moins intenses comme s’inscrire sur les listes électorales aux activités les plus intenses comme militer dans un parti politique). Cet engagement politique peut revêtir différentes formes, et ne se résume donc pas à la question du vote, c’est-à-dire la participation aux élections et à la prise de décision collective. Malgré l’augmentation de l’abstention, cette forme de participation conventionnelle et ritualisée apparaît toujours aux yeux des individus comme l’action la plus efficace pour influencer les décisions prises. Ainsi, d’après le CREDOC en 2017, 40% des français considèrent encore que voter à une élection est la forme de participation la « plus efficace pour contribuer à ce que les choses bougent ».
Si dans les démocraties l’engagement politique passe par le vote, il ne s’y réduit pas et peut se manifester par du militantisme, un engagement associatif ou par la consommation engagée. Dès lors que ces activités s’inscrivent dans une logique de défense d’une cause, d’expression d’une revendication politique, elles constituent des formes d’engagement politique qui peuvent passer par des formes d’actions collectives. L’engagement politique est ainsi souvent associé au militantisme, c’est-à-dire à un engagement dans un collectif comme un parti politique, un syndicat, une association ou un mouvement social qui va au-delà de la simple adhésion et se caractérise par la participation aux actions menées. Les militants politiques vont donc s’engager en participant à des réunions et aux différentes actions menées par des partis, des syndicats, des associations ou des groupements, qu’elles prennent la forme de distribution de tracts, de collage d’affiches, de manifestations ou de toutes autres actions collectives (occupations, blocages, …)
Comme le montre le militantisme, l’engagement politique passe donc aussi par l’engagement associatif, c’est-à-dire par la participation active à la vie d’une association. Cet engagement répandu en France (41% des français adhèrent à une association) prend lui aussi des formes diverses : 6% des français étaient membres d’un syndicat en 2018, 4% d’une association environnementale, 8% d’une association humanitaire. Attention, tout engagement associatif n’est pas nécessairement un engagement politique.
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Face à l'inertie du politique, l'engagement associatif ? du 21 décembre 2015 - France Inter
Face à l'inertie du politique, l'engagement associatif ? du 21 décembre 2015 par en replay sur France Inter. Retrouvez l'émission en réécoute gratuite et abonnez-vous au podcast !
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L’engagement politique peut enfin se faire à travers des actions collectives ou individualisées de consommation engagée. La consommation engagée renvoie à l’idée que nos choix peuvent aller au-delà de nos désirs, nos envies, pour prendre en compte des objectifs collectifs. La consommation devient alors raisonnée par des principes éthiques, sociaux ou politiques et non plus seulement en vertu des intérêts individuels. C’est le cas lorsque des individus ou des groupes vont refuser d’acheter (boycott) ou au contraire privilégier (buycott) un produit pour des raisons éthiques ou morales. On peut bien entendu prendre l’exemple de l’alimentation biologique, mais aussi de la mode éthique ou du Made In France. La consommation engagée permet alors aux citoyens d’exprimer des positions politiques à travers leurs choix marchands ou par leur mode de vie.
B) L'évolution des conflits sociaux du travail.
1. L'évolution des conflits du travail : vers la fin des conflits du travail ?
Les Journées Individuelles Non Travaillées (JINT) sont l’ensemble du temps de travail non effectué par les salariés impliqués dans des grèves et sont exprimées en jours. Par exemple, si dans une entreprise, 25 salariés font la grève durant 3 jours on obtient 75 JINT (25x3).
Sur la période 1975 à 2017 on peut voir une nette diminution des journées individuelles non travaillées, c’est-à-dire du nombre de journée où un travailleur était en grève. Le droit de grève est un droit reconnu à tout salarié dans l’entreprise. La grève est définie comme étant la cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles. Elle entraîne une retenue sur le salaire. Il existe d’autres types de grève :
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Le débrayage est une grève de moins d’une journée.
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La grève perlée est un ralentissement volontaire du rythme de travail (elle est théoriquement illicite)
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La grève du zèle n’est pas une grève : elle consiste à appliquer scrupuleusement toutes les règles de façon à ralentir le rythme de travail.
En 1976, l’inspection du travail a comptabilisé au total 4 000 journées individuelles non travaillées pour 1 000 salariés mais seulement 71 en 2017. Globalement, depuis les années 2010 le nombre de journée non travaillées oscille entre 60 et 160 pour 1000 salariés et s'est donc stabilisé. Cependant, le conflit avec arrêt de travail (JINT) n’est pas la seule façon de se mobiliser. Il existe des conflits sans arrêt de travail : grève perlée, grève du zèle, pétition, refus d'heures supplémentaires, etc. Il existe donc une diversité des formes d'action collective permettant aux travailleurs d'exprimer leurs mécontentements. Ainsi, sur la période 1998 à 2016 il y a des formes de conflits qui reculent (grèves de moins ou de plus de 2 jours par exemple) et des formes de conflits qui progressent (augmentation du refus des heures supplémentaires et manifestation par exemple).
Il semble donc complexe de parler d'une fin des conflits au travail : avec la baisse du nombre de JINT, on peut penser que la conflictualité dans le monde du travail s’affaiblit. Il faut néanmoins nuancer ce constat car de nouvelles formes d’action collective se développent et notamment celles sans arrêt de travail. L'action collective est le fait qu'un ensemble d’acteurs sociaux se rassemblent afin d’atteindre des objectifs communs, en protestant et/ou en revendiquant. La grève n’est donc plus le mode d’action privilégié pour contester.
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En 2022, 2,4 % des entreprises de 10 salariés ou plus du secteur privé non agricole (employant 25 % des salariés de ce champ) connaissent un ou plusieurs arrêts collectifs de travail. Cette ...
https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/les-greves-en-2022
Un répertoire d'action politique est un ensemble de moyens d’action connus et utilisables par les individus dans le cadre de leur participation politique au sein d’une société donnée à une époque donnée en prenant en considération tant les comportements individuels que collectifs qui permettent aux individus de s'exprimer politiquement.
2. Le rôle traditionnel des syndicats dans les conflits du travail.
Un syndicat est une association de travailleurs ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts matériels et symboliques des salariés. La fonction originelle des syndicats est d’organiser les grèves, mais ce n’est pas la seule. Ils doivent également :
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aider individuellement les travailleurs contre les sanctions et les incidents de la vie quotidienne au travail.
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Participer aux "négociations collectives" à plusieurs niveaux : l’entreprise, la région, la branche.
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Participer à des institutions : gestion des caisses de la protection sociale et représentation aux prud’hommes aux côtés des organisations d’employeurs par exemple.
Le taux de syndicalisation diminue depuis la fin des années 1970. 20 % des salariés sont syndiqués dans les années 1970 contre 10,1 % en 2019. Au niveau international, la France affiche un taux de syndicalisation parmi les plus faibles. Ce recul du syndicalisme s’explique par les effets des changements dans l'emploi depuis les années 1970 : disparition des grands bastions industriels (par exemple les mines du Nord de la France), tertiarisation de l’emploi, poids du chômage de la précarité qui rend difficile l’association des travailleurs, effritement des identités collectives (conscience de classe), etc. De plus, certaines lois favorisent le recul du syndicalisme : loi de 1996 donnant possibilité pour des élus ne faisant pas partie des syndicats de négocier au niveau des entreprises ; loi de 1998 créant le statut de « salarié mandaté » : les entreprises dépourvues de représentants syndicaux peuvent participer à la négociation par l’intermédiaire d’un salarié de l’entreprise auquel on a donné un mandat pour négocier, pour une durée déterminée.
Historiquement les conflits du travail, c’est-à-dire les désaccords entre employeurs et salariés, ont été au cœur des actions de protestation politique et de l’engagement militant des individus. Un conflit social correspond à la manifestation d’un antagonisme, d’une opposition entre des groupes sociaux qui veulent modifier le rapport de force en leur faveur afin d'obtenir des avantages matériels ou symboliques. Le mouvement ouvrier traditionnel, et les conflits du travail dont il était porteur, était adossé aux syndicats et à des partis politiques (notamment le parti communiste). Dans la deuxième moitié du XIXe siècle et tout au long du XXe siècle, les syndicats et le mouvement ouvrier ont en effet lutté pour améliorer les relations et les conditions de travail (réduction du nombre d’heures de travail, augmentation des salaires, stabilité des contrats, etc.). Le déclin relatif des conflits du travail s’explique en partie par le déclin du taux de syndicalisation. De même les partis politiques, acteurs traditionnels de l’engagement politique, ont tendance à perdre de l’importance : leur nombre d’adhérents baisse et on observe plus de volatilité électorale (cf : chapitre de première sur le vote). Ce déclin est lié à la précarisation des emplois, mais aussi à l’individualisation de la relation salariale qui rendent plus difficile l’action collective.
Un répertoire d'action politique est un ensemble de moyens d’action connus et utilisables par les individus dans le cadre de leur participation politique au sein d’une société donnée à une époque donnée en prenant en considération tant les comportements individuels que collectifs qui permettent aux individus de s'exprimer politiquement.
C. L'apparition des nouveaux mouvements sociaux : une diversification des enjeux, des formes et des acteurs des conflits sociaux.
La sociologie des mobilisations sociales, suites aux apports du sociologue Alain Touraine, distingue l’ancien mouvement social des nouveaux mouvements sociaux. Les anciens mouvements sociaux étaient plutôt centrés sur des enjeux matériels (partage des richesses, de la valeur ajourée entre travailleurs et capitalistes), les acteurs étaient principalement les travailleurs, les syndicats vs les employeurs et les organisations patronales. Les actions collectives prenaient principalement la forme de grève, manifestation et occupation du lieu de travail. Cependant, les « anciens » mouvements sociaux ont aussi recours à des formes de mobilisation spectaculaires (séquestration des employeurs, menace de faire exploser l'usine etc.) dans le but d'attirer les médias mais ce n'est pas le mode d'action collective dominante. C'était un mouvement social très dynamique dans la société industrielle, qui conteste l’ordre capitaliste.
Les nouveaux mouvements sociaux s’appuient plutôt sur des revendications post-matérielles : revendications identitaires (mouvement régionaliste, mouvement gay), égalitaires (mouvement féministe, anti-racisme), culturelles (anti-société de consommation) écologiques (anti-nucléaire, vélorution etc.). On trouve une diversité d'acteurs : régionalistes, associations de malades, féministes, mouvements étudiants, lycées, mouvement des « sans » (sans-papiers, sans-domicile, sans-emploi…) : les revendications ne sont pas liées au monde du travail et à la répartition des richesses mais à l’autonomie, à la liberté individuelle et à des identités distinctes des identités de classe.
La forme de l'action collective est très diversifiée et souvent spectaculaire : le but est de produire un écho médiatique (qui peut permettre de compenser un faible nombre de participant) : occupation de lieu public, de journaux télévisés, saccage d'un Macdonald, couverture de l'Obélisque de la Concorde par un préservatif (Act-up contre le Sida) mais aussi manifestation. Le développement des nouveaux mouvements sociaux s’explique par le passage d’une société matérialiste à une société post-matérialiste (R. Inglehart) : la satisfaction des besoins matériels de base (besoins primaires) grâce à la croissance économique permet un changement des revendications de la population. Cela traduit l’émergence de valeurs post-matérialistes (comme l'épanouissement personnel, la réalisation de soi, la liberté, la qualité de vie , etc.) qui seraient désormais à l’origine des mobilisations sociales.
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Vidéo. Qui sont Les Soulèvements de la Terre, collectif que veut dissoudre Gérald Darmanin ?
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Les associations et les groupements plus informels (coordinations, collectifs) vont jouer un rôle majeur dans le développement des nouveaux mouvements sociaux et l’émergence de nouvelles revendications. Les revendications féministes, écologistes vont à l’origine être portées par des collectifs informels qui s’institutionnalisent en associations au fil du temps. Les acteurs qui participent aux nouveaux mouvement sociaux sont en partie différents des acteurs du mouvement ouvrier traditionnel : des jeunes et des étudiants, mais aussi des salariés issus des classes moyennes diplômés et pas seulement par des salariés issus du monde ouvrier.
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Ces nouveaux enjeux de mobilisation ont aussi fait émerger des luttes minoritaires, c’est-à-dire des luttes menées par des minorités politiques. On parle de minorité en sociologie pour désigner un groupe de personnes qui, à un moment donné, sont dans une position de domination dans la société et subissent un traitement inégal et différencié (ils font donc l’objet d’une discrimination). On peut donc parler de lutte minoritaire aussi bien à propos des luttes féministes, les femmes étant une minorité au sens sociologique, que des luttes menées par les mouvements homosexuels ou par les minorités ethniques et raciales. C’est le cas par exemple du mouvement « Black Lives Matter » aux États-Unis qui cherche à lutter contre le racisme structurel et institutionnel qui continue d’exister aux États-Unis.
Il semble nécessaire de nuancer son propos quand on parle des nouveaux mouvements sociaux, on fait comme si les « anciens » mouvements ouvriers n’avaient pas de dimension identitaire et n’étaient que « bassement » matériels ; ce qui est faux. L’Histoire du travail est lié à l’histoire du statut et de l’identité de l’ouvrier puis du salarié en général, de la reconnaissance du travail et de cette contribution à la société (qui passe aussi par une reconnaissance en terme de revenu). Quand on parle des nouveaux mouvements sociaux, on oublie qu'ils portent aussi sur des questions matérielles. Par exemple, les mouvements féministes militent aussi pour des enjeux de salaires. Enfin, les conflits du travail n’ont pas disparu.
Certains auteurs, à la suite des travaux de Charles Tilly, ont avancé, en écho au développement des mouvements altermondialistes à la fin du XXe siècle, l’apparition d’un troisième répertoire d’action, plus transnational, comme par exemple celui de BLM qui n'est pas un mouvement national mais bien transnational.
II] Quels sont les facteurs explicatifs de l’engagement politique et de l’action collective ?
A) L’engagement politique et l’action collective s’expliquent par des facteurs contextuels
1. Le paradoxe de l’action collective explique qu’il est parfois peu rentable de s’engager politiquement.
En 1966 dans la Logique de l’action collective, l’économiste Mancur Olson met en évidence le paradoxe de l’action collective. Le paradoxe de l’action collective repose sur l’idée que les individus rationnels vont s’engager dans une action collective uniquement si les gains individuels qu’ils peuvent en tirer sont supérieurs aux coûts individuels. Mancur Olson établi la théorie selon laquelle il est individuellement irrationnel de participer à une action collective. En effet, les coûts liés à la participation (en termes financiers, mais aussi de temps passer à participer et à s’informer) sont individuels alors que les gains sont collectifs et que l’effet de la participation individuelle sur le succès ou l’échec de la mobilisation est négligeable. De ce fait, toute action collective est confrontée au problème des passagers clandestins. Le passager clandestin est celui qui veut bénéficier des gains de l'action collective sans en supporter les coûts. Si tout le monde adopte une position de passager clandestin, l’effet pervers est alors que l’action n’aura pas lieu et que personne ne pourra bénéficier des gains.
2. Néanmoins, l’engagement politique peut aussi être accompagné de certains avantages qui expliquent la participation aux actions collectives.
Les incitations sélectives et les rétributions symboliques permettent d’expliquer l’engagement des individus. Pour résoudre le paradoxe, Mancur Olson met en évidence l’effet de la taille du groupe (il est plus facile d’adopter un comportement de passager clandestin dans un groupe de grande taille). L’engagement peut également correspondre à des gains pour les individus : ceux qui participent à une action collective peuvent être récompensés de manière matérielle, c’est ce que Olson appel les incitations sélectives. Les incitations sélectives désignent tous les mécanismes mis en place par le groupe qui se mobilise pour pousser les individus à se mobiliser et empêcher les comportements de passager clandestin. Ces incitations peuvent être positives, lorsqu’il s’agit de procurer aux membres du groupe ou à ceux qui se mobilisent des avantages particuliers (soutien juridique ou caisse de grève proposée par les syndicats par exemple), ou négatives lorsqu’il s’agit au contraire de sanctionner ou de contraindre les individus qui ne se mobilisent pas. Le cas le plus clair est le système dit du closed-shop, longtemps pratiqué en France par le syndicat du livre CGT ou celui des dockers : l’embauche est conditionnée par l’adhésion à l’organisation, ce qui élimine tout passager clandestin. Le piquet de grève ou le blocage peut également exercer une contrainte ou une pression sur les non-grèvistes.
En France, le politiste Daniel Gaxie montrera que loin de se limiter à des incitations matérielles, le militantisme et l’engagement procurent aussi des rétributions symboliques. Les rétributions symboliques désignent toute les formes de récompenses non matérielles, et pas nécessairement recherchées en tant que telles, que procure l’engagement politique. Elles permettent ainsi de prendre en compte toutes les satisfactions, les gratifications, les bénéfices que procure l’engagement militant, qu’il s’agisse d’un sentiment d’utilité, d’une mise en valeur de soi ou des liens amicaux ou affectifs qui se créent dans l’engagement. On peut penser par exemple aux rencontres amicales ou amoureuses qui peuvent se produire dans le militantisme mais aussi au sentiment d’utilité que procure le fait de défendre les droits des plus précaires ou des personnes sans domicile.
L’engagement des individus et l’action collective sont aussi dépendants de la structure des opportunités politiques. La structure des opportunités politiques désigne l’environnement et les conditions politiques qui permettent à l’engagement et la mobilisation de se développer plus ou moins facilement. L’environnement politique au sens large (nature du pouvoir, accès aux décisions politiques, opinion publique…) peut parfois favoriser l’engagement politique ou, au contraire, le rendre plus difficile.
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La crise du contrat première embauche (CPE) - Lumni | Enseignement
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B) Ils s ‘expliquent aussi par des facteurs sociodémographiques
1. L’engagement politique dépend du niveau de diplôme et de la catégorie socioprofessionnelle des individus
L’engagement politique dépend du niveau de diplôme et de la catégorie socioprofessionnelle des individus. Les sociologues mettent, en effet, en évidence que l’intérêt pour la politique et l’engagement qui en découle est socialement situé et que ce sont les catégories les plus favorisés et les plus diplômes qui s’engagent le plus. Que cela soit dans l’engagement associatif, dans le militantisme syndical ou dans les partis, on observe une surreprésentation des cadres et des plus diplômés. Ainsi, en 2017 76% des députés sont des cadres ou des catégories supérieures pour seulement 4,6% de députés employés et 0% d’ouvriers. De la même façon, alors que seulement 13% des sans diplôme sont syndiqués, 46,2 % des personnes diplômés du supérieur le sont.
En France, Daniel Gaxie va montrer en 1978 dans le Cens caché que la participation et l’intérêt pour la politique sont largement influencés par le niveau de compétence politique des individus qui dépendait lui-même de la catégorie sociale et du diplôme. Avant 1848 et l'instauration du suffrage universel masculin, en France le suffrage était censitaire : le droit de vote était conditionné par le niveau de richesse, seuls pouvaient voter ceux qui payent le cens (l'impôt). Aujourd’hui, il existe un cens caché dans la mesure où il y a un accès inégal à la compréhension de la chose publique : certains individus s'auto-excluent de la participation politique, car ils s'estiment incompétents, ils ne se sentent pas autorisés à émettre une opinion politique. L’engagement politique est donc lié à un sentiment de compétence politique : les personnes qui s’intéressent le plus à la politique et qui se jugent compétents pour exprimer leurs opinions politiques sont celles qui votent le plus. Les individus les plus diplômés et issus des catégories sociales supérieures vont davantage s’engager, manifester de l’intérêt pour la politique que les moins diplômés ou les catégories sociales populaires.
2. L’engagement politique dépend de l’âge et de la génération à laquelle l’individu appartient
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De même, l’engagement politique varie aussi en fonction de l’âge et de la génération. Alors que l’âge situe un individu en fonction du nombre d’année depuis sa naissance, la notion de génération renvoie à l’appartenance de l’individu à un groupe né au même moment et qui a vécu à la même période historique. Les jeunes générations n’ont ainsi pas été socialisées dans la même période que les générations précédentes : Elles ont grandi dans une période de montée de l’abstention, une période où les partis et les syndicats sont affaiblis. Le vote est ainsi davantage pratiqué par les générations plus âgées alors qu’à l’inverse les plus jeunes vont davantage valoriser et mobiliser des formes d’engagement et de participation politique plus contestataires.
3. L’engagement politique dépend aussi du sexe/genre des individus
Le genre enfin influence l’engagement politique, les hommes étant plus présents et plus représentés dans les activités politiques que les femmes. Les hommes vont davantage s’engager dans le militantisme, dans la contestation et l’action collective. On va observer davantage d’hommes dans les syndicats ou parmi les élus et le personnel politique. Cela s’explique largement par une socialisation politique différente entre les sexes mais aussi par une division sexuée du travail domestique et du travail militant qui laisse davantage de « disponibilités biographiques » aux hommes. Ceux-ci vont disposer de plus de temps pour s’engager, ils ont moins de contraintes familiales ou domestiques (la charge des enfants étant encore inégalement répartie dans la société entre hommes et femmes). Par exemple, les organisations syndicales ont un mode de fonctionnement peu adapté à la gestion d’une famille avec des réunions très tardive. Être militante reviendrait alors a avoir une triple journée (travail, domestique et militantisme). L’autre frein est la précarité puisque les femmes ouvrières subissent davantage le temps partiel et ont des revenus plus faibles, qui peut les empêcher d’avoir un engagement politique.