Quelles politiques économiques dans le cadre européen ?

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Spécialité Sciences Économiques et Sociales SES en classe de terminale.

Quelles politiques économiques dans le cadre européen ?

Objectifs :

Connaître les grandes caractéristiques de l’intégration européenne (marché unique et zone euro) ; comprendre les effets du marché unique sur la croissance.

Comprendre les objectifs, les modalités et les limites de la politique européenne de la concurrence.

Comprendre comment la politique monétaire et la politique budgétaire agissent sur la conjoncture.

Savoir que la politique monétaire dans la zone euro, conduite de façon indépendante par la Banque centrale européenne, est unique alors que la politique budgétaire est du ressort de chaque pays membre mais contrainte par les traités européens ; comprendre les difficultés soulevées par cette situation (défaut de coordination, chocs asymétriques).

Acquis de seconde et de première : banque centrale, politique monétaire, concurrence pure et parfaite.

Notions à connaître :Intégration européenne; marché unique/Marché commun; Union économique et monétaire (zone euro); Traités européens; politique européenne de la concurrence; Politique économique; Politique conjoncturelle; politique budgétaire; politique monétaire; Euro; Banque centrale européenne; Défauts de coordination; Chocs asymétriques

Nos pays sont devenus trop petits pour le monde actuel, à l’échelle des moyens techniques modernes, à la mesure de l’Amérique et de la Russie d’aujourd’hui, de la Chine et de l’Inde de demain. L’unité des peuples européens, réunis dans les États-Unis d’Europe, est le moyen de relever leur niveau de vie et de maintenir la paix.

Jean Monnet, novembre 1954

I] L'Union Européenne est une expérience d'intégration économique, monétaire et politique singulière avec pour objectif la croissance économique.

A) L'Union européenne est un projet d’intégration économique et politique pour communautariser la prospérité et éviter la guerre sur le continent.

1. La construction de l’union européenne : prospérité et interdépendance économiques pour tous afin d’éviter la guerre : du marché unique à la zone euro.

Un marché commun est une union douanière – les membres ont adopté la même politique commerciale vis-à-vis du reste du monde – au sein de laquelle la libre circulation des facteurs de production (travail et capital) a été instaurée entre les États-membres. Une union économique et monétaire (UEM) correspond à une union économique – les membres ont adopté des politiques économiques communes – au sein de laquelle existe une monnaie unique, c’est-à-dire une monnaie qui remplace les monnaies qui étaient jusque-là propres à chaque pays, et donc une politique monétaire unique. La zone euro est caractérisée par une monnaie unique, elle ne peut donc avoir qu’une seule politique monétaire et donc une seule banque centrale : la BCE. Le passage à la monnaie unique vient compléter le marché unique.

La construction européenne résulte d’un projet politique. En effet, les destructions massives sur le territoire européen ont légitimé le projet d’une construction politique pour rendre la guerre impossible. Autrement dit la construction européenne repose sur la volonté d’empêcher le retour de la guerre en Europe en développant la coopération et la solidarité entre les pays du continent. Le 9 mai 1950, Robert Schuman, ministre français des affaires étrangères, présentait sa proposition relative à une organisation de l'Europe. Cette proposition, connue sous le nom de "déclaration Schuman", est considérée comme l'acte de naissance de l'Union européenne.

En 1951, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) est créée à l’initiative de Jean Monnet (Président de la haute autorité de la CECA) et Robert Schuman(ministre de la Justice sous la 4ème République). Elle réunie 6 États fondateurs (Belgique, République fédérale d’Allemagne, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas). Le but est alors de rendre impossible toute guerre en mettant en commun le charbon et l’acier qui sont les sources principales d’énergie et de production d’armes. L’idée d’assurer la paix par l’échange se trouve renforcée par la signature du Traité de Rome en 1957 qui crée la Communauté économique européenne (CEE) et initie la mise en place d’un marché commun. En 1992, signature du Traité de Maastricht qui crée l’Union économique et monétaire (UEM) et définit des critères de convergence pour entrer dans l’UEM). Critères de convergence : Inflation faible et contenue (inférieure à 2 %), déficit public inférieure 3% du PIB, dette publique inférieure 60% du PIB.

Quelles politiques économiques dans le cadre européen ?

L’Union Européenne est une expérience originale d’intégration car aucun pays n’est allé si loin dans l’intégration de leur économie sans qu’il y ait un État Fédéral. L’intégration européenne est un processus amenant à la création d’un espace économique commun dont les piliers sont une union douanière, l’élaboration d’un marché unique et une intégration monétaire. Elle implique une libéralisation de la circulation des biens, des services, des capitaux et des hommes, ainsi qu’une harmonisation ou une coordination des politiques économiques.

Dans l’histoire de la construction européenne, les degrés d’intégration ne sont pas des étapes qui se succèdent comme dans le modèle de Balassa, mais des processus économiques et politiques qui s'entrecroisent. Cela s'explique d’une part par des facteurs économiques (chaque pas en avant vers l’intégration économique incite à franchir le pas suivant) et par des facteurs politiques (chaque crise de l’Europe donne lieu à un approfondissement de l’intégration rendu nécessaire pour sauvegarder le projet politique d’union européenne). La zone euro est aujourd'hui une union économique et monétaire, c'est-à-dire un ensemble économique constitué de différents pays qui se caractérise par un marché intérieur commun, la mise en place d’une monnaie commune et des politiques économiques concertées.

Ce processus reste inachevé et variable selon les pays, puisque tous les pays membre de l’UE n’appartiennent pas à la zone euro et ne sont donc pas soumis aux mêmes politique monétaire. Bien que l’intégration européenne soit une intégration économique qui accroît l’interdépendance des pays, elle ne représente pas encore une Union politique. Pour cela, les pays devraient déléguer une part plus importante de leur souveraineté aux institutions européennes.

Aujourd'hui, l'UE réunit 27 pays (depuis le départ du RU le 31 janvier 2020) soit environ 450 millions d'habitants. L'UE représente 22% du PIB mondial. L'UE s'est construite par l'adoption successive de traités européens, c'est-à-dire d'accords adoptés par tous les États-membres à l’unanimité́ définissant l'organisation et les domaines de compétences de l'UE. Les traités européens définissent donc les objectifs poursuivis par l'UE, les règles de fonctionnement des institutions européennes, les procédures à suivre pour prendre des décisions et les relations entre l'UE et les États membres.

« Les pays membres de la zone euro », Touteleurope.eu, 15 février 2022

« Les pays membres de la zone euro », Touteleurope.eu, 15 février 2022

Il y a 19 pays membres de la zone euro : Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Slovaquie, Slovénie. Il y a 27 pays dans l’UE : les 19 pays de la zone euro et la Bulgarie, la Roumaine, la Croatie, la Hongrie, la République Tchèque, la Pologne, le Danemark, Suède.

Attention à ne pas confondre zone euro et l’UE. La zone euro (ou Union économique et monétaire - UEM) est l'ensemble géographique regroupant les 19 pays membres de l'Union européenne (constituant une Union économique à 28) qui ont satisfait aux critères de convergence et ont adopté l'euro comme monnaie nationale. Les autres membres de l’UE sont théoriquement appelés à rejoindre la zone euro mais certains bénéficient par choix d’une clause d’exemption lorsqu’ils ont signé les différents traités : l’opting out. Il s’agit du Danemark et de la Suède. Tous les pays de l’l’UE ont un mécanisme de change qui ancre leur monnaie sur l’Euro.

2. Le marché unique permet une augmentation des échanges et la croissance économique.

Le marché unique contribue, au sein de l’Union européenne, au développement des échanges commerciaux, des flux de capitaux et à la circulation du facteur travail. En effet, la construction d’un marché unique conduit à une augmentation du libre-échange et à la suppression des barrières tarifaires et non-tarifaires entre les différents pays membres. Comme nous pouvons le voir dans le chapitre sur le commerce international, cela permet d’augmenter la productivité des facteurs de production, puisque les États-membres vont se spécialiser dans les productions où ils sont les plus productifs (théorie de l’avantage comparatif de Ricardo). Cette hausse globale de la productivité des facteurs de production entraîne un accroissement des richesses produite, une baisse des prix sur le marché européen et donc une augmentation des échanges et de la croissance économique.

La libre circulation des travailleurs aboutie également à une meilleure allocation de la main d’œuvre, donc un chômage plus bas ; celle des capitaux à une meilleure allocation du capital, donc une plus grande possibilité de financement pour les entreprises et les ménages. Néanmoins, la mobilité du facteur travail est en réalité peu observée dans l’Union Européenne car de nombreuses barrières se dressent : la barrière de la langue, des barrières culturelles, des barrières en termes de niveaux de vie et de protection sociale freine la mobilité du travail.

De plus, le marché unique aboutit à l’accroissement de la taille des marchés. L’ouverture des frontières commerciales accroît les débouchés des entreprises qui trouvent plus de consommateurs à qui vendre leurs produit que dans une économie nationale. Ces derniers peuvent également bénéficier d’une plus grande diversité de produits, ce qui augmente les échanges. La spécialisation dans ce vaste marché permet des économies d’échelle, c’est-à-dire le fait qu’une augmentation du volume de production permette une baisse du coût de production unitaire grâce à la baisse du poids des coûts fixes. Cette baisse des coûts et donc des prix conduit à une augmentation du pouvoir d’achat. Enfin, la libéralisation des échanges développe la compétitivités des entreprises ce qui favorise l’innovation (et donc la croissance) et la baisse des prix des biens et services.

Néanmoins, les effets positifs de la constitution d’un marché unique en Europe sont inégalement répartis entre les différents États-membres. En effet, le marché unique a permis une augmentation moyenne du PIB de 4,4 % depuis 1987, mais les économies les plus ouvertes, notamment l’Europe de l’Est (Hongrie, Slovaquie, Slovénie, etc), en ont davantage bénéficié. En effet, ces pays ont vu leur PIB croître de 10 % sous le seul effet du marché unique. Au contraire, les pays périphériques comme la Grèce ont pu moins participer à l’intensification des échanges en raison de leur position géographique.

B) La politique européenne de concurrence contribue à la constitution du marché unique et à la croissance économique.

La politique européenne de la concurrence est l’ensemble de mesures destinées à organiser la concurrence sur les marchés. En Europe, il existe un échelon national (l’Autorité de la concurrence en France), et un échelon communautaire (la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne) quand les affaires ont des répercussions sur plusieurs états membres. Les normes relatives à la politique de la concurrence sont définies au niveau européen au départ dans le Traité de Rome, 1957, puis dans le Traité de Lisbonne de 2007

La politique européenne de la concurrence a plusieurs objectifs qui sont par ailleurs des facteurs de croissance économique :

  • Promouvoir un fonctionnement concurrentiel des marchés, afin de conduire à une baisse des prix avantageuse pour les entreprises (consommations intermédiaires) et les ménages (consommation finale).

  • Protéger les consommateurs (entreprises ou ménages) et permettre l’innovation, une diversité des produits, une amélioration de la qualité et des prix bas.

  • Renforcer la compétitivité des entreprises européennes afin d’affronter la concurrence internationale.

Il y a 4 grands axes d’intervention : 2 types d’interventions ex-post (cartels, abus de position dominante), 2 types d’interventions ex-ante (analyse des opérations de concentration et des aides publiques).

1. La politique de la concurrence lutte contre les cartels de producteurs et les abus de position dominante.

Un cartel de producteurs est une situation de marché où les entreprises sont en collusion (entente illicite), en fixant notamment leurs prix et leurs quantités de manière coordonnée pour maximiser leurs profits communs. Les cartels sont néfastes pour le consommateurs car les prix sont plus élevés et les quantités moindres qu’en situation de concurrence. Pour lutter contre les cartels, dissuader les collusions, de lourdes amendes sont prévues par les autorités. Pour mieux les détecter, des programmes de clémence sont mis en place (amendes revues à la baisse ou impunité totale pour celui qui dénonce). Aux États-Unis, il y a des peines d’amende et de la prison ferme pour les cadres dirigeants de l’entreprise.

Un abus de position dominante c’est lorsqu’une entreprise profite de sa situation dominante sur le marché pour imposer des conditions de vente déloyales. Cela peut être des prix abusifs (trop élevé), artificiellement bas pour empêcher les concurrents de s’aligner, des accords de vente exclusifs, des primes de fidélité visant à détourner les fournisseurs de leurs concurrents, subordonner l’achat d’un produit à celui d’un autre produit (Microsoft et Windows Media Player).

Détenir une position dominante sur un marché ne sont pas condamnable en soi, c’est le fait d’en profiter pour adopter des pratiques anticoncurrentielles qui est condamnable. Une entreprise « domine » son marché lorsqu’elle peut prendre des décisions indépendamment du comportement de ses concurrents et des consommateurs.

2. La politique de la concurrence lutte contre les opérations de concentration et encadre les aides publiques.

La politique de concurrence s’exerçant sur les entreprises peut également prendre la forme de lutte contre les concentrations. La concentration d’entreprise n’est, en soi, pas interdite, mais ce regroupement ne doit pas avoir pour objet de créer ou renforcer une position dominante qui pénaliserait les consommateurs. La commission européenne examine en amont les opérations de concentration (rachats, « entrée au capital », fusions d’entreprises) pour s’assurer qu’elles ne créent pas de situation de monopole. Très peu d’opérations sont refusées. 300 cas examinés par an et moins d’un seul refus en moyenne.

Les aides publiques aux entreprises sont également fortement encadrées par la commission européenne, notamment les subventions et les exonérations fiscales. La Commission européenne peut imposer à un État membre de cesser ses aides publiques auprès d’entreprises nationales. S’il continue à ne pas respecter le principe de libre concurrence au sein de l’Union, la Commission peut saisir la Cour de Justice européenne, qui pourra alors décider de sanctionner financièrement l’État. Le but est de rendre équitable la libre circulation des biens et services et de ne pas engendrer un phénomène de course à la subvention. Certaines dérogations sont cependant acceptées : Aides suite à une catastrophe naturelle; Aides à des secteurs ou régions en difficulté; Aides à la R & D; Aides aux PME; Aides à la protection de l’environnement.

D’autre part, les monopoles des services publics font l’objet de projets de libéralisation progressive (ouverture à la concurrence) : secteur de l’énergie, courrier, transport ferroviaire. Souvent, le réseau reste dans une seule entreprise, publique, mais les opérateurs sont en concurrence (ex : en France, RFF et SNCF).

Isabelle Baquet (dir), Manuel de sciences économiques et sociales Terminale, Magnard, 2020

Isabelle Baquet (dir), Manuel de sciences économiques et sociales Terminale, Magnard, 2020

C) La politique de concurrence est l’objet de limite en termes d’efficacité et peut aller à l’encontre de la politique industrielle et des services publics.

1. Les limites de la politique anticoncurrentielle en termes d’efficacité.

Avant de se lancer dans une pratique anticoncurrentielle, l’entreprise fait un calcul entre les coûts de cette action, notamment si elle est attrapée rendue coupable, et les bénéfices de son action (surprofit). C’est pour cela que les contrôles doivent être assez fréquent (probabilité de se faire attraper) et les sanctions doivent être assez importante pour être dissuasive, que ce soit en terme monétaire (amende) voire en peine de prison.

2. La politique de la concurrence peut aller à l’encontre de la politique industrielle.

La Commission européenne veille au maintient de la concurrence également en évitant des abus de positions dominantes par l’étude et le contrôle des opérations de concentration. Ce contrôle des opérations de concentration a été critiqué à plusieurs reprises, notamment lors du refus de fusion entre Alstom et Siemens (décision du 6 février 2019). Bien que ces refus de fusion-acquisition soient rares, ils nuirait à l’émergence de grands champions européens, et particulièrement dans des secteurs stratégiques et de haute technologie. Or, ces grands groupes européens seraient un facteur d’innovation, de croissance et d’emploi. Les entreprises européennes peinent alors à rivaliser avec les entreprises étrangères qui bénéficient d’une politique industrielle offensive comme les entreprises chinoises (« Nouvelles routes de la Soie » par exemple).

La politique industrielle est l’ensemble des mesures prises par les pouvoirs publics pour encourager le développement de certaines branches d'activité dans un sens jugé souhaitable pour l’activité économique du pays. On distingue : La politique verticale, ciblée sur certains secteurs, visant à améliorer la compétitivité des acteurs industriels et la politique horizontale qui vise à améliorer l’attractivité d’un territoire et favoriser le climat des affaires La politique industrielle verticale consiste en l’attribution de subventions, aides financières, et commandes publiques à certaines industries, dans le but de créer des géants de l’industrie, capables de rivaliser avec les entreprises étrangères. Mais ces instruments de protection des industries contreviennent aux règles de la concurrence (la politique industrielle entre donc en conflit avec la politique de concurrence). Pour se conformer aux règles européennes, les États ont limité leur politique industrielle à des politiques horizontales. Le soutien de l’État envers des géants de l’industrie n’est donc plus possible.

3. La politique de la concurrence peut aller à l’encontre des services collectifs.

Les services collectifs correspondent aux prestations en nature (éducation, santé, défense, bibliothèques etc.) à vocation universelle, financées par les prélèvements obligatoires et fournies par les administrations publiques. On peut aussi considérer que l’accès à l’électricité, à l’eau, au transport ferroviaire, aux télécommunications font partie des services collectifs. Historiquement, cela a été mis en place par des entreprises publiques dans une volonté d’aménagement du territoire et de développement économique.

Mais, il y a une contestation d’inspiration libérale : l’État et les gouvernants ne recherchent pas l’intérêt général mais des intérêts particuliers (réélection, prestige et pouvoir…). Par ailleurs, les entreprises publiques seraient moins efficaces que le privé, qui lui est aiguillé par la concurrence. Les services collectifs n’ont donc pas à être produit par l’État ou des entreprises publiques, moins efficace que des acteurs privés guidés par le marché. Il y a donc en Europe une ouverture de la concurrence. Cela passe notamment par la séparation des activités réseau des activités distribution, production.

La libéralisation dans des activités peut aboutir à de nouvelles concentrations, le monopole public étant alors remplacé par un oligopole d’opérateurs privés qui peuvent exercer leur pouvoir de marché au détriment des consommateurs. La recherche du profit plutôt que de la satisfaction des consommateurs peut dégrader la qualité du service, la sécurité (ex. du nucléaire). L’ouverture à la concurrence remet en cause l’égalité de traitement des usagers et la péréquation (exemple du rail). Elle peut reléguer au second plan les finalités sociales et environnementales des services publics (ex. : aménagement du territoire). Au total, il y a donc des craintes que la libéralisation menace l’essence même des services publics, à savoir leur mission d’intérêt général, leur capacité à assurer l’égalité, la cohésion sociale et territoriale.

La législation européenne prend en compte les services d’intérêt général qui sont des activités de service, commercial ou non, considérées d’intérêt général par les autorités publiques, et soumises pour cette raison à des obligations spécifiques de service public. Elle distingue les services « non économiques » d’intérêt général (fonction régalienne et sécurité sociale) non soumis à la politique de la concurrence et les services d’intérêt général qui eux sont soumis à la politique de la concurrence. Cependant, cette conception fait émettre de nombreux doutes : les services collectifs permettent d’assurer l’égalité de traitement des usagers et a des finalités sociales et environnementales des services publics (ex. : cohésion sociale et territoriale).

II] Les politiques économiques dans l’Union européenne permettent d’agir sur la conjoncture néanmoins la dissociation entre politique monétaire et budgétaire limite leur efficacité.

La politique économique est l'ensemble des objectifs et des instruments par lesquels les pouvoirs publics cherchent à orienter l'économie. On s'intéresse ici aux politiques conjoncturelle qui sont liées à la fonction de stabilisation de l'activité économique : stabiliser le rythme de la croissance en favorisant la stabilité des prix, lutter contre le chômage et tendre vers l'équilibre de la balance commercial (autant d’exportation que d’importation).

A) Les politiques budgétaires permettent de soutenir la demande et la croissance économique.

L’élaboration du budget de l’État, dessine-moi l’économie, 2013.

Le solde budgétaire est la différence entre les recettes et les dépenses de l’État. Si les recettes ne couvrent pas les dépenses, l’État est en déficit budgétaire. C’est la situation que les pays européens connaissent depuis plus de 40 ans. L’accumulation des déficits chaque année conduit à la création d’une dette que l’État doit financer par l’emprunt. La dette correspond à l'ensemble des engagements financiers pris sous forme d'emprunts par L’État. Dans le cadre européen, les États membres doivent respecter le Pacte de stabilité et de croissance (1987), qui marque une limite dans les possibilité de mener une politique budgétaire de croissance. Il implique l’engagement à respecter un déficit budgétaire inférieure à 3% du PIB et une dette publique dans la limite de 60% du PIB. Cependant, il est peu respecté, notamment depuis la crise de 2008 et récemment celle du Covid 19 pendant laquelle la clause dérogatoire générale du cadre budgétaire a été appliquée pour faire face à le pandémie (les États membres peuvent prendre des mesures afin de faire face de manière adéquate à la crise, tout en dérogeant aux obligations budgétaires qui s'appliqueraient normalement au titre du cadre budgétaire européen). En France en 2021, le déficit publique (qui prend en compte toutes les administrations publiques) était de 6,5 % du PIB et la dette publique de 112,9 % du PIB.

Les politiques budgétaires sont caractérisées par l'utilisation du budget de l’État, c’est-à-dire par la réalisation de dépenses et/ou de recettes pour relancer ou freiner l'activité économique. La politique budgétaire vise alors à agir sur la conjoncture économique via ses effets sur la demande globale. La demande globale (ou agrégée) est constituée de l’ensemble des biens et services qui sont demandés dans une économie. (par les ménages : C, les entreprises : I, les administrations publiques : G, ainsi que par le reste du monde : X). Les dépenses publiques sont donc une composante de la demande globale. L’État peut alors mener une politique de relance afin de stimuler la croissance économique. Selon la théorie économique keynésienne (de J.M. Keynes) le niveau de production dépend largement de la demande anticipée des producteurs, c’est-à-dire des anticipations sur la demande globale faite par les producteurs. Lors de ralentissement économique, les producteurs anticipent une baisse de la demande et produisent moins. Pour relancer l’activité, l’État peut alors augmenter ses dépenses., sans augmenter les prélèvements obligatoires sur les ménages ou les entreprises, pour ne pas conduire à une baisse de la consommation (ménage) ou des investissements (entreprises) qui induirait une baisse de la demande globale et neutraliserait les effets de l’augmentation des dépenses publiques. L’État doit donc s’endetter. Par ailleurs, la hausse du PIB, consécutive à la dépense publique, permet d’augmenter les recettes fiscales sans pour autant augmenter les prélèvements obligatoire et finalement permet de financer le déficit public.

La politique budgétaire est censée être contracyclique, c’est-à-dire qu’elle permet de relancer l’activité en période de récession mais également à la ralentir en période d’extension. Cependant, elle peut parfois être procyclique et conduit à l’instabilité de la croissance économique.

Quelles politiques économiques dans le cadre européen ?

La politique budgétaire peut également permettre de freiner l’économie lors de risque inflationniste, c’est-à-dire lorsque que le niveau général des prix augmente de façon trop importante. Pour cela, l’État peut mener des politiques budgétaires d’austérité (ou de rigueur) en augmentant les prélèvements obligatoires et/ou en réduisant les dépenses publiques ce qui limite la hausse de la demande globale. En effet, lorsque la demande globale est supérieure à l’offre globale, cela conduit à une hausse générale des prix. Dans ces conditions, la baisse de la demande globale conduit à une stabilisation des prix.

Notons que les politiques budgétaires de relance ont connu de vives critiques dans les années 1970 à propos de leur inefficacité à faire face au ralentissement économique de l’époque :

  • Compte tenu du fait que l’État finance son déficit public par l’emprunt, cela conduit à une hausse du taux d’intérêt. Ce qui nuit à l’investissement privés (les entreprises ne pouvant plus payer les taux d’intérêt devenus trop élevés).

  • Les politiques budgétaires peuvent faire augmenter la demande mais pas nécessairement l’offre.

  • Elles peuvent également être inefficaces dans une économie ouverte, si elles ne sont pas menées conjointement. En effet, l’augmentation des importations peut nuire au solde extérieur si le niveau des exportations n’augmente pas parallèlement.

  • Enfin, une dette trop importante pose la question de la soutenabilité de cette dette, c’est-à-dire de la capacité pour l’État à rembourser sa dette. En effet, les agents économiques peuvent anticiper une hausse des prix suite à une relance économique et choisir d’épargner plutôt que de consommer, ce qui conduira à une augmentation de la dette.

B) Dans la zone euro, la banque centrale européenne met en œuvre la politique monétaire qui est commune à l’ensemble des pays de l’UEM.

Les politiques monétaires sont caractérisées par l'action de la banque centrale sur la masse monétaire, notamment à travers la variation du taux d'intérêt directeur. Un taux directeur est le taux auquel les banques de second rang empruntent de la monnaie banque centrale auprès de la banque centrale. Il sert à « diriger » les taux d'intérêts que les banques de second rang appliquent aux agents économiques lorsqu’ils empruntent. La banque centrale est une institution publique, généralement indépendante des gouvernements, détenant le monopole de la régulation de la masse monétaire, qui est la quantité de monnaie en circulation dans une économie ou une zone monétaire et garantissant la valeur de la monnaie.

La Banque centrale européenne (BCE) a pour objectif la maîtrise du taux d’inflation autour de 2 %. L’inflation est l’augmentation générale du niveau des prix. Lorsque la monnaie en circulation est en quantité trop importante par rapport aux besoins de l’activité économique, cela conduit à une pression sur l’augmentation des prix car la monnaie en circulation permet d’augmenter la demande des agents économiques sans que les offreurs puissent y répondre (les offreurs augmentent donc leur prix).

Pour limiter l’inflation , la BCE agit sur l’activité économique, grâce à trois outils. Premièrement, en pilotant le taux directeur, qui est le taux d’intérêt appliqué aux banques de second rang. Lorsque les prix augmentent la banque centrale relève les taux d’intérêt directeurs, ce qui freine l’octroi de crédits des banques de second rang, puisque l’emprunt devient plus cher. Les agents économiques empruntent moins, les ménages consomment moins, les entreprises investissent moins, ce qui ralentit mécaniquement l’activité économique et l’inflation. Par contre, en situation de faible croissance économique, la Banque centrale peut diminuer les taux d’intérêt directeurs ce qui facilite l’accès au crédit pour les ménages et les entreprises qui sont alors incités à emprunter. Cela fait augmenter la demande globale (C+I) et relance l’activité économique. L’utilisation du taux directeur pour stabiliser l’économie est appelé politique monétaire conventionnelle.

La politique monétaire non-conventionnel, Citéco

Les deux autres outils sont des politiques monétaire non-conventionnelle

  • La BCE peut aussi agir sur la monnaie en circulation en achetant des actifs (titres de dette des États et des entreprises, actions). On parle d’assouplissement quantitatif (« Quantitative Easing »). Largement utilisé lors de la crise de 2008 et la crise du covid 19 l’utilisation de l’achat d’actif – aussi appelé « politique de bilan » pour émettre des liquidités lorsque le taux directeur est bas est une politique monétaire non-conventionnelle.
  • Enfin, la BCE utilise une politique de guidage des anticipations (forward guidance) en annonçant en amont sa politique monétaire conventionnelle et non-conventionnelle pour permettre aux agents économiques d’anticiper la politique monétaire et de prendre leur décision dans un climat de confiance et de stabilité.

Dans la zone euro, la politique monétaire ne peut pas être utilisée pour mener des politiques de relance, puisqu’elle est commune à tous les États membre et a pour objectif principal la stabilité des prix (les objectifs secondaires étant le soutien aux politiques économiques générales de l'Union européenne : la croissance, l'emploi et la protection sociale). C'est l'un des éléments qui explique la réussite de la zone euro en matière de maîtrise de l'inflation, mais ses difficultés en matière de croissance et d'emploi, la cible d’inflation étant prépondérante sur les autres objectifs.

L'UE a rendu les politiques conjoncturelles des États-membres interdépendantes avec une politique monétaire européenne commune, orientée vers la lutte contre l'inflation et des politiques budgétaires qui restent nationales, mais qui sont encadrées par des règles communes. Cette situation limite la coordination et l’efficacité des politiques économiques européennes et la capacité de l’UE à répondre aux chocs asymétriques.

III] L’Union européenne fait face à des chocs asymétriques et la politique économique européenne manque de coordination.

A) La divergence des économies européennes est source de choc asymétriques

La convergence est le rapprochement des grands paramètres macroéconomiques : taux d’inflation, taux de chômage, taux de croissance économique, niveau des déficits publics et d’endettement public. La création d'un marché commun stimule la concurrence et permet théoriquement de faire converger les économies européennes puisque celles qui ont un niveau de vie moins élevé devraient être plus compétitives et donc devraient connaître une croissance économique plus forte et rattraper ainsi les économies les plus avancées de la zone. Par ailleurs, pour pouvoir rentrer dans la zone euro, les pays devaient respecter les critères de convergence de Maastricht, et donc avoir des économies à peu près similaire en termes d'inflation et de respect des règles budgétaires.

Néanmoins, c'est l'inverse qui s'est produit, les économies européennes ont au contraire été frappées par des chocs asymétriques, qui sont des chocs économiques qui ne touchent qu'une partie des économies de l'union européenne ou avec une intensité différente dans chaque pays. Les taux de chômage des principaux pays européens avaient eu tendance à se rapprocher, ils ont depuis tendance à diverger :

  • les pays d’Europe du Nord (Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg…) connaissent des taux de chômage faibles et en baisse. Leur conjoncture économique est donc bonne;
  • les pays d’Europe du Sud (Italie, Espagne, France) connaissent des taux de chômage élevés et en augmentation du fait de leur enfoncement dans la dépression économique.

Une zone monétaire optimale est lorsqu’une zone géographique gagne à partager une monnaie unique tout en absorbant les chocs conjoncturels asymétriques. Robert Mundell expliquait que pour qu’une zone monétaire soit optimale, il faut qu’existent des mécanismes d’ajustements alternatifs à la perte d’autonomie, pour chaque État membre, de la politique monétaire et du taux de change. Il faut alors que les facteurs de production soient parfaitement mobiles, que les salaires soient flexibles, mais également que la zone monétaire dispose d’un budget afin d’effectuer des transferts budgétaires au sein de la zone pour ajuster les déséquilibres.

La zone euro n’est donc pas une zone monétaire optimale. En effet, les pays membres de la zone euro ne partagent pas la même langue, ce qui limite la mobilité géographique. De plus, le code du travail y est différent (tous les pays n’ont pas de salaire minimum par exemple). Enfin, le budget communautaire ne représente que 2 % des richesses de la zone, ce qui empêche un rééquilibrage par des transferts fédéraux. C’est pourquoi la question de la constitution d’un véritable budget pour la zone euro a été posée, notamment par Mario Draghi lorsqu’il a quitté sa fonction de président de la BCE (28 octobre 2019).

B) La politique monétaire unique et les politiques budgétaires nationales entraînent un défaut de coordination et d’efficacité.

La disparité des situations crée des difficultés de coordination des politiques conjoncturelles : certains pays auraient besoin d'une politique de relance ; or :

  • La politique monétaire unique ne permet pas de le faire car elle répondra au besoin de certains pays mais aurait un effet inflationniste trop important pour une partie des autres économies de la zone euro.

  • La politique budgétaire est encadrée par des règles communes mais reste autonome pour chacun des États membres. Les marges de manœuvres sont alors limitées pour les États les plus endettés.

1. La politique monétaire unique ne permet pas de répondre aux besoins particuliers de chacun des États membres de la zone euro.

Quelles politiques économiques dans le cadre européen ?

La disparité des situations économiques des pays membres rend difficile la conduite de la politique monétaire unique. En effet :

  • Des États nécessitent des politiques monétaires opposées : les pays en crise économique avec un taux d’inflation plus faible que 2% nécessiteraient une politique de relance monétaire quand les pays avec un taux d’inflation supérieur à 2% à moyen terme nécessitent une politique de rigueur.

  • Un même taux d’intérêt directeur a des effets différents selon les pays : ceux qui sont en inflation ont un taux d’intérêt réel bas qui stimule leur croissance économique (relance de la demande par l’investissement et la consommation) tandis que ceux en faible inflation ont un taux d’intérêt réel élevé qui accroît comprime l’expansion de la demande.

2. La politique budgétaire est limitée par des situations d’endettement différent et un manque de coordination entre États membres.

Les pays qui ont besoin d'une stimulation de la demande peuvent le faire seuls, avec une politique budgétaire, puisque les politiques budgétaires, elles, sont autonomes. Néanmoins, une partie des États membres, notamment ceux qui auraient besoin d’un soutien à la demande, sont très endettés et ne peuvent pas utiliser leur politique budgétaire.

La divergence des économies européennes se voit notamment dans le taux d’endettement public et le déficit public. Par exemple, entre 2009 et 2018, l’Allemagne a diminué son taux d’endettement public de plus de 10 points et se rapprochant des critères du PSC (endettement public de 60,9% du PIB) tandis que la France a vu son endettement public augmenté de 15 points sur la période. Si en 2009, il y avait uniquement 10 points de différence entre les taux d’endettement public des deux pays, en 2020 cet écart est désormais de 45 points car l’Allemagne avait diminué son endettement public lors de la décennie précédente tandis que la France n’avait pas pris les mêmes mesures.

Ainsi, selon leur taux d’endettement public les pays de la zone euro – et plus généralement de l’Union européenne – n’ont pas les mêmes marges de manœuvre budgétaire. Le PSC vient limiter la capacité des États à augmenter leur endettement public même lorsqu’ils bénéficient d’une bonne signature sur les marchés financiers (les prêteurs ont confiance dans la capacité du pays à rembourser sa dette et ils continuent de le financer à des taux faibles, c’est notamment le cas de la France). Une politique de relance creuserait nécessairement les déficits et la dette ; or les États qui ont besoin d'une relance (comme la Grèce, l'Espagne, ou dans une moindre mesure, la France) ont des déficits publics et un niveau d'endettement qui dépassent déjà les seuils fixés par l'UE. Par ailleurs, les pays peuvent être tenté de laisser leur voisin européen relancer leur économie nationale ce qui aura des effets sur leur propre pays grâce au commerce intra-européen. Cette stratégie, qui revient à bénéficier de la politique économique des autres sans en subir les coûts, conduit à un manque de coopération entre les pays.

L'UE a du mal à se coordonner pour faire face à l'hétérogénéité des situations économiques : la politique monétaire est unique, donc inadaptée aux chocs asymétriques. Quant aux politiques budgétaires, elles sont compromises par le pacte de stabilité et de croissance et très faiblement coordonnées entre les pays. Tout cela conduit à un manque d’efficacité de la politique économique.

3. Une évolution de L'UE et de la zone euro vers davantage de coopération permettrait une amélioration de la situation économique des États membres.

Malgré les difficultés de coordination des politiques économiques européennes, l’Union européenne a mis en place divers mesures pour faire face aux effets économiques de la covid19.

La BCE, en zone euro, a acheté des titres de dettes sur les marchés financiers – il est interdit dans les statuts de la BCE de financer directement les États de la zone euro – permettant i) le financement de la dette des États (demande des actifs des États), ii) que ce financement soit à taux faible (la forte demande de ces actifs permet de garantir des taux d’intérêts bas pour ces États, donc un financement peu coûteux), iii) d’octroyer des liquidités au système financier (donc d’éviter un rationnement du crédit par manque de liquidité bancaire).

L’Union européenne a élaboré un plan de relance de 750 milliards sur 3 ans (à comparer au budget européen qui est d’environ 1 000 milliards d’euros sur 7 ans habituellement) qui s’ajoute au budget européen 2021-2027. Ce plan de relance de 750 milliards d’euros est nouveau car il provient d’un endettement de l’UE et non des États eux-mêmes – donc à un taux d’intérêt beaucoup plus faible que les taux d’intérêts que les États pourraient avoir par ailleurs du fait de la confiance des marchés financiers pour l’UE – et d’un mécanisme de solidarité entre les États du nord – qui rembourseront davantage que ce qu’ils percevront du plan de relance – envers les pays du sud plus endettés et nécessitant davantage une relance économique. Cet endettement commun ira de pair avec la création de nouvelles ressources communes ce qui est un pas de plus vers l’intégration politique.

Les mesures de soutien économique suite à la covid19 sont un policy mix qui représente l’ensemble des combinaisons possibles entre politiques budgétaires et monétaires dans le but, dans le cas présent, de relancer l'économie. Une réforme des règles budgétaires est actuellement en discussion dans l’Union européenne visant à préserver l’investissement public, notamment dans la transition écologique, et à repenser les limites au déficit et à l’endettement public.

Publié dans Terminale ES

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